Immagini della pagina
PDF
ePub

par

là au juste reproche que je lui fais, que ces grands mots de propre substance, dont se servent ceux de son parti, ne font que les embarrasser ; et qu'ils les retrancheroient volontiers, s'ils se voyoient en état de soutenir leur doctrine dans toutes ses suites. Je parle ainsi, parce qu'en effet je fais voir que leur doctrine est contradictoire. Peut-il soutenir de même que la nôtre se démente, ou que la réalité détruise le changement de substance après que ses principaux docteurs, et même un de ses synodes assure au contraire qu'elle l'établit?

Pourquoi donc oser soutenir que la transsubstantiation nous embarrasse? Mais c'est qu'il a entrepris de nous faire un reproche semblable à celui qui lui avoit été fait dans l'Exposition, et qu'il ne s'est pas mis en peine si nous lui en avons donné le même sujet.

Concluons donc sans hésiter que, supposé qu'on croie que JésusChrist soit présent, il faut dire qu'il est présent par changement de substance, puisque la même puissance divine qui fit que les Egyptiens trouvèrent autrefois dans le Nil du sang au lieu d'eau, et qu'au lieu d'eau les conviés de Cana trouvèrent du vin dans les cruches, fait maintenant tous les jours que nous trouvons dans l'Eucharistie, au lieu du pain et du vin, le corps et le sang de Notre-Seigneur mais voyons les autres suites de notre doc

trine.

X. — Chicanes de l'Anonyme sur l'Exposition: dessein de cet ouvrage. J'avois dit dans l'Exposition que « la vérité que contient l'Eucharistie dans ce qu'elle a d'intérieur, n'empêche pas qu'elle ne soit un signe dans ce qu'elle a d'extérieur et de sensible; mais un signe de telle nature, que bien loin d'exclure la réalité, il l'emporte nécessairement avec soi, puisqu'en effet cette parole: Ceci est mon corps, prononcée sur la matière que Jésus-Christ a choisie, nous est un signe certain qu'il est présent1. » On peut voir le reste dans l'Exposition: et on verra que la chose y est expliquée autant que le demandoit le dessein de ce traité. Cependant l'auteur me répond « qu'on a peine à comprendre mon 1 Exposit., art. XIII.

raisonnement; » et il m'accuse « de donner le change, et de prouver la question par la chose qui est en question 1. »>

C'est en vérité une étrange manière de raisonner que celle dont se sert cet auteur. Il ne veut pas qu'il soit permis de tirer les conséquences légitimes des fondemens qu'on a établis; et aussitôt qu'on le fait, il dit « qu'on prouve la question par ce qui est en question, » comme si tout ce qui précède et tout ce qui sert de preuve, étoit inutile.

Mon traité n'étoit pas fait pour entrer en preuve, et je m'en étois d'abord assez expliqué : et toutefois ayant aperçu que la doctrine de nos adversaires, telle qu'elle est exposée dans leur Catéchisme et dans leur Profession de foi, fournissoit des preuves certaines de la présence réelle, je les avois proposées afin que nos adversaires pussent être amenés à la vérité par leurs principes, s'ils n'avoient pas encore l'esprit ouvert à la simplicité des nôtres. J'achève ce dessein dans le douzième article de l'Exposition; et j'avois préparé les choses dans le dix et dans le onze, comme je l'ai déjà remarqué ailleurs. Dans les articles suivans, je ne fais qu'exposer les suites de la présence réelle: et il m'accuse aussitôt de supposer ce qui est en question. Que veut-il donc que je fasse? Veut-il que je recommence éternellement ce que j'ai dit une fois, ou bien est-ce qu'il veut empêcher que je ne montre les suites de la doctrine que j'ai exposée?

S'il ne l'a pas entendue, je ne m'en étonne pas à voir la manière dont il l'a rapportée 2. Je perdrois trop de temps à montrer qu'en changeant mes termes, il obscurcit mes pensées. Il vaut mieux aller, s'il se peut, à la source de son erreur, et étendre un peu davantage ce que la brièveté du style de l'Exposition ne lui a peutêtre pas assez découvert.

Qu'il se souvienne seulement qu'en cet endroit de la dispute, il ne s'agit pas d'établir la réalité, mais d'examiner seulement si les conséquences que j'en tire sont solides et naturelles.

Je dis donc que Jésus-Christ en nous donnant son corps et son sang invisiblement présens, nous a donné en même temps un objet sensible, lorsqu'il a dit : « Prenez et mangez. »

[merged small][ocr errors]

Il eût été contre son dessein de se découvrir à nos yeux dans un mystère qu'il instituoit pour exercer notre foi; et l'état de cette vie ne permet pas que les merveilles qu'il opère pour notre salut soient aperçues de nos sens. Quand donc on supposeroit avec nous qu'il change le pain en son propre corps, il faudroit reconnoître que ce changement ne devoit pas être sensible, et par conséquent qu'à l'égard des sens il n'y auroit rien de changé.

« Quelle est cette raison, dit l'auteur, pour établir un dogme comme celui-ci 1? » Mais ne veut-il pas considérer, comme je l'ai déjà dit, que cet endroit du discours suppose le dogme déjà établi, et qu'il s'agit seulement d'en remarquer les suites, parmi lesquelles celle-ci est la plus certaine? Car il est certain qu'il ne convient pas à l'état de cette vie que Jésus-Christ se rende visible: de sorte que, quand on supposeroit avec nous une présence réelle ou un changement réel dans l'Eucharistie, il faudroit supposer en même temps qu'il ne devoit pas être sensible.

