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que les prétendus réformateurs, en expliquant le point de l'Eucharistie, ont accommodé leurs expressions à l'usage des derniers temps, c'est dire manifestement qu'ils se sont accommodés à ceux qui croyoient la présence réelle.

Il paroîtra fort étrange que ceux qui nient la présence réelle veulent s'accommoder aux expressions de ceux qui la croient. Mais qu'on ne pense pas toutefois que l'Anonyme ait trahi sa cause, quand il a avoué cette vérité. Il connoît le génie de la prétendue Réforme. Il sait que les luthériens sont de ces auteurs des derniers temps, qui ont cru la réalité, et que ceux de sa religion ont toujours tâché de les satisfaire.

Mais il est bon de pénétrer pourquoi les auteurs des derniers temps, et entre autres les luthériens, ont employé dans l'Eucharistie ces mots de propre substance. Nous en avons déjà expliqué la cause; nous avons vu qu'on s'est servi de ces termes pour soutenir le sens littéral de ces paroles : « Ceci est mon corps, » contre ceux qui établissoient le sens figuré; et qu'en cela on a suivi l'exemple des Pères, qui ont employé le terme nouveau de consubstantiel pour déterminer le sens précis de ces paroles de Jésus-Christ: « Nous sommes, mon Père et moi, une même chose. >>

Par là on peut reconnoître combien est faux le raisonnement de l'Anonyme : « L'Ecriture, dit-il, ne se sert jamais de ce terme de substance sur le sujet de l'Eucharistie'. » Ce n'est donc pas pour se conformer à l'Ecriture qu'on s'est servi de ce terme. On pourroit conclure de même que ce n'est point pour se conformer à l'Ecriture sainte, que les Pères de Nicée et d'Ephèse se sont servis des termes de consubstantiel et d'union personnelle, puisque l'Ecriture ne s'en sert en aucun endroit. Mais qui ne sait au contraire que ces termes n'ont été choisis que pour fixer au sens littéral les paroles de l'Ecriture, que les hérétiques détournoient? Il est permis à ceux qui soutiennent le sens littéral de ces paroles : « Ceci est mon corps, » d'employer aussi des expressions qui pussent exclure précisément le sens figuré : et c'est pour cela que non-seulement les catholiques, mais encore les luthériens, 1 Anon., p. 224.

aussi zélés défenseurs de la présence réelle, ont appuyé sur la présence et la réception du corps de Jésus-Christ en substance, pour combattre Zuingle, Bucer et Calvin, qui au fond ne vouloient admettre qu'une présence en figure, ou tout au plus en vertu.

J'ai dit que les luthériens concourent avec nous dans ce dessein. Cela paroît dans tous leurs écrits, et surtout dans la Confession de foi qu'ils dressèrent en 1551, pour l'envoyer au concile de Trente, et pour expliquer leur doctrine encore plus clairement qu'ils n'avoient fait dans celle d'Ausbourg. Ils disent a que Jésus-Christ est vraiment et substantiellement présent dans la communion; » et on trouve encore ces expressions presque à toutes les pages du livre qu'ils ont appelé Concorde, qu'ils ont publié d'un commun accord pour expliquer à toute la terre la foi que confessent toutes leurs églises.

On voit donc manifestement que c'est le dessein d'expliquer la réalité sans embarras et sans équivoque, qui a fait qu'on a tant appuyé sur la substance du corps et du sang, et qui a donné un si grand cours à cette expression dans les derniers temps, auxquels néanmoins notre auteur avoue que leurs premiers réformateurs ont trouvé nécessaire de s'accommoder dans leur Confession de foi et dans leur Catéchisme.

Ils ne voudroient pas que nous crussions qu'ils l'ont fait par pure complaisance pour les luthériens, et encore moins pour les amuser par des expressions semblables à celles dont ils se servoient. Car qu'y auroit-il de plus détestable qu'une Confession de foi et un Catéchisme qui seroient faits sur de tels principes? Ainsi la vérité est que pressés, par les argumens des catholiques et des luthériens, ou plutôt pressés, quoi qu'ils disent, par la force des paroles de Notre-Seigneur, ils n'ont pu s'éloigner tout à fait du sens littéral, ni détruire la réalité sans en conserver quelque idée.

Cela veut dire en un mot que ces belles et ingénieuses comparaisons du soleil et des astres, quoiqu'ils les aient toujours à la bouche en cette matière, ne les ont pas contentés eux-mêmes, et ne leur ont pas paru suffisantes pour expliquer la manière dont

Jésus-Christ se donne à nous dans l'Eucharistie. Les chrétiens y veulent recevoir le corps et le sang de leur Sauveur, autrement qu'ils ne reçoivent les astres et le soleil. Les paroles de JésusChrist et la tradition de tous les siècles ont fait dans leurs esprits des impressions plus fortes, et les ont accoutumés à quelque chose de plus réel. Ils s'attendent à recevoir plus que des rayons et des influences. Ainsi ce n'est pas assez de leur parler de la figure, ni même de la vertu du corps et du sang; il a fallu nécessairement leur en proposer la substance même.

C'est pourquoi les écrivains de Messieurs de la religion prétendue réformée ne craignent rien tant que de laisser apercevoir à leurs peuples que la manière dont les catholiques et les luthériens croient recevoir le corps et le sang de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, soit plus réelle que la leur : ils tâchent au contraire de leur faire croire que leur dispute avec les luthériens, sur le point de l'Eucharistie, ne regarde que la manière, mais qu'ils sont d'accord avec eux du fondement. C'est ce que dit l'Anonyme avec l'approbation des ministres de Charenton; et il importe de bien faire connoître leur pensée.

