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sur leurs fausses divinités, mais seulement celles qu'ils avoient touchant les images (car ce sont celles dont nous avons besoin à présent), pour entendre quelles images et quel culte nous est défendu par ce précepte.

Les prétendus réformés soutiennent que nous faisons les païens plus grossiers qu'ils n'étoient en effet. Ils sont bien aises pour eux de diminuer leurs erreurs, et de leur donner touchant les images la doctrine la plus approchante qu'il leur est possible, de celle que nous enseignons; car ils espèrent que par ce moyen nos sentimens et ceux des païens se trouveront enveloppés dans une même condamnation. Ainsi pour ne point confondre des choses aussi éloignées que le ciel l'est de la terre, il importe d'établir au vrai les sentimens qu'avoient les païens touchant leurs idoles, par l'Ecriture, par les Pères, par les païens mêmes, et enfin pour éviter tout embarras par le propre aveu des prétendus réformés.

Au reste dans l'explication de la croyance des païens, il ne faut pas s'attendre qu'on doive trouver une doctrine suivie ni des sentimens arrêtés. L'idolâtrie n'est pas tant une erreur particulière touchant la Divinité que c'en est une ignorance profonde, qui rend les hommes capables de toutes sortes d'erreurs. Mais cette ignorance avoit ses degrés. Les uns y étoient plongés plus avant que les autres: le même homme n'étoit pas toujours dans le même sentiment la raison se réveilloit quelquefois, et faisoit quelques pas ou quelque effort pour sortir un peu de l'abîme où elle étoit bientôt replongée par l'erreur publique. Ainsi il y avoit dans les sentimens des païens beaucoup de variétés et d'incertitudes; mais parmi ces confusions, voici ce qui dominoit et ce qui faisoit le fond de leur religion.

Je l'ai pris du Catéchisme du concile, qui explique brièvement, mais à fond cette matière, en disant : « Que la majesté de Dieu peut être violée par les images en deux manières différentes : l'une, si elles sont adorées comme Dieu, ou qu'on croie qu'il y ait en elles quelque divinité ou quelque vertu pour laquelle il les faille honorer, ou qu'il faille leur demander quelque chose, ou y attacher sa confiance, comme faisoient les Gentils que l'Ecriture reprend de mettre leur espérance dans leurs idoles; l'autre, si

l'on tâche d'exprimer par art la forme de la Divinité, comme si elle pouvoit être vue des yeux du corps ou représentée par des traits et par des couleurs 1. »

Tout le culte des idolâtres rouloit sur ces deux erreurs. Ils regardoient leurs idoles comme des portraits de leurs dieux bien plus, ils les regardoient comme leurs dieux mêmes: ils disoient tantôt l'un et tantôt l'autre, et mêloient ordinairement l'un et l'autre ensemble.

Cela nous paroît incroyable; et après que la foi nous a découvert ces insupportables erreurs, nous avons peine à comprendre que des peuples entiers, et encore des peuples si polis, y soient tombés. Qui ne seroit étonné d'entendre dire à un Cicéron dans une action sérieuse, c'est-à-dire devant des juges assemblés, dépositaires de l'autorité et établis pour venger la religion violée, et en présence du peuple romain: « Verrès a bien osé enlever dans le temple de Cérès à Enna une statue de cette déesse, telle que ceux qui la regardoient croyoient voir ou la déesse elle-même, ou son effigie tombée du ciel, et non point faite d'une main humaine 2. » Qu'on ne dise donc plus que les païens n'étoient pas si stupides que de croire qu'une statue pùt être un Dieu! Cicéron, qui n'en croyoit rien, le dit sérieusement en présence de tout le peuple, dans un jugement, parce que c'étoit l'opinion publique et reçue, parce que tout le peuple le croyoit. Il est vrai qu'il parle en doutant si la statue est la déesse elle-même ou son effigie; mais il y en a assez dans ce doute seul, pour convaincre les idolâtres d'une impiété visible. Car enfin jusqu'à quel point faut-il avoir oublié la divinité, pour douter si une statue n'est pas un Dieu, et pour croire qu'elle le puisse être ? Il n'est guère moins absurde de penser qu'elle en puisse être l'effigie, et que d'une pierre ou d'un arbre on en puisse faire le portrait d'un Dieu. Mais encore que Cicéron laisse ici l'esprit en suspens entre deux erreurs si détestables, il me sera aisé de faire voir par des témoignages certains et peut-être par Cicéron même, que le commun des païens joignoit ensemble l'un et l'autre.

Premièrement il est certain qu'ils se figuroient la Divinité cor1 Cat. Conc., part. III, sect. 34, p. 319. - 2 Act. v, in Verr.

porelle, et croyoient pouvoir la représenter au naturel par des traits et par des couleurs. Comme leurs dieux au fond n'étoient que des hommes; pour concevoir la Divinité, ils ne sortoient point de la forme du corps humain : ils y corrigeoient seulement quelques défauts: ils donnoient aux dieux des corps plus grands et plus robustes, et quand ils vouloient, plus subtils, plus déliés et plus vites. Ces dieux pouvoient se rendre invisibles et s'envelopper de nuages. Les païens ne leur refusoient aucune de ces commodités, mais enfin ils ne sortoient point des images corporelles; et quoi que pussent dire quelques philosophes, ils croyoient que par l'art et par le dessin on pouvoit venir à bout de tirer les dieux au naturel. C'étoit là le fond de la religion; et c'est aussi ce que reprend saint Paul dans ce beau discours qu'il fit devant l'Aréopage: « Etant donc comme nous sommes une race divine, nous ne devons pas croire que la Divinité soit semblable à l'or, ou à l'argent, ou à la pierre taillée par art et par invention humaine 1. »

