palais d'un Grand disgracié; il trace rapidement les festins du bonheur et la suite des convives infideles. Enfin il arrive à son but, qui est de recommander Auguste, et sa course est finie. Voici maintenant deux odes galantes. Toutes deux sont fort courtes; dans toutes deux il y a un mélange de douceurs et de reproches, de louange et de satyre, qui a toujours été l'âme de cette espece de commerce et le fond des conversations amoureuses : c'est tout comme aujourd'hui. Voilà bien des raisons qui peuvent faire excuser une traduction médiocre. Si le ciel t'avait punie De l'oubli de tes sermens " Та Tes yeux ont plus de douceur. Si par tous les dieux du ciel, Les dieux restent sans colere Combien d'encens ou t'apporte! A PYRRHA. Pyrrha, quel est l'amant enivré de tendresse, Où ce jeune imprudent, comblé de tes faveurs, Et fait naître une grâce à chaque mouvement. Qu'elle attache négligemment. Hélas! s'il prévoyait les pleurs qu'il doit répandre! Il faut voir ce qu'est Horace jusque dans un simble billet, où il s'agit d'un souper chez sa maîtresse son imagination riante l'y conduit en bonne compagnie. O reine de Paphos, de Gnide et de Cythere! Viens, quitte ces beaux lieux, quittes-les pour Glycere. Les Nymphes à l'envi se pressant sur tes pas, Quelle flexibilité d'esprit et de style ne faut-il pas pour passer de ces images gracieuses au ton de l'ode Justum et tenacem, dont le début, si fier et si imposant, a été souvent cité comme un modele du style sublime! Le juste est inébranlable, Il verra, sans s'émouvoir, Un tyran furieux, lui montrant le supplice, Il y a dans Horace environ une trentaine d'odes galantes ou amoureuses, qui prouvent toutes combien cet écrivain avait l'esprit fin et délicat. Ce sont la plupart des chefs-d'œuvre finis par la main des Grâces. Personne ne lui en avait donné le modele. Ce n'est point là la maniere d'Anacréon : le fond de ces petites pieces est également piquant dans toutes les langues et chez tous les peuples où regnent la galanterie et la politesse. Elles sont meme beaucoup plus agréables pour nous que les odes héroïques du même auteur, dont le fond nous est souvent trop étranger, et dont la marche hardie et rapide ne peut guere être suivie dans notre langue, qui procede avec plus de timidité, et veut toujours de la méthode et des liaisons. Peut-être serions nous un peu étourdis de la course vagabonde du poëte, et trouverions-nous qu'il y a dans cette espece d'ouvrage trop pour l'imagination et pas assez pour l'esprit. Sous ce point de vue, chaque peuple a son goût analogue à son caractere et à son langage; et il est sûr que nos odes, n'étant pas faites pour être chantées, ne doivent pas ressembler aux odes grecques et latines. La plupart au contraire sont des discours en vers, à peu près aussi suivis, aussi bien liés qu'ils le seraient en prose. Je ne dis pas qu'il faille nous en blâmer absolument; mais ne seraient-elles pas susceptibles d'un peu plus d'enthousiasme et de rapidité qu'on n'en remarque, même dans nos plus belles? C'est ce qu'il sera tems d'examiner quand il sera question des lyriques modernes (1). (1) Parmi eux la premiere place appartient sans contredit à Rousseau. Mais en finissant cet article, peut-être n'est-il pas inutile d'observer, pour l'intérêt du goût, quel tort lui font ceux qui, rédigeant au hasard des livres élémentaires, des poétiques, des rhétoriques à l'usage des jeunes gens, les induisent en erreur, en citant, à l'abri d'un nom célebre, de très mauvais vers dont il ne faudrait parler que pour en faire voir les défauts, bien loin de les rapporter comme des autorités. Tous ces compilateurs qui se copient fidellement les uns les autres, et dont le nombre est infini, ne manquent jamais, à propos d'Horace, de transcri e le jugement qu'en a porté Rousseau dans ses épîtres. Le voici : Non moins brillan, quoique sans étincelle, De Cytherée exalte les faveurs, Chante les dieux, les héros, les buveurs ; De jeunes étudians dont le goût ne peut pas encore être formé. se mettent ces vers dans la mémoire, parce qu'on les leur a fait répéter dans leurs exercices du collége, et les croient bons parce qu'ils sont de Rousseau. Il faudrait au contraire leur faire voir tous les vices de ce style, et combien il rassemble de fautes. Il n'est pas CHAPITRE VIII. De la Poésie pastorale et de la Fable chez les Anciens. SECTION PREMIÈRE. Pastorales. Il n'y a point de poésie plus décréditée parmi nous, ni qui soit plus étrangere à nos mœurs et à notre goût. Ce n'est pas la faute du genre, vrai qu'Horace soit sans étincelles : il en a de plus d'une sorte, s'il est vrai qu'on doive entendre par ce mot des traits saillans: ses odes surtout en sont pleines. Ce vers de Rousseau semblerait dire que les étincelles sont un défaut, mais jamais ce mot n'a été pris en mauvaise part, et quoiqu'un mauvais ouvrage puisse avoir des étincelles, rien n'empêche qu'il n'y en ait dans les meilleurs. Dire qu'un écrivain tel qu'Horace exa'te les faveurs de Cytherée, c'est s'exprimer d'une maniere froide et flasque. Le plus mince rimailleur peut era'ter ces faveurs-'à; mais un Horace, un Chaulieu, un Tibulle en parlent en amans et en poëtes, les sentent et les font sentir, et ne les exaltent pas. Berner les vers ineptes est une expression basse qui ne peut passer dans un morceau sérieux, et la rime d'ineptes et de préceptes est d'une dureté choquante dans un endroit qui devrait avoir de la grâce. Instruire par préceptes et par sermons est une construction marotique très-déplacée quand on donne des leçons et qu'on cite un modele; et des sermons de joie antidotés sont d'un jargon barbare qu'il faudrait réprouver partout. Ces remarques n'emp chent pas que Rousseau ne soit dans d'autres ouvrages un excellent versificateur; mais c'est pour cela même qu'il ne faut pas aller chercher ce qu'il a de plus mauvais, pour le placer dans des livres didactiques. C'est un piége tendu à la jeunesse, que ces livres devraient éclairer. |