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cette créance, il n'y a aucune raison de douter de nous. Mais pour bien entendre cette vérité, il faut considérer avant toutes choses quel étoit en ce temps-là l'état de l'Eglise.

Que la foi fùt la même, je le puis justifier aisément par les reproches de nos adversaires. Il est clair que les ministres ne forment aucune accusation contre nous, que leurs prédécesseurs n'aient commencée avec une pareille animosité. Il seroit long de citer les passages; mais il est assez constant que la sainte messe, les images, les reliques, le purgatoire, l'invocation des saints, le mérite des œuvres et enfin tous les autres points que l'on nous objecte, ont été le sujet de leurs invectives: et entre les articles qui sont récités en la page 37 du Catéchisme, par lesquels le ministre prétend que nous avons perverti l'Evangile, je soutiens qu'il n'en sauroit désigner un seul que ses pères n'aient déjà taxé de leur temps avec une véhémence extraordinaire. Il faut donc nécessairement qu'il confesse, ou que ses premiers maîtres ont été d'impudens calomniateurs, ou bien que si l'on nous a fait les mêmes reproches, nous avions par conséquent la même doctrine.

Ce qui le montre encore plus clairement, c'est que les premiers docteurs de nos adversaires, non contents de reprendre cette créance pour faire voir combien ils s'en éloignoient, se sont publiquement séparés de la communion de l'Eglise romaine, prenant pour prétexte les mêmes causes que nos adversaires défendent encore: ce que le ministre ne peut nier sans une insigne infidélité. Et qui ne voit par là qu'ils jugeoient que la foi qu'on professoit en l'Eglise, étoit directement opposée à celle qu'ils vouloient introduire?

En effet ils ont bien vu qu'ils se roidissoient contre une créance reçue. Aussitôt qu'ils parurent au monde et que sous le beau prétexte de réformation, ils débitèrent leurs nouveaux dogmes, et les évêques, et les conciles, et les universités catholiques résistèrent hautement à leurs entreprises. Chacun s'étonna de leur nouveauté; et c'est une marque évidente que la doctrine qu'ils venoient combattre étoit profondément imprimée en l'esprit des peuples ce qui ne seroit pas ainsi arrivé, si elle n'eût été confirmée depuis plusieurs siècles par un consentement général.

Bien plus, il est certain que, non-seulement les points de notre doctrine que nos adversaires contestent, étoient crus pendant ce temps-là par tous les fidèles qui vivoient en notre communion; mais encore que pour la plupart ils avoient déjà été définis par l'autorité des conciles, contre diverses sectes qui s'y étoient injustement opposées. Le sieur Ferry dit-il pas lui-même que « dès l'an 1215, au concile de Latran, la transsubstantiation avoit été passée en article de foi1?» Par conséquent cet article étoit cru dans le temps duquel nous parlons, pendant lequel du consentement du ministre on pouvoit se sauver parmi nous. Néanmoins il n'est pas croyable combien nos adversaires l'ont en horreur. Du Moulin dit en son Bouclier de la foi, que « cette transsubstantiation sappe la piété par les fondemens, et frappe droit au cœur de la religion. » Que s'ils demeurent d'accord que cette créance n'a pas empêché le salut de nos pères, ne nous font-ils pas voir sans difficulté qu'ils se sont emportés excessivement, quand ils l'ont si sévèrement censurée? Et ensuite ne nous donnent-ils pas une certitude infaillible qu'il n'y a plus aucun point de notre doctrine qui puisse nous exclure du ciel, puisque celui-ci, qu'ils blâment si fort, n'en a pas exclu nos pieux ancêtres?

