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IL MERITERA D'EN SORTIR SANS AUCUN PÉCHÉ, parce que, ajoute ce grand docteur, comme sa vie n'est pas sans péché, aussi les remèdes pour les nettoyer ne lui manquent pas1. » Doctrine vraiment sainte, vraiment salutaire, qui honore la grace et confesse l'infirmité. Quiconque croit ainsi, avoue ses péchés, et ne laisse pas de connoître que Dieu les efface; lui-même touché de son Saint-Esprit, il les lave par un baptême de larmes pieuses; il ne présume point de ses propres forces; mais il remercie humblement celui dont la vertu ôte de nos ames les taches que nous y faisons par nos volontés déréglées.

De là il s'ensuit manifestement que la grace qui nous justifie lave nos péchés, qu'elle les efface et qu'elle les ôte. Or ce n'est pas la fonction d'un juge de laver et d'ôter les péchés, mais seulement d'absoudre le criminel; de sorte que c'est une pure imagination de croire que la justification du pécheur soit plutôt un acte de juge qui exempte du mal de la peine, qu'une action d'un Créateur infiniment saint, qui efface le mal de la coulpe.

C'est pourquoi le second point de notre créance selon que nous l'avons rapportée, c'est que Dieu nous justifie, non en prononçant, mais en répandant sur nous son Esprit : ce qui montre clairement qu'il nous justifie d'une manière infiniment différente de celle dont on use dans les tribunaux. Aussi les ministres ont été contraints de nier que la justification des pécheurs soit attribuée au Saint-Esprit dans les Ecritures. Erreur grossière et extravagante que Dumoulin enseigne en plusieurs endroits de son Bouclier de la foi3. Mais l'apôtre saint Paul s'y oppose, écrivant ainsi aux Corinthiens : « Vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été JUSTIFIÉS au nom de Notre-Seigneur JÉSUS-CHRIST, et en L'ESPRIT DE NOTRE DIEU*. » Pouvoit-il parler en termes plus clairs? Et encore instruisant son disciple Tite : • Quand, dit-il, la bénignité de notre Sauveur nous est apparue,

1 « Qui misericordiâ Dei adjutus et gratiâ, se ab eis peccatis abstinuerit, quæ etiam crimina vocantur, atque illa peccata sine quibus non hic vivitur, mundare operibus misericordiæ et piis orationibus non neglexerit, merebitur hinc exire sine peccato, quamvis cùm hic viveret, habuerit nonnulla peccata: quia sicut ista non defuerunt, ita etiam remedia quibus purgarentur, affuerunt. » August., Epist. LXXXIX, nunc CLVII, n. 3.- 2 Ci-dessus, chap. IV. - 3 Dumoulin, Bouclier de la foi, sect. 33, 61 et ailleurs.- I Cor., VI, 11.

elle nous a sauvés, non par les œuvres de justice que nous avons faites, mais selon sa miséricorde, par le lavement de régénération et renouvellement du Saint-Esprit, qu'il a répandu sur nous abondamment par Jésus-Christ notre Sauveur. » Je demande à nos adversaires de quoi nous sauve, selon l'Apôtre, le Saint-Esprit répandu sur nous? N'est-ce pas des péchés qui nous opprimoient? Par conséquent il nous justifie, puisqu'il nous sauve de nos péchés. Et de là vient que l'Apôtre poursuit en ces mots : « Afin que justifiés par sa grace, nous soyons héritiers selon la promesse de vie éternelle. » Saint Paul distinguoit-il, comme les ministres, la grace qui nous régénère d'avec celle qui nous justifie? Mais pouvoit-il dire plus expressément que nous sommes justifiés par le Saint-Esprit, et ainsi que la justification du pécheur n'est pas une sentence au dehors, mais une action au dedans? Où sont les yeux de nos adversaires, s'ils ne voient pas encore cette vérité?

CHAPITRE VI.

Que nous sommes justifiés par l'infusion du don de justice qui nous régénère en Notre-Seigneur. Belle doctrine de l'Apôtre très-bien entendue par saint Augustin.

