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d'aucune réserve dans la distribution de ses dons, mais qu'il n'y en a aucune qui n'ait notre bien pour objet.

Il est temps après cela que nos réformés ouvrent les yeux, et qu'ils avouent que cette doctrine qu'ils reçoivent aussi bien que nous, nous met à couvert de tous leurs reproches, puisque nous n'admettons dans la pénitence aucune réserve de peines que celle qui est utile au salut de l'homme.

En effet n'est-il pas utile au salut de l'homme, qui est une créature si prompte à se relâcher par la facilité du pardon, qu'en lui pardonnant son péché, on ne lève pas tout à coup la main et qu'on lui fasse appréhender la rechute? Mais qu'y a-t-il de plus salutaire pour lui inspirer cette crainte, que de lui faire comprendre que la rechute lui rend toujours la rémission plus difficile; qu'elle soumet le pécheur ingrat, qui a abusé des bontés de Dieu, à une pénitence plus sévère et à une censure plus rigoureuse; et qu'enfin, s'il retombe dans son péché, Dieu pourra se porter, tant il est bon, à lui remettre encore la peine éternelle, mais qu'il lui fera sentir l'horreur de son crime par des châtimens temporels? Cette crainte ne sert-elle pas à retenir le pécheur dans le devoir, et à lui faire connoître le péril et le malheur des rechutes? Mais si l'on ajoute encore que Dieu étendra jusqu'en l'autre vie ces châtimens temporels sur ceux qui négligent de les subir humblement en celle-ci, ne sera-ce pas et un nouveau frein pour nous retenir sur le penchant, et un nouveau motif pour nous exciter aux salutaires austérités de la pénitence tant louées par l'antiquité chrétienne? Ajoutez qu'il y a des péchés pour lesquels nous avons vu que Dieu n'a pas résolu de nous séparer éternellement de son royaume qu'il nous est cependant utile de savoir qu'il ne laisse pas de les châtier en cette vie et en l'autre, afin que nous marchions avec plus de circonspection devant sa face. Qui ne voit donc qu'il sert au pécheur, pour toutes les raisons que nous avons dites, d'avoir à appréhender de tels châtimens; et par conséquent que nous n'admettons dans la rémission des péchés aucune réserve de peines qui ne soit utile au salut des ames?

M. Noguier ne veut recevoir que la moitié de notre doctrine; et après avoir accordé pour cette vie l'utilité de ces châtimens

temporels qui servent à nous retenir dans le devoir, il ne veut pas qu'ils regardent la vie à venir, « où, dit-il, on ne peut empirer, ni s'avancer en sainteté, et où il n'y a plus à craindre qu'on abuse de la facilité du pardon1. » Mais il n'auroit pas fait cette distinction, s'il eût tant soit peu considéré que ces peines temporelles de la vie future peuvent nous être proposées dès celle-ci, et avoir par cet endroit seul, quand même nous n'aurions rien autre chose à dire, toute l'utilité que Dieu veut en tirer, qui est de retenir dans le devoir des enfans trop prompts à faillir.

S'il répond que la prévoyance des maux éternels doit suffire pour cet effet, c'est qu'il aura oublié les choses que je viens de dire. Car l'homme, également fragile et téméraire, a besoin d'être retenu de tous côtés : il a besoin d'être retenu par la prévoyance des maux éternels; et quand cette appréhension est levée autant qu'elle le peut être en cette vie, il a encore besoin de prévoir qu'il s'attirera d'autres châtimens et en ce monde et en l'autre, si malgré ses fragilités et ses continuelles désobéissances, il néglige de se soumettre à une discipline exacte et sévère.

Ainsi cette confiance insensée, qui abuse si aisément du pardon et s'emporte si l'on lui lâche tout à fait la main, est tenue en bride de toutes parts; et si le pécheur échappe malgré toutes ces considérations, on peut juger du tort qu'on lui feroit si on lui en ôtoit quelques-unes.

De vouloir dire après cela que cette réserve des maux temporels, qui a notre salut pour objet, suppose en Jésus-Christ quelque imperfection ou quelque impuissance, ce n'est plus que chicaner sans fondement. Il faudroit certainement que tous tant que nous sommes de catholiques, nous eussions entièrement perdu le sens, pour croire que celui qui nous délivre du mal éternel ne peut en même temps nous ôter toutes sortes de maux temporels, et nous décharger, s'il vouloit, d'un si léger accessoire. Si nous croyons qu'il ne le veut pas, nous croyons aussi en même temps qu'il juge que cette réserve est utile pour notre bien. Qu'on dise donc tout ce qu'on voudra contre la doctrine catholique, la raison et la bonne foi ne souffrent plus qu'on nous 1 Nog., p. 18.

accuse de méconnoître les mérites infinis de Jésus-Christ; et cette objection qui est celle qu'on presse le plus contre nous, pour peu qu'on ait d'équité, ne doit jamais paroître dans nos controverses. Concluons donc enfin de tout ce discours que la damnation éternelle étant la peine essentielle du péché, nous ne pouvons plus y être soumis après le pardon. Car c'est ce mal qui n'a en lui-même aucun mélange de bien pour le pécheur, parce qu'il ne lui laisse. aucune ressource et que la durée s'en étend jusqu'à l'infini; mal qui est par conséquent de telle nature, qu'il ne peut subsister en aucune sorte avec la rémission des péchés, puisque c'est une partie essentielle de la rémission d'être délivré d'un si grand mal. Mais comme les maux temporels qui nous laissent une espérance certaine, en quelque état qu'on les endure, ne sont point ce mal essentiel qui répugne à la rémission et à la grace, souffrons que la divine bonté en fasse pour notre salut tel usage qu'elle trouvera convenable, et qu'elle s'en serve pour nous retenir dans une crainte salutaire, soit en nous les faisant sentir, soit en nous les faisant prévoir en la manière qui a été expliquée.