Que si nous consultons les païens eux-mêmes, nous verrons avec combien de fondement saint Paul les attaquoit par cette raison. Phidias avoit fait le Jupiter Olympien d'une grandeur prodigieuse; et lui avoit donné tant de majesté qu'il l'en avoit rendu plus adorable, selon le sentiment des païens. « Polyclète, à leur gré, ne savoit pas remplir l'idée qu'on avoit des dieux. » Cela n'appartenoit qu'à Phidias au sentiment de Quintilien. « C'est lui, dit le même auteur, qui avoit fait ce Jupiter Olympien, dont la beauté semble avoir ajouté quelque chose au culte qu'on rendoit à Jupiter, dont la grandeur de l'ouvrage égaloit le dieu *. » On voit les mêmes sentimens dans les autres païens. Ils ne concevoient rien en Dieu, pour la plupart, qui fût au-dessus de l'effort d'une belle imagination; et parce qu'Homère l'avoit eue la plus belle et la plus vive qui fût jamais, c'étoit le seul, selon eux, qui sût parler dignement des dieux, quoiqu'il soit toujours demeuré dans des idées corporelles. Comme le Jupiter de Phidias étoit fait sur les desseins de ce poëte incomparable, le peuple étoit content de l'idée qu'on lui donnoit du plus grand des dieux et ne pensoit 1 Act., XVII, 29. Inst. Orat., lib. XII, cap. x.

rien au delà. Il croyoit enfin voir au naturel et dans toute sa ma-, jesté le Père des dieux et des hommes.

Mais les païens passoient encore plus avant, et ils croyoient voir effectivement la Divinité présente dans leurs idoles. Il ne faut point leur demander comment cela se faisoit. Les uns ignorans et stupides, étourdis par l'autorité publique, croyoient les idoles dieux sans aller plus loin d'autres qui raffinoient davantage croyoient les diviniser en les consacrant. Selon eux, la Divinité se renfermoit dans une matière corruptible, se mêloit et s'incorporoit dans les statues. Qu'importe de rechercher toutes leurs différentes imaginations touchant leurs idoles? tant y a qu'ils conspiroient tous à y attacher la Divinité, et ensuite leur religion et leur confiance. Ils les craignoient, ils les admiroient, ils leur adressoient leurs vœux, ils leur offroient leurs sacrifices: enfin ils les regardoient comme leurs dieux tutélaires, et leur rendoient publiquement les honneurs divins. Telle étoit la religion des peuples les plus polis, et les plus éclairés d'ailleurs, qui fussent dans l'univers; tant le genre humain étoit livré à l'erreur, et tant l'Evangile étoit nécessaire au monde pour le tirer de son ignorance.

Les prétendus réformés travaillent beaucoup à justifier les Gentils de ces reproches. Si nous en croyons l'Anonyme : « ce n'est qu'une exagération que de dire, comme fait M. de Condom, que les païens croyoient que leurs fausses divinités habitoient dans leurs images les païens ne convenoient nullement qu'ils adorassent la pierre ni le bois, mais seulement les originaux qui leur étoient représentés..... Ils ne croyoient pas que leurs divinités fussent comme renfermées dans les simulacres ou qu'elles y habitassent, comme M. de Condom le pose; et s'il se trouve qu'on leur ait rien reproché de semblable dans les premiers siècles du christianisme, ce n'est peut-être qu'à cause que la superstition des peuples alloit encore plus loin que les sentimens et les ma→ ximes de leurs philosophes, ou de leurs prêtres et de leurs pontifes..... >

TROISIÈME FRAGMENT.

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DE LA SATISFACTION DE JÉSUS-CHRIST.

On ne nous accuse de rien moins en cette matière que d'anéantir la croix de Jésus-Christ et les mérites infinis de sa mort. Ce que j'ai dit sur ce sujet en divers endroits de cette réponse feroit cesser ces reproches, si ceux qui s'attachent à nous les faire étoient moins préoccupés contre nous. Faisons un dernier effort pour surmonter une si étrange préoccupation, en leur proposant quelques vérités dont ils ne peuvent disconvenir et qu'ils paroissent disposés à nous accorder.

Mais s'ils veulent que nous avancions dans la recherche de la vérité, qu'ils ne croient pas avoir tout dit, quand ils auront répété sans cesse que Jésus-Christ a satisfait suffisamment et même surabondamment pour nos péchés; et que l'homme, quand même on supposeroit qu'il seroit aidé de la grace, ne peut jamais offrir à Dieu une satisfaction suffisante pour les crimes dont il est chargé. Il ne s'agit pas de savoir si quelque autre que JésusChrist peut offrir à Dieu une satisfaction suffisante pour les péchés; mais il s'agit de savoir si, parce que le pécheur n'en peut faire une suffisante, il est exempté par là d'en faire aucune, et si l'on peut soutenir que nous ne devions rien faire pour contenter Dieu et pour apaiser sa colère, parce que nous ne pouvons pas faire l'infini. J'avoue sans difficulté que le pécheur qui se fait justice à lui-même, sent bien en sa conscience qu'ayant offensé une majesté infinie, il ne peut jamais égaler par une juste compensation la peine qu'il a méritée; mais plus il se voit hors d'état d'acquitter sa dette, plus il fait d'efforts sur lui-même pour entrer, autant qu'il peut, en paiement : pénétré d'un juste regret d'avoir péché contre son Dieu et contre son Père, il prend contre lui-même le parti de la justice divine; et sans présumer qu'il puisse lui rendre ce qu'elle a droit d'exiger, il punit autant qu'il

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