De là naît une autre raison admirable, qui prouve le troisième point de notre créance; c'est-à-dire que la justification du pécheur n'est pas seulement un acte de juge qui prononce et renvoie absous, mais une action de Créateur et de Tout-Puissant qui régénère et qui renouvelle; ce qui renversera par les fondemens la vaine imagination des ministres, qui distinguent mal à propos la grace qui nous régénère d'avec celle qui nous justifie.

C'est ici que nous devons expliquer quelle est cette justice que Dieu fait en nous, quand il nous justifie en Notre-Seigneur : et je ne vois rien de plus excellent pour le faire entendre, que cette belle comparaison de l'Apôtre aux Romains, chap. v, par laquelle ce grand Docteur des Gentils nous montre que Jésus-Christ nous est pour le bien ce qu'Adam nous a été pour le mal.

1 lit., III, 4-6.

Si nous savons bien comprendre cette ressemblance, ou plutôt cette opposition merveilleuse entre le Fils de Dieu et Adam, nous trouverons qu'il n'y a rien de plus achevé. En Adam il y a le péché, en Jésus-Christ la justice parfaite; la rébellion en Adam, l'obéissance en Notre-Seigneur; en Adam la concupiscence, en Jésus la plénitude du Saint-Esprit : en naissant d'Adam par la convoitise, nous contractons un péché véritable qui est actuellement en nos ames; renaissant en Jésus-Christ par l'Esprit de Dieu, nous recevons une véritable justice, qui n'est pas en nous moins réellement; si bien que la génération nous faisant pécheurs, la régénération nous fait justes; et de même qu'il seroit ridicule de vouloir distinguer l'action par laquelle nous sommes faits pécheurs en Adam de celle par laquelle nous naissons de lui, il n'est pas moins éloigné de la vérité de croire que ce n'est pas la même action par laquelle Dieu nous régénère et nous justifie en son Fils: et puisque nous contractons le péché par le malheur de notre première naissance, il faut que la seconde nous en délivre : c'est elle par conséquent qui remet les crimes, c'est elle qui nous justifie en Notre-Seigneur : et ainsi par cette doctrine tout apostolique la vaine distinction des ministres s'en va en fumée.

Aussi l'apôtre saint Paul montre bien que la justification du pécheur n'est pas seulement un acte de juge par lequel Dieu déclare qu'il nous tient pour justes, mais que c'est une action véritable par laquelle Dieu nous fait justes. Car poursuivant toujours son dessein d'opposer le second Adam au premier: « De même, dit-il, que par la désobéissance d'un seul plusieurs ont été constitués pécheurs, aussi par l'obéissance d'un seul plusieurs seront constitués justes '. » Qu'est-ce à dire constitués pécheurs et constitués justes, sinon faits pécheurs et faits justes? Où se tourneront ici les ministres avec leurs raffinemens inutiles? Certes c'est de la justification que l'Apôtre parle ; et il dit manifestement qu'elle nous fait justes. Peut-être répondront-ils qu'elle nous fait justes, non point par une justice qui soit en nous, mais par la justice de Jésus-Christ qui nous est miséricordieusement imputée. 1 Rom., V, 19.

Ce n'est pas ainsi, dit l'Apôtre : « Plusieurs sont constitués justes, comme plusieurs ont été constitués pécheurs. » Maintenant que nos adversaires nous disent si nous ne sommes pas pécheurs en Adam, à cause que naissant de lui, nous contractons un péché véritable par la tache originelle inhérente en nous? Donc c'est s'aveugler volontairement et s'obstiner contre la raison évidente, de ne voir pas que l'apôtre saint Paul veut nous faire entendre en ce lieu, que nous sommes faits justes en Notre-Seigneur, nonseulement parce que sa justice nous est imputée, mais parce que par le Saint-Esprit qui nous est donné nous recevons une véritable justice inhérente réellement en nos ames.

