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de détacher ces paroles : « Donné ou rompu pour vous,» d'avec les paroles précédentes; et si au contraire il ne paroît pas que rien ne détermine tant au sens naturel que la suite de tout ce discours: « Ceci est mon corps donné ou rompu; » et : « Ceci est mon sang répandu pour vous. »

Combien est froide et forcée l'explication de nos adversaires, que l'Anonyme me fait tant valoir à comparaison de la nôtre !! << Ceci est mon corps rompu, » c'est-à-dire ce pain rompu vous représente mon corps rompu. Qui ne ressent en lisant les paroles de l'Evangile, que l'expression de Notre-Seigneur est beaucoup plus vive; qu'il veut exprimer ce qui est effectivement dans l'Eucharistie, et non ce que représentent des signes fort éloignés de la vérité? Mais sans nous jeter dans de nouvelles considérations, personne ne peut penser que du pain mis en morceaux pour être distribué, ou du vin versé dans une coupe prêt à couler dans nos estomacs, nous représentent naturellement un corps percé par des plaies, ou du sang qui coule des veines. Que si l'on ne peut pas dire que ces signes soient si expressifs qu'ils convient les hommes naturellement à leur donner le nom de la chose, si on se sent obligé à les reconnoître comme signes d'institution, notre principe demeure ferme, que les signes de cette nature ne reçoivent le nom de la chose qu'après l'établissement, mais qu'il n'y a aucun exemple dans l'Ecriture, ni dans tout le langage humain, qui le leur donne dans l'Institution.

VI. Second effort de l'Anonyme. Fausse conséquence qu'il prédend tirer de ces paroles: «Faites ceci en mémoire de moi. »

Jusqu'ici l'Anonyme a fort mal montré que la suite des paroles de Notre-Seigneur nous détourne du sens littéral. Mais voici un second effort. Jésus-Christ, après avoir dit : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang,» ajoute aussitôt : « Faites ceci en mémoire de moi. » Ce n'est donc pas lui-même qu'il veut nous donner, mais un mémorial de lui-même 2.

On a souvent répété à Messieurs de la religion prétendue réformée que le souvenir n'exclut pas toute sorte de présence, mais 1 Anon., p. 190, 191. — Ibid. p. 195, etc.

la seule présence sensible. Dieu nous est présent, plus en quelque sorte que nous ne nous sommes présens à nous-mêmes, parce que « nous vivons, nous nous remuons, nous sommes en lui, » comme dit saint Paul'. Toutefois nous ne l'oublions que trop souvent, parce que cette présence ne frappe pas notre vue nous avons besoin que souvent on le rappelle à notre mémoire, et qu'on nous dise: « Souviens-toi de ton Créateur tous les jours de ta vie. » Quand les prétendus réformés supposeroient avec nous que Jésus-Christ fût en personne dans l'Eucharistie, ils n'en devroient pas moins avouer que nous avons besoin d'être avertis de cette présence, parce que nos sens n'en sont touchés par aucun endroit de sorte que le Fils de Dieu auroit raison d'exciter notre attention, en nous disant : « Faites ceci en souvenance de moi, et n'oubliez jamais celui qui vous fait de si grandes graces. Il est que cette parole s'accorde parfaitement avec la présence que nous admettons; et ainsi je ne comprends pas comment on s'en peut servir pour la détruire.

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Mais nous sommes en termes bien plus forts; et nous pouvons accorder aux prétendus réformés, sans aucun préjudice de notre doctrine, que la chose que le Fils de Dieu nous ordonne de nous rappeler en notre mémoire n'est pas présente. En effet il est certain que quand il a dit : « Faites ceci en mémoire de moi,» l'esprit et l'intention de ces paroles, c'est de nous faire souvenir de lui mourant, et de rappeler sa mort à notre mémoire.

Si cela est, il faut avouer que ces paroles, tant de fois objectées par les prétendus réformés, leur deviennent inutiles. Quand nous leur aurions accordé que le souvenir que Notre-Seigneur nous recommande en ce lieu, exclut la présence de son objet, ils seroient abondamment satisfaits sur cette difficulté, puisque JésusChrist mourant à la croix n'est pas un objet présent et que sa mort est une chose éloignée.

Aussi voyons-nous que l'Anonyme fait les derniers efforts pour nous ôter cette explication: mais il se tourmente en vain. Ce n'est pas une explication que nous soyons contraints d'inventer, pour nous débarrasser d'un argument importun, puisque même 1 Act., XVII, 28. 2 Eccles., XII, 1.

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on a déjà vu que nous n'avons pas besoin de cette défense. Mais c'est l'apôtre saint Paul qui nous apprend à entendre, comme nous faisons, les paroles dont il s'agit, puisqu'il ne les a pas plutôt rapportées qu'il en tire aussitôt cette conséquence, qu'en participant à l'Eucharistie, « nous annonçons la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne 1. » Ainsi le dessein de ces paroles n'est pas de rappeler en notre mémoire la personne de Jésus-Christ absolument, mais la personne de Jésus-Christ se livrant luimême à la mort et répandant son sang pour notre salut. La suite même des paroles nous conduit naturellement à ce sens. Nous venons de voir que ces mots : « Ceci est mon corps donné, ceci est mon sang répandu, » ont un rapport nécessaire à la mort de Notre-Seigneur. Quand donc il ajoute après : « Faites ceci en mémoire de moi, » on voit bien qu'il veut nous faire éternellement souvenir de lui-même comme mort pour nous, ou, comme parle saint Paul, nous faire « annoncer sa mort jusqu'à ce qu'il vienne. »

Que l'Anonyme juge maintenant du déplorable état de sa cause, qui le réduit à rejeter une explication qui est expressément tirée de l'Apôtre, et d'appeler cette explication « un petit détour 2. » Mais après avoir dit que je tronque les paroles de NotreSeigneur en les récitant comme saint Matthieu, je ne m'étonne pas qu'il dise encore que j'en détourne le sens en les expliquant comme saint Paul.

