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l'Anonyme (chose surprenante!) croit les recevoir sous ces mêmes espèces, quoiqu'ils n'y soient pas. Qu'il explique comme il lui plaira un sentiment si étrange; on voit qu'il faut du moins parler comme nous, et que l'idée de Jésus-Christ qui se donne à ses fidèles sous les espèces du pain et du vin est si conforme à la foi, que si peu qu'il reste de foi, cette idée revient toujours à l'esprit. Mais il faudroit aller plus avant, et comprendre que le chrétien ne doit pas être moins touché en recevant son Sauveur sous une espèce étrangère, que s'il le touchoit sensiblement en sa propre forme. Il suffit que Jésus-Christ soit présent, et que le chrétien soit assuré de cette présence par la parole de Jésus-Christ, puisque la foi lui apprend à croire aussi fermement ce que Jésus-Christ lui dit que ce qu'il voit de ses propres yeux.

VII.

Abus que les prétendus réformés font de ces paroles de Jésus-Christ: « Je ne boirai point de ce fruit de vigne. »

Les prétendus réformés ont perdu leur principale défense, quand on leur a ôté ce passage: «Faites ceci en mémoire de moi. » Ils ont néanmoins encore un dernier refuge dans ces mots: « Je ne boirai point de ce fruit de vigne. »

L'Anonyme les produit pour faire voir que la suite des paroles de l'institution éloigne le sentiment de la présence réelle, quoique si elles avoient quelque force, on pourroit les produire pour faire voir que le vin demeure, et non pour montrer l'absence du sang, de laquelle seule il s'agit ici.

Mais au fond elles ne font rien; et sans vouloir ici recueillir tout ce que disent les catholiques sur ces paroles, je remarquerai seulement quelques vérités qui devroient avoir empêché les prétendus réformés de nous les objecter jamais.

C'est donc, 1° une vérité constante, que les Evangélistes ne rapportent pas toujours les paroles de Notre-Seigneur dans l'ordre qu'elles ont été dites. Ils s'attachent à la substance des choses et se dispensent assez souvent de les réciter dans leur ordre, surtout quand ce sont des paroles détachées, dont la suite ne sert de rien à l'intelligence de tout le discours.

2° Sans nous mettre en peine de justifier une vérité dont on est

d'accord, les paroles dont il s'agit nous en fournissent un exemple, puisque saint Matthieu les rapporte aussitôt après la consécration du calice, au lieu que saint Luc les rapporte à une autre coupe qu'à celle de l'Eucharistie. Au contraire le même saint Luc met, après la consécration du calice, ces paroles de Notre-Seigneur : « La main de celui qui me livre est avec moi dans le plat, » que saint Matthieu avoit placées avant tout le récit de la Cène.

3o Il suit de là qu'il n'est pas certain que ces paroles aient été dites après la consécration du calice: ce qui étant, on n'en peut rien conclure contre nous.

4o On doit même plutôt croire qu'elles ont été dites dans le même ordre que saint Luc les a récitées, parce que les interprètes sont d'accord que cet Evangéliste est celui qui s'attache le plus à cette suite, et qu'en effet il est le seul qui promet à la tête de son Evangile de raconter « les choses par ordre 1. »

5o Mais du moins est-il certain par les principes posés, que si ces paroles appartenoient au récit de l'institution de l'Eucharistie, ou étoient dites pour la faire entendre, aucun des Evangélistes ne les en auroit détachées.

6° En effet l'apôtre saint Paul, qui rapporte dans la première aux Corinthiens tout ce qui regarde l'institution de ce mystère, ne fait aucune mention de ces paroles.

Toutes ces choses font voir clairement que ces paroles de NotreSeigneur «Je ne boirai plus de ce fruit de vigne, »> ne regardent pas en particulier le vin dont Notre-Seigneur a fait son sang, mais tout le vin en général, dont on s'étoit servi dans tout le repas de la Pàque.

