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paroles dont on dispute, qu'on a tort de le contester, sans que pour cela il soit nécessaire de recourir à d'autres passages, comme veut l'auteur de la Réponse. Et certes il n'est pas possible de faire un plus mauvais raisonnement, ni de tirer une conséquence plus pernicieuse que la sienne. En effet si elle est reçue, tous les hérétiques sont hors de prise; et il n'y a plus aucun moyen de les attaquer. Quel passage y a-t-il qu'ils ne se donnent la liberté d'interpréter à leur mode, et sur lequel ils ne forment des contestations? Que si l'on n'est pas recevable à faire voir par la suite même du passage à celui qui en conteste le sens, qu'il a tort de le contester, et qu'il faille nécessairement, pour convaincre les errans, sauter de passage en passage aussitôt qu'ils auront révoqué en doute l'intelligence de ceux qu'on leur aura opposés, il n'y aura point de fin aux questions; et le plus hardi à nier ou le plus subtil à inventer de nouveaux détours, sera le maître. Par exemple, un socinien se présente à nous, qui prouve par les Ecritures que le Père et le Fils sont deux. Le catholique répond que ce sont, à la vérité, deux personnes, mais dans une même nature; et il établit cette unité par d'autres passages. Le socinien ne manque pas de les détourner à un autre sens, en sorte qu'il n'y en a aucun dont il ne conteste l'intelligence. Mais notre auteur lui va fournir un moyen de désarmer tout à fait le catholique. Il n'a qu'à faire à son exemple ce raisonnement : « Nous nions formellement cette unité de substance entre deux personnes; et il n'est pas contesté que la nature, les sens et la raison, bien loin d'enseigner rien de semblable, crient hautement le contraire car ni la raison ne comprend que deux personnes puissent être une même chose en substance, ni la nature ne nous montre rien de tel, ni les sens n'ont jamais rien vu de semblable. Ce seroit donc en tout cas aux catholiques d'établir cette unité de substance entre plusieurs personnes, par quelque passage dont le sens ne soit pas en question. » Que répondra le catholique? Et l'Anonyme lui-même, que répondra-t-il à un tel raisonnement? Il est constant dans le fait que le sens de tous les passages que les catholiques produisent, est contesté par les hérétiques; et s'il ne faut que les contester pour nous les rendre inutiles, nous n'avons

plus qu'à poser les armes. Mais certes il n'est pas juste de rendre la victoire si facile aux ennemis de la vérité. Le socinien doit comprendre que cette unité de substance entre les personnes divines, est propre aux mystères de la Trinité. Il n'y a donc rien de plus absurde que de nous faire chercher ce qu'il faut croire de ce mystère en d'autres passages, qu'en ceux où il s'agit du mystère même. N'importe qu'il me conteste le sens de tous les passages que je lui oppose. Car sa contestation n'est pas un titre pour me les faire abandonner; et sans avoir recours à d'autres passages, c'est assez que l'explication qu'il donne à ceux que je lui produis n'ait point de fondement dans le texte même, ni dans la suite du discours. Nous sommes en mêmes termes avec les、 prétendus réformés. Ils m'opposent que Jésus-Christ est aux cieux, et que nous ne l'avons plus au milieu de nous pour converser avec lui, comme l'avoient les apôtres. Nous le confessons: mais nous disons en même temps qu'il y a une autre présence de sa personne sacrée, et qu'elle est propre à l'Eucharistie. Que si elle est propre à l'Eucharistie, est-il juste de nous contraindre à la chercher autre part, que dans les endroits où il est parlé de ce mystère? Mais surtout y aura-t-il quelque autre passage où nous puissions apprendre plus clairement ce qu'il faut croire d'un si grand mystère, que celui où Jésus-Christ l'a institué? Et serons-nous réduits à chercher ailleurs ce qu'il a voulu nous en apprendre, parce qu'on nous aura contesté le sens de ces paroles divines? A-t-on jamais imaginé un procédé plus déraisonnable? Et qui ne voit qu'on veut disputer sans fin plutôt que de rien conclure, quand on propose de tels moyens de chercher la vérité dans les saintes Lettres?

Il faut donc raisonner sur d'autres principes, et comprendre de quelle sorte il a plu à Dieu de nous instruire. Nous ne trouvons point qu'il nous ait dit en général dans les Ecritures, que plusieurs personnes puissent avoir une même essence; et nous n'apprenons cette vérité que dans les mêmes endroits où nous découvrons que les trois divines personnes ne sont qu'un seul Dieu. Il n'a pas pris soin de nous enseigner que deux natures pussent concourir à faire une même personne, si ce n'est dans

les mêmes passages où il nous apprend que Jésus-Christ est Dieu et homme. De même si nous avons à apprendre quelque chose touchant cette présence miraculeuse du corps de Jésus-Christ, qui est propre à l'Eucharistie, nous ne le devons chercher que dans les mêmes endroits où il est parlé de ce mystère. Ainsi l'Anonyme a tort de vouloir que nous sortions de ces passages. S'il y trouve quelque difficulté, il ne s'ensuit pas pour cela qu'il faille aussitôt recourir à d'autres passages; mais il faut examiner ceux dont il s'agit, et voir si les interprétations figurées ont un fondement certain dans la suite du discours. Venons donc enfin aux argumens qu'il tire de cette suite, et voyons s'ils ont quelque chose de solide. En effet s'il n'y a rien dans tout le discours où Jésus-Christ a institué ce mystère qui nous fasse concevoir le sens de ces divines paroles, il n'a point parlé pour se faire entendre; ou plutôt s'il n'y a rien dans la suite qui nous détermine au sens figuré, nous avons raison de nous attacher au sens littéral.

IV.