Davantage, peut-on nier que la messe ne fût le service public de l'Eglise ? Nos adversaires ne le contestent pas, et c'est une vérité trop connue. Or c'est ce qu'ils ont le plus en exécration; c'est la messe qu'eux et leurs pères ont décriée comme le comble de toutes sortes d'impiétés et d'idolâtrie. Mais il faut bien qu'ils sentent en leurs consciences que tous ces reproches sont très-injustes, puisqu'ils avouent maintenant, et qu'ils prêchent, et qu'ils enseignent même dans leurs Catéchismes, qu'avant leur réformation prétendue et jusqu'à l'an 1543, où la messe constamment étoit en l'Eglise en la même vénération qu'elle est en nos jours, cette Eglise qui la célébroit ne laissoit pas de contenir en son sein, et d'y conserver jusqu'à la mort les enfans de Dieu.

Que dirai-je de l'administration de l'Eucharistie? Est-il rien de plus ordinaire en la bouche de nos prétendus réformés qu'un de nos plus grands attentats contre l'Evangile, c'est de ne la

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TOM. XIII.

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donner pas sous les deux espèces? C'est ce qu'ils ne cessent de nous reprocher. Cependant au temps duquel nous parlons, cette Eglise qui, selon l'avis du ministre même, conduisoit si bien ses enfans à Dieu, ne les communioit que sous une espèce. Et qui ne sait que quelques Bohémiens animés par les prédications de Jean Hus, ayant rétabli la communion du sacré calice, le concile général de Constance prononça qu'il falloit croire sans aucun doute que tout le corps et tout le sang de Notre-Seigneur étoit vraiment sous chacune des deux espèces; que la coutume de communier sous la seule espèce du pain tenoit lieu de loi, qui ne pouvoit être changée sans l'autorité de l'Eglise ; et que tous ceux qui seroient contraires à cette doctrine devoient être tenus hérétiques. Telle fut la décision du concile, qui ayant été embrassée par toute l'Eglise, il n'y a qu'une extrême ignorance qui puisse douter de sa foi sur cette matière.

D'ailleurs les calvinistes publient tous les jours, et le ministre ne le niera pas, que les Vaudois et les Albigeois sont leurs vénérables prédécesseurs, qu'ils ont professé leur même créance, et qu'ils se sont retirés d'avec nous pour les mêmes causes, pour la messe, pour l'invocation des saints, pour le purgatoire, pour les images, pour la primauté du Pape, pour le sacrement de la sainte Table, et ainsi du reste. Or il est très-certain que l'Eglise condamna ces hérétiques sitôt qu'ils parurent. Et en condamnant leur doctrine, qui ne voit que par une même sentence elle a proscrit celle des calvinistes, qui se glorifient d'être leurs enfans? De cette sorte quand ils sont venus, il y avoit déjà plusieurs siècles que leurs principales maximes avoient été publiquement rejetées, et par conséquent les contraires reçues par l'autorité de l'Eglise.

Mais ce qui fait clairement connoître combien elle détestoit ces opinions, c'est que Jean Viclef et Jean Hus les ayant presque toutes ressuscitées, le concile général de Constance et le pape Martin V, et toute l'Eglise renouvela contre eux le juste anathème qu'elle avoit prononcé contre les Vaudois. Et après tant de condamnations, qui seroit si aveugle que de ne voir pas combien de points que nos adversaires ont taxés d'erreur, étoient reçus en l'Eglise

1 Sess. XIII. - 2 P. 57.

romaine comme des articles de foi catholique, dans le temps où le catéchiste confesse qu'on pouvoit y trouver la vie éternelle.