Après ces considérations on devroit cesser de nous objecter ces paroles, si on les objectoit par raison plutôt que par préoccupation ou par coutume.

On peut conclure avec assurance des choses qui ont été dites, que l'Anonyme n'a rien remarqué dans la suite des paroles de l'Institution qui nous porte au sens figuré, ni qui puisse nous faire penser que Jésus-Christ ait voulu donner en ce lieu le nom de la chose au signe.

1 Luc., 1, 1, 3.

VIII. — Les exemples et les textes de l'Ecriture sainte, que les prétendus réformés allèguent pour autoriser leurs sens figurés, ne font rien au sujet de l'Eucharistie.

Il n'en faut pas davantage pour lui faire voir combien sont éloignés du sujet les exemples de l'Ecriture, que ceux de sa communion allèguent sans cesse pour autoriser leur sens figuré.

La circoncision est appelée l'alliance: mais, comme nous avons déjà remarqué, c'est après qu'elle est établie en termes formels comme le signe de l'alliance.

Jésus-Christ fait des comparaisons, et propose des paraboles où il dit figurément qu'il est une porte, du pain, une vigne mais outre que le plus souvent les évangélistes remarquent que Jésus dit une parabole ou une similitude, la chose s'explique d'ellemême et la suite nous fait connoître en quoi il met le rapport : tellement qu'il est inouï que personne s'y soit trompé. S'il dit : « Je suis la porte : » il ajoute que c'est par lui qu'il faut entrer. S'il dit qu'il est « la vraie vigne, » que son « Père est le laboureur, et que ses apôtres en sont « les branches,» il ajoute : « Qui demeure en moi, porte du fruit; » et : « Toute branche qui ne porte point du fruit en moi, le Père l'ôte. » Il en est de même des autres comparaisons, où il dit qu'un « champ est le monde, » que les épines sont les richesses, » que «les anges sont les mois

sonneurs. »

Il paroît par les choses qui ont été dites, que la suite des paroles de Notre-Seigneur n'a rien qui nous porte au sens figuré, ni qui nous détourne du sens littéral.

Mais l'Anonyme prétend « que quand cette figure ne seroit pas tout à fait intelligible d'elle-même, Jésus-Christ avoit préparé les apôtres à l'entendre, leur ayant dit qu'il falloit prendre ces sortes d'expressions spirituellement 1. » Il se sert, pour le montrer, de ce passage célèbre : « La chair ne profite de rien, c'est l'esprit qui

vivifie 3. »

J'ai répondu par avance à cette difficulté, quand j'ai démêlé les équivoques du terme de spirituel. Je confesse que Jésus-Christ Anon., p. 194. - 2 Ibid. p. 183.