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Réponses aux raisonnemens que fait l'Anonyme pour établir le sens figuré des paroles de l'institution.

Je me suis attaché aux paroles de l'institution, comme à celles où nous pouvons le mieux apprendre ce que Jésus-Christ a voulu faire pour nous dans l'Eucharistie; et voici les raisons que l'Anonyme prétend tirer du fond du mystère en faveur du sens figuré.

« Premièrement, dit-il, où il s'agit d'un mystère et d'un sacrement, il est naturel et d'un usage commun de prendre les expressions et les choses mêmes mystiquement et figurément. » Il ajoute «que le mot même de mystère nous y mène ; autrement ce ne seroit plus un mystère. Qu'on parcoure tous les sacremens, tant du Vieux que du Nouveau (Testament) sans en excepter aucun, non pas même les cérémonies de l'Eglise romaine, où il y a quelques signes visibles, la Pâque, la circoncision sous la Loi le baptême sous l'Evangile, ce que l'Eglise romaine appelle Confirmation, et autrement Onction: on trouvera partout des choses et des paroles qu'il faut entendre dans un sens mystique 1. »

Ceux qui sont tant soit peu versés dans les controverses, savent 1 Anon., p. 172.

bien que c'est là le principal fondement des prétendus réformés; mais déjà il est constant que ce fondement ne suffit pas. On a beau discourir en général sur la nature des signes si l'on ne vient au particulier du mystère de l'Eucharistie et des paroles dont nous disputons, on n'avance rien. Car premièrement nous avons fait voir que tous les signes ne sont pas de même nature; et qu'il y en a qui bien loin d'exclure une présence réelle, ont au contraire cela de propre, qu'ils marquent la chose présente. Quand un homme donne des signes de vie, ces signes marquent la présence de l'ame; et lorsque les anges ont paru en forme humaine, ils étoient présens en personne sous cette apparence extérieure qui nous les représentoit. C'est donc discourir en l'air que de parler des signes en général : il faut voir en particulier, dans les paroles de l'institution, ce que Jésus-Christ a voulu nous y donner. Secondement, encore qu'il soit véritable que lorsqu'on parle de signes visibles, on emploie souvent des façons de parler figurées, ce n'est pas une nécessité que toutes le soient. Il faut donc, encore une fois, descendre au particulier, et voir par la suite même des paroles dont il s'agit si l'on y trouvera de justes motifs d'exclure le sens littéral.

Bien plus, il n'est pas même constant que Jésus-Christ, en disant « Ceci est mon corps,» ait eu dessein de parler d'un signe. Car de même qu'on peut donner un diamant enfermé dans une boîte, en ne parlant que du diamant et sans parler de la boîte ainsi encore que nous confessions que Jésus-Christ nous donne son corps sous un certain signe, comme nous l'expliquerons en son lieu, il ne s'ensuit pas pour cela qu'il parle du signe, et il n'est pas impossible qu'il n'ait dessein de parler que de la chose qui est enfermée sous le signe même. Ce ne seront pas des discours généraux sur les signes et sur les figures, qui nous feront découvrir ce qu'il en faut croire; ce sera la suite des paroles mêmes et si l'auteur ne fait voir par des raisons particulières que ce que Jésus-Christ appelle son corps, c'est le pain qui le représente, toutes les réflexions générales et tous les raisonnemens sur la nature des signes seront inutiles.

Il vient aussi à ces raisons particulières : Si l'on demande (et

il promet de satisfaire ceux qui demandent) plus particulièrement pourquoi le pain et le vin sont dits être le corps et le sang de Jésus-Christ, saint Augustin et Théodoret répondront pour nous1. » Il touche ces raisons en deux endroits: et on les entendra mieux en revoyant quelques lignes de l'Exposition qu'il a tâché de détruire.

Là je propose la raison profonde qui fait qu'on donne au signe le nom de la chose, pour voir si elle peut convenir aux paroles dont nous disputons de l'institution. Je distingue deux sortes de signes, dont les uns représentent naturellement, par exemple un portrait bien fait; et les autres par institution et parce que les hommes en sont convenus, comme par exemple un certain habit marque une certaine dignité. J'avoue qu'un portrait bien fait est un signe naturel, qui de lui-même conduit l'esprit à l'original et qui en reçoit aussitôt le nom, parce qu'il en ramène l'idée nécessairement à l'esprit : c'est une vérité constante. Mais après avoir posé ce principe, il restoit encore à examiner si cette raison peut convenir aux signes d'institution; et je résous la question en distinguant comme deux états de ces signes. Lorsqu'ils sont reçus et que l'esprit y est accoutumé, je confesse qu'il y joint toujours l'idée de la chose et lui en donne le nom, de même qu'aux signes naturels ; comme quand on est convenu qu'un certain jour représente celui où Jésus-Christ a pris naissance, on l'appelle, sans rien expliquer, la Nativité de Notre-Seigneur. Mais je dis «qu'en établissant un signe qui de soi n'a aucun rapport à la chose, par exemple un morceau de pain pour signifier le corps d'un homme, c'est une chose inouïe qu'on lui en donne le nom, et qu'on ne peut en alléguer aucun exemple. »

L'Anonyme convient du principe, c'est-à-dire de la raison pour laquelle on donne aux signes le nom de la chose, parce qu'elle en ramène l'idée : mais il tâche de faire voir que je me trompe dans l'application: « On trouve, dit-il, entre le pain et le corps de Notre-Seigneur les deux rapports que M. de Condom appelle rapport naturel et rapport d'institution, et dont il ne demande que l'un ou l'autre pour faire que le signe puisse prendre le nom 1 Anon., p. 173, 174, 186. 2 Exposit., art. x.

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