J'ai produit dans l'Exposition un décret du synode national de Sainte-Foi de 1571, sur le sujet d'une Confession de foi commune aux luthériens et aux calvinistes, qu'on proposoit de dresser. Notre auteur, qui a entrepris de rendre raison de cet arrêté, dit ceci entre autres choses : « C'est principalement sur le sacrement de l'Eucharistie que nous étions en différend avec les luthériens; et sur cela même, ajoute-t-il, nous convenons, eux et nous, du

fondement1. »

V. — On ne peut dire que les calvinistes et les luthériens conviennent du fondement dans le point de l'Eucharistie.

Remarquez qu'il ne dit pas qu'ils conviennent du fondement avec les luthériens dans les autres choses; mais sur cela même, dit-il, sur le point de l'Eucharistie, sur lequel est néanmoins toute la dispute : Nous convenons, eux et nous, du fondement.

Je ne sais comment il peut dire que les calvinistes et les luthé1 Anon, p. 356.

riens conviennent du fondement dans le point de l'Eucharistie, puisque les uns fondent leur doctrine sur le sens figuré des paroles de l'institution, et les autres sur le littéral. On peut bien dire que les catholiques et les luthériens, quoiqu'ils ne conviennent pas de toutes les suites en cette matière, conviennent du fondement, puisqu'ils << ont cela de commun, selon l'Anonyme même, qu'ils prennent les uns et les autres les paroles du Seigneur dans un sens littéral pour une présence réelle. » Aussi le même auteur fait-il consister la dispute entre les catholiques et les luthériens sur la manière d'expliquer cette présence réelle, les uns mettant le corps avec le pain et les autres le corps sans le pain.

Mais à l'égard des calvinistes et des luthériens, ce n'est ni des suites ni des circonstances, mais du fond même qu'ils disputent, puisque les uns fondent leur doctrine sur la présence réelle, et que les autres raisonnant sur un principe contraire, nous disent que «jamais aucun des leurs n'a cru la présence réelle 2. »

Nous allons voir toutefois par l'aveu de notre auteur même et des ministres de Charenton, qui ont approuvé son ouvrage, qu'il n'est pas impossible de faire convenir les prétendus réformés de la présence réelle et que c'est sur ce. fondement que le synode de Sainte-Foi avoit jugé que l'on pouvoit dresser cette nouvelle Confession de foi commune aux luthériens et aux calvinistes. Mais lisons ses propres paroles : « Si les Luthériens, dit-il, n'eussent pu convenir entièrement de notre doctrine (à quoi on sait en effet qu'ils étoient peu disposés), ils eussent réduit la leur à ce que font les plus habiles d'entre eux, qui est de ne décider point la manière dont Jésus-Christ est réellement présent dans le sacrement: Nous croyons, disent-ils, sa présence et nous en sentons l'efficace, mais nous en ignorons la manière : et en ce cas on voit bien qu'ils se fussent rapprochés encore davantage de nous que nous n'avons fait d'eux, en les admettant simplement à notre communion, sans que pour cela nous eussions apporté de notre part aucun changement essentiel à notre Confession de foi. »

Nous avons, par ces paroles, trois choses très - importantes manifestement établies: 1° que les luthériens, qui sont les plus 1 Anon., p. 261. - Avertissement, p. 14.

disposés à se rapprocher des calvinistes, n'entendent point de se départir de « la présence réelle de Jésus-Christ dans le sacrement; » 2° qu'ils disent seulement qu'ils « n'en décident point la manière;» 3° que les calvinistes et le synode de Sainte-Foi étoient prêts à s'accorder dans cette doctrine, et n'auroient pas cru pour cela « faire un changement essentiel à leur Confession de foi. »

Chose certainement surprenante! Ces mêmes hommes qui n'ont jamais dit, selon notre auteur, « qu'il y eût une présence réelle de Jésus-Christ dans le sacrement, » ne sont plus en peine maintenant que de la manière de cette présence; et sont prêts à convenir d'une Confession de foi commune entre eux et les luthériens, pourvu seulement que ces derniers, en confessant que « Jésus-Christ est réellement présent dans le sacrement, » leur accordent qu'ils ne prétendent pas décider la manière de cette présence. C'est ce qu'ils obtiendront facilement. Jamais les luthériens n'ont prétendu expliquer la manière aussi réelle que miraculeuse, dont un corps humain est présent en même temps en tant de lieux et renfermé tout entier dans un si petit espace : et bien loin de la vouloir décider, ils ont toujours déclaré qu'elle étoit divine, surnaturelle et tout à fait incompréhensible.

Nous leur ferons, quand il leur plaira, une semblable déclaration, ou plutôt elle est déjà faite; et de tous ceux qui croient que Jésus-Christ a voulu que son corps fùt réellement présent, aucun n'a prétendu expliquer de quelle manière s'exécute une chose si miraculeuse.

Ainsi les luthériens n'affoiblissent en rien leur doctrine touchant la présence réelle, quand ils ne décident pas la manière dont on la peut expliquer, puisqu'en effet elle surpasse notre intelligence. C'est leur accorder tout ce qu'ils prétendent, que de leur avouer que Jésus-Christ est réellement présent dans le sacrement; car s'il y a une présence réelle dans le sacrement, il est clair que la présence en figure et la présence en vertu n'y suffisent pas.

Je ne doute pas que les calvinistes ne se réservent quelque nouvelle subtilité pour se démêler de cet embarras. Mais du moins j'ai clairement établi qu'une présence réelle du corps de Jésus

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