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palais d'un Grand disgracié; il trace rapidement les festins du bonheur et la suite des convives infideles. Enfin il arrive à son but, qui est de recommander Auguste, et sa course est finie.

Voici maintenant deux odes galantes. Toutes deux sont fort courtes; dans toutes deux il y a un mélange de douceurs et de reproches, de louange et de satyre, qui a toujours été l'âme de cette espece de commerce et le fond des conversations amoureuses : c'est tout comme aujourd'hui. Voilà bien des raisons qui peuvent faire excuser une traduction médiocre.

Si le ciel t'avait punie

De l'oubli de tes sermens "
S'il te rendait moins jolie
Quand tu trompes tes amans,
Je croirais ton doux langage,
J'aimerais ton doux lien :
Hélas! il te sied trop bien
D'être parjure et volage.
Viens-tu de trahir ta foi?
Tu n'en es que plus piquante,
Plus belle et plus séduisante;
Les cœurs volent après toi.
Par le mensonge embellie,
bouche a plus de fraîcheur.
Après une perfidie,

Та

Tes yeux ont plus de douceur.
Si l'ombre de ta mere
par

Si par tous les dieux du ciel,
Tu jures d'être sincere,

Les dieux restent sans colere
A ce serment criminel;
Vénus en rit la premiere,
Et cet enfant si cruel,
Qui sur la pierre sanglante
Aiguise la leche ardente
Que sur nous tu vas lancer,
Rit du mal qu'il te voit faire,
Et t'instruit encore à plaire
Pour le mieux récompenser.
Combien de voeux on t'adresse!
C'est toi
pour que la jeunesse
Semble croître et se former.

Combien d'encens ou t'apporte!
Combien d'amans à ta porte
Jurent de ne plus t'aimer!
Le vieillard qui t'envisage,
Craint que son fils ne s'engage
En un piége si charmant,
Et l'épouse la plus belle
Croit son époux infidelle
S'il te regarde un moment.

A PYRRHA.

Pyrrha, quel est l'amant enivré de tendresse,
Qui, sur un lit de rose, étendu près de toi,
T'admire, te sourit, te parle, te caresse,
Et jure qu'à jamais il vivra sous ta loi?
Quelle grotte fraîche et tranquille
Est le voluptueux asyle

Où ce jeune imprudent, comblé de tes faveurs,
Te couvre de parfums, de baisers et de fleurs?
C'est pour lui qu'à présent Pyrrha veut être belle;
Que ton goût délicat releve élégamment
Ta simplicité naturelle,

Et fait naître une grâce à chaque mouvement.
Pour lui ta main legere assemble à l'aventure
Une flottante chevelure

Qu'elle attache négligemment.

Hélas! s'il prévoyait les pleurs qu'il doit répandre!
Crédule, il s'abandonne à l'amour, au bonheur.
Dans ce calme perfide, il est loin de s'attendre
A l'orage affreux du malheur.
L'orage n'est pas loin : il va bientôt apprendre
Que l'aimable Pyrrha qu'il possede aujourd'hui,
Que Pyrrha, si belle et si tendre,
N'était pas pour long-tems à lui.
Qu'alors il pleurera son fatal esclavage!
Insensé qui se fie à ton premier accueil !
Pour moi, le teins m'a rendu sage;
J'ai regagné le port, et j'observe de l'œil
Ceux qui vont, comme moi, se briser à l'écueil
Que j'ai connu par mon naufrage.

Il faut voir ce qu'est Horace jusque dans un simble billet, où il s'agit d'un souper chez sa maîtresse son imagination riante l'y conduit en bonne compagnie.

O reine de Paphos, de Gnide et de Cythere!

Viens, quitte ces beaux lieux, quittes-les pour Glycere.
Sa demeure est plus belle, et son encens plus doux.
Mene avec toi l'enfant qui nous commande à tous,
Qui regne sur le Monde et même sur sa mere.
Mercure, ennemi des jaloux,
Les Grâces en robe flottante,

Les Nymphes à l'envi se pressant sur tes pas,
Et la Jeunesse enfin divinité charmante,
Qui sans toi ne le serait pas.

Quelle flexibilité d'esprit et de style ne faut-il pas pour passer de ces images gracieuses au ton de l'ode Justum et tenacem, dont le début, si fier et si imposant, a été souvent cité comme un modele du style sublime!

Le juste est inébranlable,
Et sur la base immuable
Des vertus et du devoir,

Il verra, sans s'émouvoir,

Un tyran furieux, lui montrant le supplice,
Un peuple soulevé lui dictant l'injustice,
Le bras de Jupiter tout prêt à foudroyer:
Le ciel tonne, la mer gronde,
Sur lui les débris du Monde
Tomberont sans l'effrayer.

