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bien ils doivent trembler, de se voir réduits à suivre la conduite de ceux dont l'impiété leur fait horreur.

La doctrine des ariens est sans doute plus intelligible que la doctrine catholique, à mesurer l'une et l'autre selon la raison humaine et les sens. Car il n'y a rien qu'on entende moins qu'un seul Dieu en trois personnes. Mais néanmoins c'est un fait constant, que l'Eglise catholique n'a jamais craint d'expliquer sa foi en termes précis, pendant que ces hérétiques n'ont jamais cessé de cacher la leur dans des termes équivoques, embarrassés et enveloppés.

Il ne faut que comparer la Confession de foi du concile de Nicée avec les Confessions de foi de ces hérétiques tant et tant de fois réformées, pour voir que les catholiques, quelque inconcevable que fùt leur doctrine selon les principes de la raison, n'ont jamais craint de l'expliquer en termes précis; et qu'au contraire ces hérétiques, quoiqu'ils eussent des sentimens bien plus aisés à entendre, ne les ont jamais osé expliquer dans leur Confession de foi nettement et à bouche ouverte.

En effet on voit que le concile de Nicée a retranché décisivement par le mot de consubstantiel, toutes les équivoques qu'on pouvoit faire sur la divinité du Fils de Dien, au lieu que les hérétiques en ont dit des choses qui ont fait clairement connoître qu'ils n'osoient ni la rejeter ouvertement, ni la confesser tout à fait.

Que si on recherche la cause profonde de deux conduites si différentes, voici ce qu'on trouvera: c'est qu'il y a un secret principe, gravé dans le cœur des chrétiens, qui leur apprend que leur foi n'est pas établie pour contenter ni la raison ni les sens. C'est pourquoi ceux qui les flattent le plus n'osent pas toujours le faire paroître; une secrète impression de certaines maximes du christianisme qu'ils ne peuvent pas tout à fait nier, ou qu'ils n'osent pas tout à fait contredire, les engage insensiblement à « forcer leurs pensées ou leurs expressions » et à s'avancer plus qu'ils ne voudroient: de sorte que leur doctrine d'un côté s'accorde mieux avec les sens, mais de l'autre elle s'accorde moins avec elle-même; si bien qu'elle laisse ce grand avantage aux dé

fenseurs de la vérité, qu'en méprisant d'autant la raison humaine que la foi nous apprend à tenir captive, et suivant sans restriction les grands principes du christianisme que leurs adversaires euxmêmes n'osent tout à fait rejeter, ils font un corps de doctrine qui ne se dément par aucun endroit, et fait connoître dans toute la suite ce merveilleux enchaînement des vérités chrétiennes.

Que si la doctrine des prétendus réformés, qui est d'ailleurs si conforme à la raison humaine et aux sens, avoit encore cet avantage d'être plus conforme à l'Ecriture et aux grandes vérités du christianisme, ces Messieurs pourroient se vanter de contenter également et la raison et la foi: de sorte qu'il n'y auroit rien de mieux suivi, ni de plus aisé à entendre que leur doctrine. Mais on va voir au contraire dans quels embarras ils se jettent, et combien ils ont de peine à s'expliquer.

II. - Les prétendus réformés n'osent nier certaines vérités; mais en voulant les concilier avec leur doctrine, ils se jettent dans des embarras inexplicables.

Et d'abord ils parlent si obscurément, qu'il n'est pas possible de résoudre nettement, selon leur doctrine, s'il faut nier ou s'il faut admettre une présence réelle du corps et du sang de NotreSeigneur dans la communion.

Ils nient ordinairement cette présence réelle, et substituent en sa place « une présence morale, une présence mystique, une présence d'objet et de vertu. » Ce sont leurs expressions ordinaires : et notre auteur s'exprime en ces mêmes termes.

Leurs frères des églises suisses ne parlent pas autrement; et la Confession de foi que ceux de Bàle publièrent en 1532 s'explique ainsi : « Nous confessons que Jésus-Christ est présent dans la sainte Cène à tous ceux qui croient véritablement, c'est-à-dire qu'il y est présent sacramentellement et par la commémoration de la foi qui élève aux cieux l'esprit de l'homme. »

Les mêmes églises des Suisses, et ceux de Bàle avec tous les autres, parlent encore de même dans leur dernière Confession de foi, qui est celle qu'ils ont retenue : « Jésus-Christ, disent-ils, n'est pas absent de son Eglise lorsqu'elle célèbre la Cène. Le

soleil, quoique absent de nous, étant dans le ciel, néanmoins nous est présent efficacement: combien plus le soleil de justice JésusChrist, quoiqu'il soit absent de nous, étant dans le ciel, nous est présent, non corporellement, mais spirituellement par son opération vivifiante 1! »

Notre auteur explique la présence de Jésus-Christ dans la Cène par la même comparaison des cieux et des astres; « qui, par exemple, dit-il, quoique dans un éloignement presque infini, nous sont présens en quelque sorte, non-seulement parce que nous les voyons, mais par les influences qu'ils répandent sur nous 2. »

Jusqu'ici nous les entendons, et nous voyons bien qu'ils veulent exclure la présence réelle et personnelle, comme parle notre auteur ; et nous lisons ces paroles dans son avertissement : « Aucun de nous n'a dit que nous croyions la présence réelle de JésusChrist dans les sacremens. » Et néanmoins les paroles de NotreSeigneur impriment tellement dans leurs esprits, malgré qu'ils en aient, l'idée de cette présence, qu'ils sont contraints de dire des choses qui l'emportent nécessairement. Car nous avons déjà vu qu'ils enseignent d'un commun accord, que la propre substance du corps et du sang est donnée et communiquée dans la Cène. Notre auteur convient des textes exprès, tant de la Confession de foi que du Catéchisme de ses églises, que j'ai produits dans l'Exposition pour le faire voir; et ensuite il accorde luimême cette proposition décisive, « que le corps de Jésus-Christ est communiqué réellement et en sa propre substance *. »

