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péchés ne sont plus à cause du mérite de Jésus-Christ. Ils disent que ce mérite est si grand, qu'il suffit pour couvrir nos crimes; nous disons qu'il suffit même pour ôter nos crimes. Ils disent que la justice du Fils de Dieu mérite que les fidèles soient tenus pour justes; nous disons qu'elle leur mérite même d'être justes. Si nous errons en cette créance, notre erreur vient de notre amour; notre faute c'est que nous avons une idée plus haute de la sainte passion de notre Sauveur; mais à Dieu ne plaise que ce soit errer que de glorifier Jésus-Christ!

Que si nos adversaires estiment que nous voulons avoir la justice en nous afin de nous glorifier en nous-mêmes, ils se trompent, ils s'abusent, ils nous calomnient. Ce n'est pas nous glorifier en nous-mêmes que de confesser qu'on nous donne dire que le bienfait est plus grand, ce n'est pas diminuer l'obligation, mais honorer la magnificence. L'Apôtre nous apprend que « la charité a été répandue en nos cœurs1: » c'est en nous sans doute qu'elle est, puisque c'est en nos cœurs qu'elle est répandue. Toutefois à Dieu ne plaise que nous prétendions nous glorifier en nousmêmes d'un don si grand et si précieux, parce que, dit le même Apôtre, «elle est répandue en nous par le Saint-Esprit. » Il en est de même de cette justice que nous appelons inhérente. Elle est à l'homme qui la reçoit; elle est encore plus à Dieu qui la donne. «Cette justice est nôtre, dit saint Augustin, mais elle est appelée dans les Ecritures justice de Dieu et de Jésus-Christ, parce qu'elle nous est donnée par sa largesse.» Ainsi l'homme qui se glorifie se doit glorifier en Notre-Seigneur, puisque n'ayant rien de luimême, toute sa gloire consiste en ce qu'il reçoit, et la gloire de celui qui reçoit se doit toute rapporter à celui qui donne. Est-il rien de plus respectueux ni de plus modeste? Et quelle est la mauvaise foi de nos adversaires! Ils pervertissent les Ecritures, ils méprisent l'antiquité, ils rabaissent la gloire du Sauveur des ames. Nous nous joignons à l'ancienne Eglise pour expliquer par les oracles divins une doctrine toute céleste, et infiniment glorieuse au Fils de Dieu notre Rédempteur ; et ils ne cessent de

1 Rom., V, 5.

« Ideò Dei et Christi dicitur, quòd ejus nobis largitate donatur. » De spirit. et litt., cap. IX, n. 15.

nous reprocher que nous enseignons à nos peuples à se confier en autre qu'en lui, et que nous nous attribuons à nous-mêmes ce que nous ne devons qu'à sa seule grace! Où est l'esprit de la charité dans ces injustes accusations et dans ces calomnies si visibles?

CHAPITRE VIII.

De la justification par la foi.

Après que nous avons expliqué par quel motif Dieu nous justifie, et ce que c'est que la justification du pécheur, il faut considérer maintenant selon que nous avons proposé, par quelle action de nos ames cette grace nous est appliquée. Toute la controverse en cette matière se réduit à mon avis à savoir ce que c'est que la justification par la foi, et de quelle sorte la foi justifie.

Nos adversaires enseignent qu'elle justifie parce que de toutes les choses qui sont en nous, il n'y a que la seule foi qui concoure à notre justification. Mais ils ne peuvent disconvenir que, pour être justifié, il ne soit nécessaire de joindre à la foi et l'eau salutaire de la pénitence, et le feu céleste de la charité, sans laquelle la foi est morte. Et c'est pourquoi le grand cardinal de Richelieu leur montre par des raisons évidentes, que le procès qu'ils nous intentent est fondé sur une chicane inutile 1.

Mais afin qu'ils voient manifestement que nous établissons par les vrais principes la justification par la foi, représentons-leur la doctrine du sacré concile de Trente; et après expliquons celle de saint Paul sous la conduite de saint Augustin, qui a si bien pénétré le sens de l'Apôtre, particulièrement en ce docte livre de l'Esprit et de la Lettre, où il traite excellemment cette question.

Le concile de Trente enseigne que « nous sommes dits justifiés par la foi, parce que la foi est le commencement du salut, le fondement et la racine de toute justification 2. » Il dit qu'elle est le commencement, parce que Dieu voulant nous sauver, nous propose premièrement celui qui nous sauve, c'est-à-dire son Fils

1 Traité pour convertir, etc., liv. III, chap. IV. — 2 « Per fidem justificari dicimus, quia fides est humanæ salutis initium, fundamentum et radix omnis justificationis. » Conc. Trid., sess. VI, cap. VIII.

unique. Elle est encore le fondement, parce qu'elle soutient par sa fermeté ce grand édifice de la justification du pécheur qui n'est appuyé que sur elle. Enfin elle en est aussi la racine, parce qu'elle répand sa vertu partout, et qu'elle est comme le principe et la source de tous les autres dons qui nous justifient. Ainsi toute notre créance est comprise en cette seule proposition qui est tirée de saint Augustin', que nous sommes dits justifiés par la foi, parce que plusieurs choses étant nécessaires pour la justification du pécheur, la foi est posée la première afin de nous impétrer tout le reste. C'est ainsi que nous enseignons très-solidement la justification par la foi.

Mais entrons profondément au sens de l'Apôtre, et pour entendre les véritables raisons pour lesquelles il attribue la justification à la foi, dans la divine Epitre aux Romains et dans le reste de ses écrits, proposons quelques autres textes de ce grand docteur qui nous ouvriront l'intelligence infaillible de ceux que nous avons à traiter.