Encore que ces choses soient très-évidentes, je suis contraint de les expliquer au ministre, qui fait semblant de les ignorer. Qu'il lise la session VIII avec la xve du concile universel de Constance, et la bulle du pape Martin V touchant la condamnation des erreurs de Jean Hus et de Jean Viclef, deux de ses prophètes. Là, parmi les propositions censurées, il y trouvera celles-ci entre autres « La substance du pain matériel et semblablement la substance du vin matériel, demeurent dans le sacrement de l'autel. Jésus-Christ n'est pas réellement en ce sacrement en sa propre présence corporelle, » c'est-à-dire par la présence de son corps. « Il n'est pas fondé en l'Evangile, que Jésus-Christ ait institué la messe. Il n'y a aucune apparence qu'il soit nécessaire qu'il y ait un chef qui régisse l'Eglise militante dans les choses spirituelles, et qui vive, et soit conservé toujours avec elle. Il n'est pas de nécessité de salut de croire que l'Eglise romaine soit la première entre toutes les autres ; c'est une erreur, remarque ici le concile, si par l'Eglise romaine il entend l'Eglise universelle, ou le concile général, ou en tant qu'il nieroit la primauté du souverain Pontife sur les autres églises particulières 1. »

En conséquence de ces erreurs ainsi condamnées, le Pape avec le consentement du concile, ordonne que celui qui aura soutenu ces propositions, ou qui sera soupçonné de les croire, soit interrogé en cette manière : « S'il croit qu'au sacrement de l'autel, après la consécration du prêtre sous le voile du pain et du vin, ce n'est pas du pain et du vin matériel, mais le même Jésus-Christ qui a souffert à la croix, et qui est assis à la droite du Père. S'il croit et assure que la consécration étant faite, sous la seule espèce du pain soit la chair de Jésus-Christ, son sang, son ame, sa divinité et enfin Jésus-Christ tout entier. S'il croit que la coutume de communier les laïques sous la seule espèce du pain, observée par l'Eglise universelle et approuvée par le concile de Constance, doit être tellement gardée, qu'il n'est pas permis de la blâmer ou de

1 Propositions de Jean Viclef et de Jean Hus censurées au concile de Constance, sess. VIII et xv.

la changer sans l'autorité de l'Eglise. S'il croit que le chrétien outre la contrition de cœur est obligé, par nécessité de salut, de se confesser aux seuls prêtres quand il le peut, et non à aucun laïque, si dévot qu'il soit. S'il croit que l'apôtre saint Pierre a été vicaire de Jésus-Christ, ayant puissance de lier et délier sur la terre. S'il croit que le Pape élu canoniquement est successeur de saint Pierre, ayant la suprême autorité en l'Eglise de Dieu. S'il croit les indulgences. S'il croit qu'il est permis aux fidèles de vénérer les images et les reliques des saints, et généralement tout ce qui a été défini au concile général de Constance 1. » Telles furent les décisions de ce saint concile; reste maintenant que nous remarquions ce qu'il en résulte à notre avantage.

CHAPITRE III.

Que cette conformité de créance prouve clairement que nous pouvons nous sauver en l'Eglise romaine avec la même facilité que nos ancêtres; et que le ministre, qui nous condamne, ne s'accorde pas avec lui-même.

Ces choses ayant été résolues ainsi que je les ai rapportées, s'il reste quelque sincérité au ministre, il reconnoîtra franchement que ce concile étant reçu comme universel, ses déterminations ont été suivies par toute l'Eglise, et que jamais elles n'ont été révoquées. D'où il s'ensuit très-évidemment que dans le temps duquel nous parlons, et lorsque le concile fut ouvert à Trente, elles étoient en la même vigueur et en la même vénération : et qu'il y avoit un siècle passé que la plupart des points contestés, et encore sans difficulté les plus importans, étoient proposés à tous les fidèles par l'autorité de l'Eglise, en la même manière que nous les croyons et avec une pareille certitude.

D'ailleurs ces interrogations de Martin V, que l'on faisoit en particulier à ceux que l'on soupçonnoit d'hérésie, tenoient lieu d'une profession de foi spéciale que l'on exigeoit d'eux sur tous ces articles tellement qu'il étoit impossible de demeurer en la communion de l'Eglise romaine sans les croire et les professer : d'où il s'ensuit que le concile de Trente n'a rien ordonné sur

1 Bulle de Martin V contre Jean Viclef et Jean Hus, tom. IV, Conc. gen. Edit. Rom.

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