Que si quelqu'un nous accuse de trop prêcher la crainte sous une loi qui ne respire que la charité, qu'il songe que la charité se nourrit et s'élève plus sùrement, quand elle est comme gardée par la crainte. C'est ainsi qu'elle croît et se fortifie, tant qu'enfin elle soit capable de se soutenir par elle-même. Alors, comme dit saint Jean, elle met la crainte dehors'. Tel est l'état des parfaits, dont le nombre est fort petit sur la terre. Les infirmes, c'est-àdire la plupart des hommes, ont besoin d'être soutenus par la crainte et d'être comme arrêtés par ce poids, de peur que la violence des tentations ne les emporte. Mais nous avons parlé ailleurs de cette matière.

1] Joan., IV, 18.

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1.

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SUR L'EUCHARISTIE.

I.

Réflexions préliminaires de l'auteur sur les fragmens suivans.

Il y a deux endroits de l'Exposition où je me suis plus étendu que je n'avois fait dans les autres : l'un où il s'agit de la présence réelle, l'autre où il s'agit de l'autorité de l'Eglise. L'auteur de la réponse, qui ne veut pas prendre la peine de considérer mon dessein et qui ne tâche que d'en tirer quelque avantage, sans se soucier d'en expliquer les motifs, conclut de là que j'ai été fort embarrassé sur tous les autres sujets; et que m'étant trouvé plus au large sur ceux-ci, j'ai donné plus de liberté à mon style. Qu'il croie, à la bonne heure, que les matières les plus importantes de nos controverses soient aussi celles où nous nous sentons les plus forts et les mieux fondés. Mais il ne falloit pas dissimuler que la véritable raison qui m'a obligé à traiter plus amplement celles-ci, c'est qu'ayant examiné la doctrine des prétendus réformés sur ces deux articles, j'ai trouvé qu'ils n'avoient pu s'empêcher de laisser dans leur catéchisme ou dans d'autres actes aussi authentiques de leurs églises, des impressions manifestes de la sainte doctrine qu'ils avoient quittée. J'ai cru que la divine Providence l'avoit permis de la sorte pour abréger les disputes. En effet comme parmi toutes nos controverses la matière de la présence réelle est sans doute la plus difficile par son objet, et que celle de l'Eglise est la plus importante par ses conséquences, c'est principalement sur ces deux articles que nous avons à désirer de faciliter le retour à nos adversaires : et nous regardons comme une grace singulière que Dieu fait à son Eglise d'avoir voulu que, sur deux points si nécessaires, ses enfans qui se sont retirés de son unité trouvassent dans leur croyance des principes qui les ramènent à la nôtre. C'est pour leur conserver cet avantage que je leur ai

remis devant les yeux leur propre doctrine, après leur avoir exposé la nôtre. Mais pour le faire plus utilement, je ne me suis pas contenté de remarquer les vérités qu'ils nous accordent; j'ai voulu marquer les raisons par lesquelles ils sont conduits à les reconnoître, afin qu'on comprenne mieux que c'est la force de la vérité qui les oblige à nous avouer des choses si considérables, et qui sembloient si éloignées de leur premier plan.

C'est pour cela que j'ai proposé, dans l'exposition de ces deux articles, quelques-uns des principaux fondemens sur lesquels la doctrine catholique est appuyée. On y peut remarquer certains principes de notre doctrine, dont l'évidence n'a pas permis à nos adversaires eux-mêmes de les abandonner tout à fait, quelque dessein qu'ils aient eu de les contredire : et les réponses de notre auteur achèveront de faire voir qu'il est absolument impossible que ceux de sa communion disent rien de clair ni de suivi, lorsqu'ils exposent leur croyance sur ces deux points.

Nous parlerons dans la suite de ce qui regarde l'Eglise; maintenant il s'agit de considérer la présence réelle du corps et du sang de Jésus-Christ dans l'Eucharistie. Il ne s'agit donc pas encore de savoir si le corps est avec le pain, ou si le pain est changé au corps; cette difficulté aura son article à part : mais il est important, pour ne rien confondre, de regarder séparément la matière de la présence réelle, sans parler encore des difficultés particulières que les prétendus réformés trouvent dans la transsubstantiation.

J'entreprends donc de faire voir qu'après les réponses de notre auteur, on doit tenir pour certain que la doctrine des prétendus réformés n'est pas une doctrine suivie; qu'elle se dément ellemême; et que, plus ils tentent de s'expliquer, plus leurs détours et leurs contradictions deviennent visibles.

On verra au contraire en même temps que la doctrine catholique se soutient partout; et que si d'un côté elle se met fort peu en peine de s'accorder avec la raison humaine et avec les sens, de l'autre elle s'accorde parfaitement avec elle-même et avec les grands principes du christianisme, dont personne ne peut discon

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