Il y a dans Horace environ une trentaine d'odes galantes ou amoureuses, qui prouvent toutes combien cet écrivain avait l'esprit fin et délicat. Ce sont la plupart des chefs-d'œuvre finis par la main des Grâces. Personne ne lui en avait donné le modele. Ce n'est point là la maniere d'Anacréon : le fond de ces petites pieces est également piquant dans toutes les langues et chez tous les peuples où regnent la galanterie et la politesse. Elles sont meme beaucoup plus agréables pour nous que les odes héroïques du même auteur, dont le fond nous est souvent trop étranger, et dont la marche hardie et rapide ne peut guere être suivie dans notre langue, qui procede avec plus de timidité, et veut toujours de la méthode et des liaisons. Peut-être serions

nous un peu étourdis de la course vagabonde du poëte, et trouverions-nous qu'il y a dans cette espece d'ouvrage trop pour l'imagination et pas assez pour l'esprit. Sous ce point de vue, chaque peuple a son goût analogue à son caractere et à son langage; et il est sûr que nos odes, n'étant pas faites pour être chantées, ne doivent pas ressembler aux odes grecques et latines. La plupart au contraire sont des discours en vers, à peu près aussi suivis, aussi bien liés qu'ils le seraient en prose. Je ne dis pas qu'il faille nous en blâmer absolument; mais ne seraient-elles pas susceptibles d'un peu plus d'enthousiasme et de rapidité qu'on n'en remarque, même dans nos plus belles? C'est ce qu'il sera tems d'examiner quand il sera question des lyriques modernes (1).

(1) Parmi eux la premiere place appartient sans contredit à Rousseau. Mais en finissant cet article, peut-être n'est-il pas inutile d'observer, pour l'intérêt du goût, quel tort lui font ceux qui, rédigeant au hasard des livres élémentaires, des poétiques, des rhétoriques à l'usage des jeunes gens, les induisent en erreur, en citant, à l'abri d'un nom célebre, de très mauvais vers dont il ne faudrait parler que pour en faire voir les défauts, bien loin de les rapporter comme des autorités. Tous ces compilateurs qui se copient fidellement les uns les autres, et dont le nombre est infini, ne manquent jamais, à propos d'Horace, de transcri e le jugement qu'en a porté Rousseau dans ses épîtres. Le voici :

Non moins brillan, quoique sans étincelle,
Le seul Horace en tons g ures excelle,

De Cytherée exalte les faveurs,

Chante les dieux, les héros, les buveurs ;
Des sots auteurs berne les vers ineptes,
Nous instruisant par gracieux préceptes
Et par sermons de joie ant dotés.

De jeunes étudians dont le goût ne peut pas encore être formé. se mettent ces vers dans la mémoire, parce qu'on les leur a fait répéter dans leurs exercices du collége, et les croient bons parce qu'ils sont de Rousseau. Il faudrait au contraire leur faire voir tous les vices de ce style, et combien il rassemble de fautes. Il n'est pas

CHAPITRE VIII.

De la Poésie pastorale et de la Fable chez les Anciens.

SECTION PREMIÈRE.

Pastorales.

Il n'y a point de poésie plus décréditée parmi nous, ni qui soit plus étrangere à nos mœurs et à notre goût. Ce n'est pas la faute du genre,

vrai qu'Horace soit sans étincelles : il en a de plus d'une sorte, s'il est vrai qu'on doive entendre par ce mot des traits saillans: ses odes surtout en sont pleines. Ce vers de Rousseau semblerait dire que les étincelles sont un défaut, mais jamais ce mot n'a été pris en mauvaise part, et quoiqu'un mauvais ouvrage puisse avoir des étincelles, rien n'empêche qu'il n'y en ait dans les meilleurs. Dire qu'un écrivain tel qu'Horace exa'te les faveurs de Cytherée, c'est s'exprimer d'une maniere froide et flasque. Le plus mince rimailleur peut era'ter ces faveurs-'à; mais un Horace, un Chaulieu, un Tibulle en parlent en amans et en poëtes, les sentent et les font sentir, et ne les exaltent pas. Berner les vers ineptes est une expression basse qui ne peut passer dans un morceau sérieux, et la rime d'ineptes et de préceptes est d'une dureté choquante dans un endroit qui devrait avoir de la grâce. Instruire par préceptes et par sermons est une construction marotique très-déplacée quand on donne des leçons et qu'on cite un modele; et des sermons de joie antidotés sont d'un jargon barbare qu'il faudrait réprouver partout. Ces remarques n'emp chent pas que Rousseau ne soit dans d'autres ouvrages un excellent versificateur; mais c'est pour cela même qu'il ne faut pas aller chercher ce qu'il a de plus mauvais, pour le placer dans des livres didactiques. C'est un piége tendu à la jeunesse, que ces livres devraient éclairer.

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