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De là vient que saint Augustin, qui a si bien pénétré le sens de Sentil'Apôtre, enseigne constamment la même doctrine que nous avons saint Auici expliquée. «La première nativité, nous dit-il, tient l'homme gustiu. dans la damnation, et il n'y a que la seconde qui l'en exempte1. >> Et ailleurs : «Par la régénération tous les péchés passés sont remis. » Si par cette régénération tous nos péchés passés sont remis, si c'est elle qui nous exempte de la damnation, il est clair que c'est elle qui nous justifie. Ce grand homme parle toujours de la mème sorte; et il me seroit aisé de produire une infinité de passages. Sans doute il n'a pas été assez clairvoyant pour voir cette distinction raffinée de nos théologiens réformés, entre la grace qui nous régénère et celle qui nous justifie de nos crimes.

C'est pourquoi en son Epitre xxIII il décrit la régénération par ces belles paroles: « L'Esprit opérant intérieurement le bienfait de la grace, déliant le lien de la coulpe, réconciliant le bien de la nature, régénère l'homme en Jésus-Christ 3. » Vous voyez que le mème bienfait de la régénération comprend tout ensemble la rémission des péchés, l'opération de l'Esprit de Dieu, avec l'infusion de la grace. C'est aussi cette infusion de la grace que saint Augustin appelle justification. Car au livre rer des Mérites et de la

« In damnatione hominem prima nativitas tenet, undè nisi secunda non liberat. » August., lib. II, De pecc. orig., cap. XL, n. 45.-2 « Regeneratione spiritûs modò fit ut peccata omnia præterita remittantur. » Id., ibid., cap. xxxix, n. 44. -3 « Spiritus operans intrinsecus beneficium gratiæ, solvens vinculum culpæ, reconcilians bonum naturæ, regenerat hominem. » August., Epist. XXIII, nunc XCVIII, n. 2.

Rémission des péchés, après qu'il a enseigné au chapitre Ix que «Dieu donne aux fidèles une grace très-occulte de son Esprit, qu'il communique même aux petits enfans par une infusion secrète,» il dit au chapitre suivant « que ceux qui croient en Jésus-Christ, sont justifiés en lui à cause de la communication et inspiration secrète de la grace spirituelle. » D'où il s'ensuit, non-seulement qu'il se fait en nous une infusion secrète de grace, mais encore que c'est par elle que la justification s'opère en nos cœurs. C'est ainsi que parloit l'Eglise ancienne; mais la nouveauté des réformateurs a voulu paroître plus éclairée que la sage antiquité chrétienne.

Pour nous, demeurons toujours dans les bornes de la sainte simplicité de nos pères : disons avec eux selon l'Ecriture, que la justification du pécheur n'est pas tant un acte de juge qu'une action de Créateur tout-puissant qui renouvelle l'intérieur : disons que la grace qui nous justifie étant une grace régénérante, elle remet en même temps les péchés et nous enrichit du don de justice disons enfin que cette grace justifiante ôte les péchés en les pardonnant, parce qu'elle les nettoie par le Saint-Esprit qui purge toutes les ordures par sa présence: c'est la foi des saints docteurs de l'antiquité, c'est la créance perpétuelle de toute l'Eglise.

CHAPITRE VII.

Réflexion sur la doctrine précédente; qu'elle relève la gloire de Jésus-Christ, et que nos adversaires la diminuent.

Cette belle, cette céleste doctrine nous est d'autant plus agréable, qu'elle relève merveilleusement la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le prix et l'efficace de sa passion, la force et la vertu de son Esprit-Saint, et la grandeur de sa charité dans la réparation de notre nature. Car au lieu que nos adversaires enseignent que nos péchés ne nous sont pas imputés, c'est-à-dire que Dieu ne les punit pas à cause du mérite de Jésus-Christ, nous disons que nos

«Dat etiam sui Spiritùs occultissimam fidelibus gratiam, quam latenter infundit et parvulis. » Lib. 1, De pecc. merit., cap. 1x, n. 10. — 2 « Legimus in Christo justificari qui credunt in eum, propter occultam communicationem et inspirationem gratiæ spiritualis. » Ibid., cap. x, n. 11.

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