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créature ne pourra nous séparer de la charité de Dieu qui est en Jésus-Christ Notre-Seigneur 1. » Ce qui montre que l'attrait de la convoitise n'empêche pas que l'ame fidèle ne s'attache si étroitement au souverain bien, qu'elle méprise pour l'amour de lui tout ce qui flatte, tout ce qui menace, tout ce qui tourmente.

De là suit par une conséquence infaillible, l'accomplissement de la loi. Car le Sauveur a dit dans son Evangile : « Celui qui m'aime gardera mes commandemens'; » et l'apôtre saint Paul nous enseigne que « la charité est l'accomplissement de la loi, et que celui qui aime accomplit la loi 3. » Or nous savons que « la charité a été répandue en nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous est donné *; » et elle peut croître à une telle force, qu'elle nous fera prodiguer de bon cœur nos vies pour le salut éternel de nos frères, selon ce que dit l'apôtre saint Paul : « Nous étions prêts de vous donner, non-seulement l'Evangile, mais encore nos propres ames, parce que vous nous étiez devenus très-chers; » ce que le Fils de Dieu appelle lui-même la perfection de la charité".

N'entreprenons donc pas de rabaisser l'homme en diminuant la grace de Dieu. Ecoutons la promesse qu'il fait aux héritiers du Nouveau-Testament: J'écrirai, dit-il, ma loi en leurs cœurs". Qu'est-ce qu'écrire la loi dans nos cœurs, sinon faire que nous aimions la justice qui éclate si magnifiquement en la loi; et que nous l'aimions d'une affection si puissante, que malgré tous les obstacles du monde elle soit la règle de notre vie? Car notre Dieu n'imprime point en nos cœurs une affection inutile, mais une affection agissante. Et ce qu'il grave au fond de nos ames, il le grave d'une manière très-efficace. C'est pourquoi, comme il y grave sa loi, l'apôtre saint Paul nous enseigne que « la justification de la loi est accomplie en nous par la grace de Notre-Seigneur Jésus-Christ. » Ainsi nos adversaires, qui nient que les justes puissent accomplir la loi, n'entendent pas assez l'énergie des promesses de la nouvelle alliance.

Saint Augustin l'a bien entendue, quand il assure en une infinité de lieux que << la volonté guérie accomplit la loi, » et « que la grace

1 Rom., VIII, 35, 38, 39.-2 Joan., XIV, 23. - 3 Rom., XIII, 10. — Rom., V, 5. - 51 Thess., II, 8. 6 Joan., XV, 13. — 7 Jerem., XXXI, 33. — 8 Rom., VIII, 4.

nous est donnée, afin que nous la puissions accomplir 1 : » et c'est par là que ce grand docteur a relevé l'efficace du secours divin. Peut-être que les ministres diront que nous n'accomplissons pas la loi si exactement, qu'il ne se mêle de grands défauts en nos mœurs. A cela nous leur répondons que si c'est là tout ce qu'ils désirent de nous, nous ne disputons point avec eux. Proposons ce que l'Eglise catholique enseigne.

CHAPITRE XI.

Continuation de la même matière, où il est traité de l'imperfection de notre justice à cause du combat de la convoitise.

Nous pouvons considérer trois choses dans l'homme: premièrement, le règne de la convoitise, tel que nous le voyons dans les grands pécheurs, qui éteint toute la charité, et c'est l'injustice consommée; secondement, le règne parfait de la charité, tel que nous le croyons dans les bienheureux, qui consume toute la convoitise, et c'est la justice parfaite; et enfin le règne de la charité, tel qu'il est en ce pèlerinage mortel, où encore que la convoitise soit surmontée, elle n'est pas entièrement abolie. Ce règne de la charité fait en nous une véritable justice; ce mélange de la convoitise empêche qu'elle ne soit justice parfaite.

