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de Dieu, de la communion duquel il n'est jamais permis de se séparer.

Il est écrit aussi que du temps de Manassès, Dieu parla par la bouche de tous ses prophètes, et menaçoit ce roi impie et tout le peuple1. Mais ces prophètes qui reprenoient et détestoient les impiétés de ce peuple, ne se séparoient pas de la communion.

Et pour voir la chose à fond, il faut, disois-je, considérer la constitution de l'ancien peuple. Il avoit cela de propre qu'il se

multiplioit par la génération charnelle, et que c'étoit par là que

s'en faisoit la succession aussi bien que celle du sacerdoce; que ce peuple portoit en sa chair la marque de l'alliance, c'est-à-dire la circoncision, que nous ne lisons point avoir jamais été discontinuée, et qu'ainsi quand les pontifes et presque tout le peuple auroient prévariqué, l'état du peuple de Dieu subsistoit toujours dans sa forme extérieure, bon gré malgré qu'ils en eussent. Il ne pouvoit non plus arriver aucune interruption dans le sacerdoce que Dieu avoit attaché à la famille d'Aaron. Mais il n'en est pas de même dans le nouveau peuple, dont la forme extérieure ne consistoit en autre chose qu'en la profession de la doctrine de Jésus-Christ de sorte que si la confession de la vraie foi étoit éteinte un seul moment, l'Eglise qui n'avoit de succession que par la continuation de cette profession, seroit tout à fait éteinte, sans pouvoir jamais ressusciter dans son peuple, ou dans ses pasteurs que par une nouvelle mission.

J'ajoutai au reste que je ne voulois pas dire que la vraie foi et le vrai culte de Dieu pùt être tout à fait aboli dans le peuple d'Israël, en sorte que Dieu n'eût plus de vrais serviteurs sur la terre. Mais je trouvois au contraire, premièrement, qu'il étoit clair que, malgré la corruption, Dieu se réservoit toujours un assez grand nombre de serviteurs qui ne participoient pas à l'idolâtrie. Car si cela étoit en Israël schismatique et séparé du peuple de Dieu, comme Dieu même le déclare à Elie : à plus forte raison en Juda, que Dieu s'étoit réservé pour perpétuer son peuple et son royaume jusqu'au temps du Messie. Lors donc qu'il étoit écrit que le roi et tout le peuple avoient abandonné la loi de Dieu, il 1 IV Reg., XXI, 10.

falloit entendre, non tout le peuple sans exception, mais une grande partie, et si l'on veut la plus grande partie du peuple; ce que les ministres ne nioient pas. 2° Qu'il ne falloit pas s'imaginer que les serviteurs de Dieu et la vraie foi se conservassent seulement en secret; mais que dans toute la succession de l'ancien peuple, la vraie doctrine avoit toujours éclaté. Car il y a eu une continuelle succession de prophètes, qui loin d'adhérer aux erreurs du peuple ou de les dissimuler, s'élevoit contre avec force; et cette succession étoit si continuelle, que le Saint-Esprit ne craint point de dire « que Dieu se relevoit de nuit et dès le matin, et avertissoit tous les jours son peuple par la bouche de ses prophètes1» expression la plus puissante qui se puisse imaginer pour faire voir que la vraie foi n'a jamais été un seul moment sans publication, ni le peuple sans avertissement. Qu'ainsi ne soit, nous venons de voir que dans tout le règne d'Achaz, Isaïe n'avoit cessé de prophétiser et sous Manassès, où il semble que l'abomination fùt montée au comble, puisque ni la pénitence de ce roi, ni la sainteté de Josias son petit-fils ne purent faire rétracter la sentence donnée contre ce peuple, Dieu se souvenant toujours des abominations de Manassès: dans ce temps, dis-je, nous avons vu que Dieu faisoit parler ses prophètes; et qu'une grande partie du peuple les ait suivis publiquement, il paroît en ce que ce prince impie « fit regorger Jérusalem de sang innocent',» marque certaine qu'il trouva une grande résistance à ses idolâtries. On tient même qu'il fit mourir Isaïe, comme ses prédécesseurs avoient fait mourir les autres prophètes qui les reprenoient; et cette histoire s'est conservée dans l'ancienne tradition conforme à la parole de Notre-Seigneur, qui reproche aux Juifs « d'avoir fait mourir les prophètes3, » et au discours de saint Etienne qui dit, « qu'il n'y a aucun prophète qu'ils n'aient persécuté*. »