Ceux qui s'embarrassent à vouloir entendre comment Dieu peut accomplir ce qu'il lui plaît, formeront des incidens tant qu'il leur plaira sur la possibilité de l'exécution de ce dessein. Mais pour nous, nous n'avons nulle peine à croire que Dieu puisse changer la substance, sans changer aucun des effets qui ont accoutumé de l'accompagner, ni les choses qui l'environnent.

Si on le suppose ainsi avec nous, on avouera aisément que nonobstant le changement du pain et du vin, les mêmes impressions se font sur nos sens et le même effet dans nos corps, Dieu suppléant la présence des substances mêmes par les voies qui lui sont connues. En un mot, il n'y a rien de changé dans l'état extérieur de l'objet; ce que les Grecs appellent a avoue, et ce que nous pouvons appeler les espèces et les apparences, demeurent les mêmes et comme les sens n'aperçoivent que cet état extérieur de l'objet, on peut dire qu'à leur égard il n'y a rien de changé.

C'est pourquoi nous assurons sans crainte que le témoignage précis que les sens nous rendent n'est point trompeur. Car il n'y a rien de changé que dans la substance, dont les sens ne nous Anon., p. 256.

apportent aucune idée. Ils ne sont juges que des impressions qu'ils reçoivent et de l'état extérieur de l'objet, qui demeure toujours le même dans l'Eucharistie.

Mais faudroit-il conclure de là que la substance elle-même demeure toujours? Il le faudroit sans doute conclure, si Jésus-Christ n'avoit point parlé. Car encore que la substance même des choses ne puisse être connue par les sens, il se forme sur leur rapport un jugement de l'esprit, qui fait que nous reconnoissons naturellement une certaine substance partout où nous ressentons certaines impressions, ou une certaine suite de faits naturels et ce jugement doit être suivi, si ce n'est que quelque raison ou quelque autorité supérieure le corrige, si l'on n'est instruit du contraire par une lumière plus haute.

:

Ainsi, que l'Ecriture ne nous dise pas que cette colombe et ces hommes qui paroissent tels n'en ont que la forme, tant que j'y apercevrai les mêmes effets qui accompagnent ordinairement ces objets, je les prendrai sans hésiter pour ces objets mêmes. Mais s'il plaît à Dieu de m'instruire de la vérité, je suspendrai le jugement qui suit naturellement les impressions de mes sens, et je dirai que pour cette fois il faut juger autrement que nous n'y sommes portés par la pente naturelle de notre esprit. Nous agissons de même dans l'Eucharistie; et comme nous ressentons toujours les mêmes impressions, nous n'y croirions que du pain, si Jésus-Christ ne nous avoit appris que c'est son corps.

XI. Réponses aux objections des prétendus réformés, qui accusent les catholiques de détruire le témoignage des sens, et de faire Dien trompeur.

Par là se voit clairement combien sont vaines ces objections que les prétendus réformés font tant valoir, et dont l'Anonyme paroît si embarrassé. Il nous accuse « de détruire le témoignage des sens', » que Dieu nous a donnés pour connoître les choses corporelles; et d'anéantir par ce moyen « la preuve dont Jésus-Christ s'est servi pour établir la vérité de son humanité et de sa résurrection". >>

1 Anon., p. 178. — Ibid. p. 258.

Plusieurs passent jusqu'à reprocher à notre doctrine qu'elle fait Dieu trompeur, puisqu'il fait selon nous paroître à nos sens ce qui n'est pas en effet.

Quelle objection pour des chrétiens, qui ont lu dans les Ecritures que Dieu fit paroître les anges avec une forme humaine si parfaitement imitée, qu'Abraham et Lot leur préparent à manger comme à des hommes, les voyant en effet manger à leur table, sans jamais soupçonner ce qu'ils étoient, jusqu'à ce qu'ils se fussent découverts eux-mêmes! Dira-t-on que Dieu les a déçus, lorsqu'il leur a fait paroître ce qui n'étoit pas, sans les en avoir avertis que longtemps après ? Et combien nous trompe-t-il moins dans l'Eucharistie, puisqu'en changeant invisiblement le pain en son corps, il nous en instruit dès le moment même, en disant : « Ceci est mon corps?»

Il paroît donc clairement que nous ne sommes déçus en rien du tout car il y a ici deux choses à considérer; il y a en premier lieu le rapport précis que font les sens à l'esprit : nous avons montré qu'il n'est point trompeur, parce qu'il n'y a rien de changé à l'égard des sens, et que tout le changement est dans la substance dont les sens n'ont aucune idée.

Il y a en second lieu le jugement de l'esprit, qui juge qu'une certaine substance est présente, lorsqu'il aperçoit par les sens un certain concours d'effets naturels. Quoique ce jugement ne puisse être proprement attribué aux sens, on le rapporte ordinairement au témoignage des sens, parce qu'il se fait immédiatement sur leur rapport. Il est vrai qu'à juger des choses par ces effets naturels, il faudroit croire que l'Eucharistie est encore en substance du pain et du vin; mais Jésus-Christ qui les change invisiblement, pour nous empêcher d'être déçus, nous enseigne expressément que c'est son corps.

En quoi donc sommes-nous trompés, puisque le changement qui se fait ne regarde pas les sens, et que l'esprit, qui seul se pourroit tromper, est instruit de la vérité par la foi?

Mais les prétendus réformés veulent croire que si une fois ce qui a toutes les marques du pain n'est pas du pain en effet, tous les jugemens que nous ferons touchant la substance des choses seront

TOM. XIII.

17

« IndietroContinua »