Il résulte clairement de cette doctrine qu'en ce lieu de misère et d'infirmité, où la chair convoite contre l'esprit, il n'y a aucun homme exempt de péché. Car si la convoitise domine, il s'ensuit que la charité est vaincue, et l'homme est précipité aux péchés damnables; et encore que la charité soit victorieuse, toutefois la convoitise résiste; et dans une si âpre mêlée et une résistance si opiniâtre, où nous avons à nous combattre nous-mêmes, il arrive infailliblement que l'esprit, qui surmonte par la charité, reçoit quelques blessures par la convoitise. C'est pourquoi nous avons besoin toute notre vie de recourir au baptême de larmes, et au remède salutaire de la pénitence.

1 « Voluntas nostra ostenditur infirma per legem, ut sanet gratia voluntatem, et voluntas sancta impleat legem. » August., De spir. et litt., cap. IX, n. 15. «Per quam (gratiam) solam quod lex jubet possit implere. » Ibid., cap. x, n. 16.

Deux

sortes de

uns ne

sent pas

de la

charité,

Cette vérité catholique met une différence notable entre les pépéchés chés. Car il y a en nous des péchés qui établissent la domination dont les de la convoitise, et ce sont ceux que l'Eglise appelle mortels, détrui- parce qu'ils éteignent la charité. Il y en a d'autres qui naissent en le règne nous à cause du combat de la convoitise, et qui n'empêchent pas que la charité ne triomphe en nous; ce sont ceux que nous appeles autres lons véniels. C'est à cause de ces péchés que ceux-là mêmes dans versent. lesquels la charité règne, qui peuvent dire avec l'apôtre saint Paul: « Qui me séparera de la charité de Jésus-Christ? » doivent dire aussi tous les jours à Dieu : « Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons à ceux qui nous doivent. » Je ne pense pas que nos adversaires osent s'opposer à cette doctrine, s'ils veulent prendre la peine de la bien comprendre.

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De là vient que nous confessons humblement que c'est une partie de notre justice de reconnoître que nous sommes pécheurs, et que celui-là est le plus avancé dans la justice de cette vie qui remarque « en profitant tous les jours, combien il est éloigné de la perfection de la justice 1. »

Ce n'est pas qu'il ne faille avouer qu'il y a quelque perfection ici-bas selon la mesure de cet exil. Car Jésus-Christ n'a pas dit en vain: « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ; » et saint Paul: « Nous prêchons la sagesse entre les parfaits 3. » Il y a donc quelque sorte de perfection même en ce pèlerinage mortel, parce qu'encore que l'homme juste n'arrive pas à la charité achevée, il n'obéit à aucune convoitise: et encore qu'il ne possède pas entièrement le souverain bien, néanmoins il ne se plaît en aucun mal, gémissant avec l'Apôtre, et disant : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort?» « Ainsi nous pouvons, dit saint Augustin, nous déplaire dans les ténèbres, encore que nous ne puissions pas arrêter nos vues sur une lumière très-éclatante ". >>

C'est la perfection qui nous est promise par la grace de la nou

1 << Multum in hâc vitâ ille profecit, qui quàm longè sit à perfectione justitiæ, proficiendo cognovit. » August., De spir. et litt., cap. XXXVI, n. 64.— a Matth., V, 48.3 I Cor., II, 6. — Rom., VII, 24. — 5 « Potest oculus nullis tenebris delectari, quamvis non possit in fulgentissimà luce defigi. » August., De spir. et litt., cap. XXXVI, n. 65.

velle alliance. Moïse dit au Deutéronome: « Le Seigneur Dieu circoncira ton cœur, et le cœur de ta postérité après toi, afin que tu aimes le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton ame1.» Nous voyons dans ce beau passage la convoitise vaincue par la circoncision de nos cœurs, et la sainte charité régnante par l'attachement au souverain bien.