Ces prophètes faisoient partie du peuple de Dieu; ces prophètes retenoient dans le devoir une partie considérable et des prêtres et du peuple même; ces prophètes, qui confirmoient leur mission

1 II Paralip., XXXVI, 15; Jerem., XI, 7; xxv, 3, 4. 3 Matth., XXIII, 31, 37. — ↳ Act., vII, 52.

2 IV Reg., XXI, 16.

par des miracles visibles, empêchoient que la corruption ne gagnât tout; et pendant qu'une effroyable multitude, et peut-être le gros de la Synagogue étoit entraîné dans l'idolâtrie, ils conservoient la tradition de la vérité dans le peuple d'Israël.

Ezéchiel, qui parut, un peu après, nous le fait voir lorsqu'il parle « des prêtres et des lévites, enfans de Sadoc, qui dans le temps de l'égarement des enfans d'Israël ont toujours observé les cérémonies du sanctuaire'. Ceux-là, poursuit-il, me serviront, et paroîtront devant moi pour m'offrir des victimes, dit le Seigneur. » La succession, non-seulement celle de la chair, mais encore celle de la foi et du ministère, s'étoit conservée dans ces prêtres et dans ces lévites, que la grace de Dieu et la prédication des prophètes avoient retenus dans le service.

Et il faut remarquer que Dieu n'a jamais fait plus éclater ce ministère des prophètes, que lorsque l'impiété sembloit avoir pris le dessus; en sorte que dans le temps où le moyen ordinaire d'instruire le peuple étoit non pas détruit, mais obscurci, Dieu préparoit les moyens extraordinaires et miraculeux.

A cela on peut ajouter que ce moyen extraordinaire, c'est-àdire le ministère prophétique, avant la captivité, étoit comme ordinaire au peuple de Dieu, où les prophètes faisoient comme un ordre toujours subsistant, d'où Dieu tiroit continuellement des hommes divins, par la bouche desquels il parloit lui-même hautement et publiquement à tout son peuple.

Depuis le retour de la captivité jusqu'à Jésus-Christ, il n'y eut plus d'idolâtrie publique et durable. On sait ce qui arriva sous Antiochus l'Illustre; mais on sait aussi le zèle de Mathathias, et le grand nombre de vrais fidèles qui se joignit à sa maison, et les victoires éclatantes de Judas le Machabée et de ses frères : sous eux et leurs successeurs, la profession de la vraie foi dura jusqu'à Jésus-Christ. A la fin les pharisiens introduisoient dans la religion et dans leur culte beaucoup de superstitions. Comme la corruption alloit prévaloir, Jésus-Christ parut au monde.

Jusqu'à lui la religion s'étoit conservée. Les docteurs de la loi avoient beaucoup de maximes et de pratiques pernicieuses, qui 1 Ezech., XLIV, 15.

gagnoient et s'établissoient peu à peu elles devenoient communes, mais, elles n'étoient pas passées en dogmes de la Synagogue. C'est pourquoi Jésus-Christ disoit encore : « Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse; faites donc tout ce qu'ils vous disent, mais ne faites pas selon leurs œuvres 1. » Il ne cessa d'honorer le ministère des prêtres : il leur renvoya les lépreux selon les termes de la loi : il fréquenta le temple; et en reprenant les abus, il demeura toujours attaché à la communion du peuple de Dieu, et à l'ordre du ministère public.