Il paroît assez incertain sur le parti qu'il doit prendre en répondant à cette objection. Il semble qu'il voudroit insinuer que sa Confession de foi et son Catéchisme par substance ont entendu efficace « Notre Catéchisme, dit-il, parlant du sacrement du baptême, dit indifféremment en deux endroits la substance et la vertu du baptême, pour en signifier l'efficace. » Il me permettra de lui dire que cela n'est pas véritable: la vertu et l'efficace sont choses qui suivent la substance. Mais substance, en aucun langage, ne signifie ni vertu ni efficace; et le Catéchisme des prétendus 1 Chap. XXI. Anon., p. 206. - 3 Ibid. Ibid. p. 226. - Ibid. p.

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réformés auroit trop embrouillé les choses, s'il avoit pris indiffé-. remment l'un pour l'autre des termes si différens. Leur Confession de foi dit « que la substance du baptême est demeurée dans la papauté1» c'est-à-dire l'essence même du baptême, qu'ils ne nous accusent point d'avoir altérée. Mais laissons ce qu'ils ont dit du baptême; venons à ce qu'ils disent de l'Eucharistie. Il est certain qu'ils enseignent que nous n'y recevons pas seulement une vertu découlée du corps et du sang de Notre-Seigneur; mais que nous en recevons la substance même. Bien plus, notre auteur soutient en divers endroits, que j'ai déjà remarqués, que cette communication de la substance du corps et du sang, qu'on admet dans sa religion, n'est pas moins réelle que celle que les catholiques reconnoissent; et c'est en quoi je prétends que leur doctrine est contradictoire. Car qui pourroit concevoir que notre auteur et les siens, qui n'admettent « qu'une présence morale, mystique, et de vertu, » qui nient en termes formels « la présence réelle du corps et du sang dans le sacrement, » ne laissent pas toutefois, si nous les croyons, d'admettre une aussi réelle communication du corps et du sang que nous, qui reconnoissons leur présence réelle et substantielle? Il faudroit en vérité peu regarder ce que les mots signifient dans l'usage commun des hommes. Le catholique a raison de dire que Jésus-Christ lui communique dans l'Eucharistie la propre substance de son corps et de son sang, parce que son corps et son sang y sont réellement présens. Mais qu'on sépare ces expressions, qu'on nie cette présence réelle, et qu'on croie cependant pouvoir retenir cette réelle communication de la propre substance du corps et du sang, qui le pourroit concevoir? Aussi quand j'objecte à notre auteur que ce que disent les siens ne se peut entendre, il me reproche que je veux tout concevoir. C'est encore ici, dit-il pour la troisième ou quatrième fois, que M. de Condom veut tout concevoir 2. » Il a mal pris ma pensée ; car assurément je ne prétends pas concevoir le fond du mystère, qui est en tous points incompréhensible. Mais quelque haut que soit le mystère, il faut faire concevoir nettement ce qu'on en pense; et la hauteur impénétrable des mystères du christianisme 2 Anon., p. 248.

1 Art. XXIX.

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n'est pas une raison pour les exposer en termes confus, dont on ne puisse deviner le sens.

Que notre auteur nous explique donc, s'il lui plaît, ce que c'est qu'une réelle communication de la propre substance du corps et du sang sans la présence réelle de l'un et de l'autre.

Il croit avoir développé tout cet embarras, lorsqu'il dit dans son Avertissement qu'il y a grande différence entre « participation ou communion réelle et présence réelle, parce que l'un donne lieu de supposer qu'il faut que le corps de Jésus-Christ descende du ciel dans le sacrement pour y être réellement présent ; et nous disons seulement que par la foi nous élevons nos cœurs au ciel, où il est; et que c'est ainsi que nous participons à Jésus-Christ très-réellement, mais spirituellement 1. »

III. Quoique l'union avec Jésus-Christ se trouve et dans la prédication et dans le baptème, et que la vertu de son corps et de son sang nous vivifie dans l'un et dans l'autre, les prétendus réformés n'ont jamais osé dire que ces actions communiquassent la propre substance du corps et du sang de Jésus-Christ, comme ils le disent de l'Eucharistie. Réponses absurdes de l'Anonyme à cette difficulté.

Il falloit venir sans tant de discours à ce qui fait la difficulté. Pour expliquer « que nos cœurs s'élèvent au ciel par la foi et s'unissent à Jésus-Christ par affection, » est-il nécessaire de dire que nous recevons réellement la substance de son corps et de son sang? Joignez-y, si vous voulez, que l'esprit de Jésus-Christ habite en nous, que sa justice nous est imputée, que nous lui sommes unis en esprit et par la foi, et que nous sommes vivifiés par la vertu de son corps et de son sang: nous avons montré clairement que tout cela ne fera jamais qu'il faille dire avec tant de force que nous en recevons réellement la propre substance : et ce qui le prouve invinciblement, c'est qu'encore que cette union spirituelle avec Jésus-Christ se trouve par le propre aveu des prétendus réformés et dans la Prédication et dans le baptême; encore que la vertu du corps immolé et du sang répandu pour nous nous vivifie dans l'un et dans l'autre, ils n'ont jamais osé dire dans leur Catéchisme, ni dans leur Confession de foi, que ni 1 Anon., p. 15.

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