Certes le même Apôtre qui dit que nous sommes justifiés par la foi, dit aussi que nous sommes sauvés par la foi : « Si tu confesses, dit-il, en ta bouche le Seigneur Jésus, et que tu croies en ton cœur que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé 2. » Est-ce à dire que nous soyons sauvés par la seule foi, sans y comprendre les autres vertus? Si cela étoit de la sorte, que deviendroit la sentence du juge, qui appelant les bien-aimés de son Père, témoigne en des paroles si claires que c'est leur charité qu'il couronne? « Venez, dit-il, parce que j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger 3. » Nous ne sommes donc pas sauvés par la seule foi; nous le sommes encore par la charité.

Davantage le même saint Paul enseigne, écrivant aux Ephésiens, que Jésus-Christ « habite en nous par la foi *. » Ce n'est pas pour exclure la charité, le bien-aimé disciple disant que « celui qui est en charité est en Dieu, et Dieu en lui 5. » Mais voici encore un troisième exemple qui tranchera la difficulté jusqu'au fond. Saint Paul cite en divers endroits ce passage du prophète Ha

1 De Præd. Sanct., cap. vii, n. 12. — 2 Rom., x, 9. — 3 Matth. XXV, 34, 35.Ephes., III, 17. — 5 1 Joan., IV, 16.

Doctrine admira

bacuc: « Le juste vit par la foi 1. » Considérons d'un esprit non préoccupé si le juste vit tellement par la seule foi, qu'il ne vive point par les autres vertus, spécialement par la charité.

Notre-Seigneur Jésus nous assure nettement le contraire. « Si tu veux, dit-il, entrer à la vie, garde les commandemens *; » et lorsque ce docteur de la loi lui récita le précepte de la charité: << Fais ceci, et tu vivras, » lui dit-il. Et le disciple bien-aimé prononce que « celui qui n'aime pas demeure en la mort. » Il est aisé de justifier par les Ecritures que la charité est la vie de l'ame, parce que c'est par elle que nous mourons au péché et vivons à Dieu avec Notre-Seigneur Jésus-Christ.

D'où vient donc que saint Paul détermine que le juste vit de la foi? C'est à cause que la foi nous montre la vie en Jésus-Christ, en sa mort, en son Evangile, en ses paroles vivifiantes. Ainsi la foi est le principe de vie, elle est elle-même la vie commencée; et de plus elle est le germe divin par lequel nous croissons à la vie parfaite en Notre-Seigneur Jésus-Christ. De là vient que l'apôtre saint Paul attribue la vie à la foi.

Nous disons que c'est pour la même raison qu'il lui attribue aussi le salut, parce qu'elle en est le principe et c'est encore pour la même cause qu'il enseigne que la foi justifie, parce qu'elle est le commencement de notre justice, et qu'elle est la source des autres dons par lesquels elle est achevée.

Toutefois il y a quelque chose de plus relevé dans la doctrine ble de du saint Apôtre; et quand nous l'aurons pénétré, nous entendrons l'Apôtre. les raisons solides pour lesquelles définissant la justice chrétienne en la savante Epitre aux Romains, il l'appelle « la justice qui est par la foi. »

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Deux Il faut savoir qu'en cette Epitre admirable saint Paul distingue justice. deux sortes de justice: l'une est la justice qui est par la loi, qui est celle dont les Juifs se glorifioient et que l'Apôtre entreprend de combattre; l'autre, c'est la justice qui est par la foi, qui est la vraie justice chrétienne que l'Apôtre veut établir, et qu'il oppose à la fausse justice des Juifs.

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Mais d'où vient, direz-vous, que saint Paul la qualifie justice La foi de la foi? En voici la véritable raison. On définit les choses par différen leurs propres différences; or il est sans doute que c'est la foi qui met la véritable différence entre cette justice judaïque contre la quelle l'Apôtre dispute, et la justice chrétienne qu'il établit. Faisons voir clairement cette différence par les principes du Docteur des Gentils.

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loi, c'est

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Il définit doctement la justice qui vient de la loi par ce texte du Lévitique « Qui fera ces choses, vivra par elles 1. Moïse a écrit, dit l'Apôtre, de la justice qui est par la loi, que qui la fera celle qui vivra par elle. » Ces paroles nous font entendre en quoi consiste de que précisément la justice qui est par la loi. Car elles montrent manifestement que le propre de la loi étant de commander, celui qui veut être juste selon la loi ne regarde qu'à l'action commandée; il ne songe simplement qu'à faire et à vivre.

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Deux

raisons

de l'Apo

con

justice.

son.

Encore que cette justice soit spécieuse, l'Apôtre la combat par plusieurs raisons, par lesquelles il prouve invinciblement que si elle a quelque gloire devant les hommes, elle n'est point reçue tre cette devant Dieu. Premièrement ce n'est pas assez de regarder ce qu'il faut faire, re raisi on ne considère ce qu'il faut purger. Car tous les hommes généralement sont pécheurs. C'est donc une fausse justice, si nous contemplons seulement les vertus qu'il faut acquérir, et que nous laissions sans remède les péchés qu'il faut nettoyer. Que si pour être juste véritablement, il faut penser avant toutes choses à purger les crimes, l'intervention de la foi y est nécessaire; d'autant que la loi ne les ôte pas, mais plutôt, dit l'Apôtre, elle les condamne. Ainsi tant qu'on est sous la loi, on est dans la damnation selon sa doctrine. Par conséquent il faut que la foi nous montre Jésus-Christ le grand Propitiateur qui expie les péchés par son sang.

C'est la première raison de l'Apôtre contre la fausse justice des Juifs qui espéroient seulement aux œuvres; et cet excellent docteur l'explique en ces mots : « Tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu, étant justifiés gratuitement par sa grace, par la 1 Levit., XVIII, 5.

TOM. XIII.

- 2 Rom., X, 5.

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