On en vint enfin au point de la chute et de la réprobation de l'ancien peuple marquée par les Ecritures et par les prophètes, lorsque la synagogue condamna Jésus-Christ et sa doctrine. Mais alors Jésus-Christ avoit paru; il avoit commencé dans le sein de la Synagogue à assembler son Eglise, qui devoit subsister éternellement.

Il est donc constant, premièrement qu'il y a toujours eu un corps visible du peuple de Dieu, continué par une succession non interrompue, de la communion duquel il n'a jamais été permis de se séparer; 2°, toujours une succession de pontifes et de prêtres descendus d'Aaron, et de lévites sortis de Lévi, sans que jamais on ait eu besoin que Dieu suscitât des gens d'une façon extraordinaire; 3o, il n'est pas moins constant que la vraie foi a toujours été publiquement déclarée, sans qu'on puisse alléguer un seul moment où la profession n'en ait été aussi claire que la lumière du soleil chose qui fait voir combien on se trompe quand on croit que pour maintenir l'état extérieur de l'Eglise, il suffit de pouvoir nommer de temps en temps de prétendus docteurs de la vérité. Car s'il y a quelque temps où la profession de la foi ait cessé dans l'Eglise, son état est pire que celui de la Synagogue, d'autant plus que dès là elle perd la succession, ainsi que je viens de dire.

Après que j'eus dit ces choses, on employa quelque temps à les repasser; et cependant madame la comtesse de Roye vint dire que M. Claude consentoit à la Conférence qui seroit, si je l'agréois, chez elle sur les trois heures.

1 Matth, XXIII, 23.

II. La conférence.

Je fus au rendez-vous, où je rencontrai M. Claude. On commença par des honnêtetés réciproques, et il témoigna de sa part un grand respect. Après cela j'entrai en matière, en demandant l'explication des quatre actes transcrits dans mon livre, et mentionnés ci-dessus.

Après que j'eus expliqué la difficulté en peu de mots, telle qu'elle est proposée dans l'Exposition, et que je l'avois répétée à mademoiselle de Duras, j'ajoutai que M. Claude devoit être d'autant plus prêt à y répondre, que je ne lui disois rien de nouveau, puisqu'apparemment le Traité de l'Exposition étoit tombé entre ses mains; et que c'étoit une grande satisfaction, que dans un entretien de la nature de celui-ci, on pût s'assurer qu'il n'y auroit point de surprise.

M. Claude prit la parole, et après avoir réitéré toutes les honnêtetés qu'il avoit faites, en termes encore plus civils, il déclara d'abord que tout ce que j'avois objecté de leur discipline et de leurs synodes dans mon Traité, et encore à présent, étoit rapporté de très-bonne foi, sans rien altérer dans les paroles mais que pour le sens il me prioit de trouver bon qu'il me dît qu'encore qu'il y eût, ainsi que je l'avois remarqué, comme divers degrés de juridiction établis dans leur discipline, la force de la décision devoit être rapportée partout à la seule parole de Dieu. Quant à ce que j'objectois, que la parole de Dieu avoit été proposée dans le consistoire, dont on pouvoit appeler; d'où il s'ensuivoit, avois-je inféré, que la décision dernière, dont il n'y a plus d'appel, appartenoit à la parole de Dieu, non prise en ellemême, mais en tant que déclarée par le dernier jugement de l'Eglise ce n'étoit pas là leur pensée; car ils tenoient que la décision étoit attachée tout entière à la pure parole de Dieu, dont l'Eglise dans ses assemblées premières et dernières ne faisoit que l'indication mais que ces divers degrés avoient été établis pour donner le loisir à ceux qui erroient, de se reconnoître. C'est pourquoi on ne procédoit pas d'abord par excommunication, le consistoire espérant qu'une plus grande assemblée, telle que seroit

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