1

3 Joan., VI, 64.

avoit préparé les apôtres à entendre quelque chose de spirituel
dans la manducation de sa chair: mais de là il ne s'ensuit pas
qu'il les eût préparés à entendre figurément tout ce qu'il diroit
de cette manducation. Car encore que nous entendions à la lettre
ces paroles de Jésus-Christ: « Prenez, mangez, ceci est mon
corps, » nous ne laissons pas d'avouer que la chair ne sert de rien,
à l'entendre comme faisoient ces hommes grossiers à qui Jésus-
Christ parloit, quand il a dit que la chair ne sert de rien.[Ils re-
gardoient Jésus-Christ, non comme le Fils de Dieu, mais comme
le fils de Joseph'. Et lui entendant dire qu'il donneroit sa chair à
manger, ils songeoient à la manière ordinaire dont nous nour-
rissons ce corps mortel. Les prétendus réformés savent en leur
conscience combien nous sommes éloignés de cette pensée; ils
savent que nous croyons que c'est l'esprit qui vivifie, puisque la
chair de Jésus-Christ même, prise toute seule et séparément de
l'esprit, ne nous sert de rien. Nous leur avons déjà dit qu'en re-
cevant cette chair, il faut la prendre comme la chair de notre
victime, en nous souvenant de son sacrifice et mourant-nous-
mêmes au péché avec Jésus-Christ. Pendant que le Fils de Dieu
s'approche de nous en personne pour nous témoigner son amour,
il faut que notre cœur y réponde: et nous recevons en vain son
sacré corps,
si nous n'attirons dans nos ames par la foi l'esprit
dont il est rempli. De là il ne s'ensuit pas ni que la chair, abso-
lument, ne serve de rien (car, comme dit saint Augustin, si la
chair ne servoit de rien, le Verbe ne se seroit pas fait chair, et
n'auroit pas attribué à sa chair dans tout ce chapitre une efficace
divine); ni que cette chair que le Verbe a prise ne serve de rien
dans l'Eucharistie, mais qu'elle n'y sert de rien prise toute seule ;
ni qu'il faille entendre figurément ces paroles: « Ceci est mon
corps; mais qu'en les prenant à la lettre, il faut encore y
joindre l'esprit, en croyant que Notre-Seigneur n'accomplit rien
dans nos corps qui ne regarde l'homme intérieur et la vie spi-
rituelle de l'ame; c'est pourquoi toutes ses « paroles sont esprit
et vie 2. »

Mais il s'élève ici une objection, qui est celle qui touche le
1 Joan., VI, 42. 2 Ibid., 64.

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plus les prétendus réformés. Si la chair de Jésus-Christ prise toute seule par la bouche du corps ne sert de rien, et que le salut consiste à nous unir avec Jésus-Christ par la foi, ce que l'Eglise romaine met de plus dans l'Eucharistie devient inutile. « Cette union spirituelle, dit l'auteur de la Réponse, est la seule et véritable cause de notre salut; et les catholiques ne nient pas que ceux qui reçoivent le baptême et la parole sans l'Eucharistie, ne soient sauvés et unis spirituellement à Jésus-Christ, de même que ceux qui reçoivent aussi l'Eucharistie'. » Il leur semble qu'on doit conclure de là que le fidèle doit se contenter de ce qu'il reçoit au baptême, puisque ce qu'il y reçoit suffit pour son salut éternel. Ce qu'ajoutent les catholiques à l'union spirituelle est à leur avis superflu; et c'est en vain, disent-ils, qu'on se jette dans de si grandes difficultés pour une chose qui ne sert de rien.

Cet argument, qui paroît plausible, ne combat pas en particulier la doctrine des catholiques sur la présence réelle; mais il attaque d'un seul coup tous les mystères du christianisme, et tous les moyens dont le Fils de Dieu s'est servi pour exciter notre foi. Il ne sert de rien d'écouter la prédication de l'Evangile, si on n'écoute la vérité même qui parle au dedans; et le salut consiste à ouvrir le cœur : donc on n'a pas besoin de prêter l'oreille aux prédicateurs; donc c'est assez d'ouvrir l'oreille du cœur. Il ne sert de rien d'être lavé de l'eau du baptême, si on n'est nettoyé par la foi; donc il se faut laver intérieurement sans se mettre en peine de l'eau matérielle. A cela les prétendus réformés répondroient eux-mêmes que la parole et les sacremens sont des moyens établis de Dieu pour exciter notre foi, et qu'il n'y a rien de plus insensé que de rejeter les moyens par attachement à la fin, puisqu'au contraire cet attachement nous les doit faire chérir. Qui ne voit donc qu'il ne suffit pas, pour combattre la présence réelle, de montrer qu'elle ne nous sert de rien sans la foi; mais qu'il faut encore montrer que cette présence n'est pas établie pour confirmer la foi même, qu'elle ne sert de rien pour cette fin, ni pour exciter notre amour envers Jésus-Christ présent? il faut détruire ce qui a été si solidement établi touchant la manducation 1 Anon., p. 114.

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