Cependant il est si constant que ces paroles de Notre-Seigneur : « Faites ceci en mémoire de moi,» sont prononcées exprès pour rappeler notre attention à sa mort, que les prétendus réformés y donnent eux-mêmes cette explication dans l'action de la Cène. Le ministre en la leur donnant, leur parle en ces termes : « Faites ceci en mémoire de moi, c'est que quand vous mangerez de ce pain et boirez de cette coupe, vous annoncerez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. » Toutes les Confessions de foi des protestans suivent cette interprétation; et l'Anonyme lui-même, après avoir récité les paroles de l'Epitre aux Corinthiens, d'où je tire l'explication que nous avons proposée, en conclut, aussi bien 11 Cor., XI, 26. 2 Anon., p. 196.

que nous, a que Jésus-Christ quittant ses apôtres et leur disant le dernier adieu, leur laisse ce sacrement comme un gage, un mémorial et un sceau de la mort qu'il devoit souffrir pour eux. »

Ainsi j'ai raison de dire dans l'Exposition, que quand même nous serions demeurés d'accord que l'Eucharistie est le mémorial d'une chose qui n'est pas présente, nous avons de quoi contenter les prétendus réformés selon leurs propres principes, parce que Jésus-Christ mourant, qu'elle rappelle à notre souvenir, n'a été qu'une seule fois dans cet état; et que sa mort, dont ce mystère est un monument éternel, est éloignée de nous de plusieurs siècles et n'est pas présente.

Si maintenant ils demandent pourquoi Jésus-Christ a joint ces deux choses, de nous donner en vérité son corps et son sang, et de se servir d'un si grand mystère pour imprimer dans nos cœurs la mémoire de sa mort : ils n'ont qu'à se souvenir des choses qui ont été dites sur les victimes anciennes que les Juifs mangeoient. Ce que nous avons à dire en ce lieu est une suite de cette doctrine. La manducation de ces victimes en rappeloit naturellement l'immolation dans l'esprit car on les mangeoit comme ayant été immolées, et dans le dessein de participer au sacrifice.

Ainsi quand Notre-Seigneur a voulu accomplir cette figure en nous donnant son corps et son sang à la sainte table, il a raison de nous rappeler à l'oblation qu'il en a faite pour nous à la croix; et il n'y a rien de plus naturel que de nous souvenir de Jésus-Christ immolé, lorsque nous sommes appelés à manger la chair de ce sacrifice. C'est pour cela que nous demandons, aussi bien que l'Anonyme 1, qu'on ne sépare point les paroles de NotreSeigneur. Nous voulons qu'on pense attentivement « qu'il a dit tout d'une suite: Ceci est mon corps donné pour vous; faites ceci en mémoire de moi. » Car c'est ce qui nous fait voir que le souvenir qu'il ordonne est fondé sur le don qu'il fait de son propre corps et de son propre sang. De sorte que ce n'a pas été son dessein de nous donner seulement un morceau de pain comme un mémorial de sa mort; mais de nous donner ce même corps immolé pour nous, afin qu'en le recevant nous eussions 1 Anon., p. 195.

l'esprit attentif au sacrifice sanglant que son amour lui a fait offrir pour notre salut.

C'est ce que j'avois dit dans l'Exposition, et l'auteur n'oppose rien à cette doctrine qui ne marque une foiblesse manifeste. Il prend la peine de prouver par l'exemple « des hosties expiatoires, dont on se souvenoit sans les manger, qu'il n'est pas nécessaire que nous mangions la propre chair de Jésus-Christ notre victime, pour nous souvenir de sa mort'. » Ne voit-il pas que c'est sortir de la question? Il ne s'agit pas entre nous si ce moyen nous est nécessaire pour nous souvenir de Jésus-Christ mort et immolé. Les catholiques ne prétendent pas qu'il le fallût oublier, s'il ne nous avoit pas donné son corps et son sang; et bien loin d'attacher ce souvenir à l'action de la Cène, nous souhaiterions qu'il ne nous quittât en aucun moment de notre vie. Et certes nous avons peu profité de tant de mystères que Jésus-Christ a accomplis pour notre salut, s'ils ne nous ont pas encore appris qu'il n'a pas voulu s'attacher à faire précisément ce qui nous étoit nécessaire, mais qu'un amour infini lui a fait chercher ce qu'il y avoit de plus tendre et de plus puissant pour toucher nos cœurs. Ainsi sans examiner si ce moyen dont nous parlons étoit nécessaire pour exciter notre souvenir, il suffit qu'il soit très-puissant et que l'Anonyme même ne puisse rien imaginer de plus efficace. L'Anonyme voudroit le nier, cet effet de la présence, cette efficace divine du corps et du sang de Notre-Seigneur. Mais telle est la force de la vérité : en le niant il le confirme. « S'il est vrai, dit-il, que le souvenir dont il est ici question n'est qu'un sentiment excité par les objets qui frappent les sens, la manière dont on croit manger cette chair dans l'Eglise romaine, a-t-elle quelque chose qui frappe plus les sens que la nôtre, puisque nous la mangeons les uns et les autres sous les espèces du pain et du vin? » Je suis bien aise que l'Anonyme croie recevoir le corps et le sang de Notre-Seigneur sous les espèces du pain et du vin, aussi bien que nous. Je sais qu'il me répondra que nous l'entendons différemment. En effet les catholiques croient recevoir le corps et le sang de Notre-Seigneur sous les espèces, parce qu'il y est; et 1 Anon., p. 199.

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