raison de

tice avec

celle

Que si nos adversaires objectent que les oppositions de la con- Compavoitise diminuent les transports de la charité, nous y consenti- notre jusrons volontiers; et toutefois nous ne craindrons pas d'assurer avec l'admirable saint Augustin, que la grace du Saint-Esprit abonde d'Adam. tellement en l'ame des justes, que leur charité, quoique combattue, a quelque chose de plus vigoureux qu'elle n'avoit en Adam notre premier père, lorsqu'elle y jouissoit d'une pleine paix. Car Adam n'avoit rien à combattre dans une si grande félicité, dans une telle facilité de ne pécher pas. « Maintenant, dit saint Augustin, il faut une liberté plus grande contre tant de tentations qui n'étoient pas dans le paradis, afin que ce monde soit surmonté avec toutes ses erreurs, toutes ses terreurs et les attraits de ses fausses amours. » D'où vient cette liberté plus grande, sinon d'une charité plus puissante, que la grace de Jésus-Christ inspire à ses saints? En effet est-il pas nécessaire que cette charité soit plus forte et plus fortement attachée à Dieu, puisqu'ayant à se roidir contre tant d'obstacles, malgré tant d'ennemis dedans et dehors, elle ne laisse pas de dire de tout son cœur : « Jésus-Christ est ma vie ; » et « Je vis non plus moi, mais Jésus-Christ en moi ? » Aussi saint Augustin nous enseigne que Dieu mettant Adam dans le paradis, voyoit bien qu'il devoit tomber; «< mais en même temps il voyoit, dit-il, que par sa postérité aidée de la grace, le diable seroit surmonté avec une plus grande gloire des saints. » Ainsi quoi que la convoitise entreprenne pour détruire la justice des enfans de Dieu, elle demeure victorieuse par la cha1 Deut., XXX, 6. 2 « Major quippe libertas necessaria est adversùs tot et tantas tentationes quæ in paradiso non fuerunt,... ut cum omnibus amoribus, terroribus, erroribus suis vincatur hic mundus, » etc. De corrept. et grat., cap. XII, n. 35. Philip., 1, 21.- Galat., II, 20. — 5 « Nullo modo quod vinceretur incertus; sed nihilominùs præscius quòd ab ejus semine adjuto suâ gratiâ idem ipse diabolus fuerat sanctorum gloria majore vincendus. »> De Civit. Dei, lib. XIV,cap. XXVII.

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rité, qui est la véritable justice, comme l'appelle saint Augustin; et la grace les remplit tellement, que nous voyons tout ensemble en l'homme fidèle plus de force, plus d'infirmité, plus de gloire, plus de bassesse. Qui pourroit opérer un si grand miracle, sinon celui qui dit à saint Paul, qui se plaignoit de se voir assailli d'une tentation violente: « Ma grace te suffit, car ma puissance se parfait dans l'infirmité 1? »

Concluons donc enfin cette question, et confessons que la doctrine catholique triomphe de tous les reproches de ses adversaires. Car s'ils nient la vérité de notre justice, et l'accomplissement de la loi à la manière que nous avons exposée, ils contredisent à l'Ecriture et outragent l'esprit de la grace. Que s'ils combattent l'accomplissement de la loi pour montrer qu'il n'est jamais si exact qu'il évite toute sorte de répréhension, ils ne touchent point à notre créance, puisque l'Eglise catholique confesse avec le plus grand de tous ses docteurs que « Dieu justifie tellement ses saints, qu'il ne laisse pas d'y avoir toujours quelque chose qu'il accorde libéralement à la prière, et qu'il pardonne miséricordieusement à la pénitence 2. »

CHAPITRE XII.

Du mérite des bonnes œuvres. Sentimens de l'ancienne Eglise.

Des trois questions importantes sur lesquelles je m'étois proposé d'expliquer les sentimens de l'Eglise, les deux premières ont été traitées, et par la miséricorde divine la gloire de JésusChrist a paru dans le commencement et dans le progrès de la vie nouvelle du chrétien. Maintenant il faut montrer à nos adversaires que la doctrine que nous professons touchant notre couronnement dans la vie future n'est pas moins glorieuse au Sauveur des ames, afin que tout le monde connoisse que l'Eglise catholique n'a rien plus à cœur que de faire éclater par toute la terre l'honneur du Fils de Dieu son Epoux.

1 II Cor., XII, 9.2 « Sic operatur (Deus) justificationem in sanctis suis,... ut tamen sit et quod petentibus largiter adjiciat, et quod confitentibus clementer ignoscat. » August., De spir. et litt., cap. XXXVI, n. 65.

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