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sans la lire ne laissoient pas d'être de parfaits chrétiens1. Il s'agit donc entre nous, en général, de tous ceux qui n'ont pas lu l'Ecriture sainte, en quelque âge qu'ils soient, et de quelque manière qu'il soit arrivé qu'ils n'auront pas fait cette lecture. Car c'est de ceux-là et, si l'on veut, c'est de ceux dont parle saint Irénée ou de leurs semblables, que je demande sur la foi de qui ils croient l'Ecriture, et se préparent à la lire comme étant inspirée de Dieu. S'ils n'ont qu'une foi humaine, comme le dit M. Claude, ils ne sont pas chrétiens; et s'ils ont une foi divine, comme il le faut avouer à moins que de tomber dans une absurdité qui fait horreur, il est donc vrai que la foi divine, sans qu'on ait lu l'Ecriture, suit immédiatement la doctrine de l'Eglise, et en établit l'infaillible autorité. C'est sur cette autorité que tout chrétien qui prend en main l'Ecriture, commence par croire d'une ferme foi que tout ce qu'il y va lire est divin: et il n'attend pas qu'il ait tout lu pour croire la vérité de cette Ecriture; il croit le premier chapitre avant que d'avoir lu le second, et il croit le tout avant que d'avoir vu la première lettre, et que d'avoir seulement ouvert le livre. Il ne forme donc pas sa foi par la lecture de l'Ecriture: cette lecture trouve la foi déjà formée; cette lecture ne fait que confirmer à un chrétien tout ce qu'il croyoit déjà, et tout ce qu'il avoit déjà trouvé dans la créance de l'Eglise. Il a donc cru avant toutes choses que l'Eglise ne le trompoit pas, et c'est par là qu'il a commencé à faire des actes de chrétien. Les enfans ne sont pas instruits par une autre voie. Quand ils écoutent leurs parens, c'est l'Eglise qu'ils écoutent, puisque nos parens ne sont nos premiers docteurs que comme enfans de l'Eglise. C'est pour cela que le Saint-Esprit nous renvoie à eux : « Interrogez votre père, et il vous l'annoncera; demandez à vos ancêtres, et ils vous le diront. » Saint Basile, un si grand théologien, se justifie et tout ensemble il confond les hérétiques, en leur alléguant la foi de sa mère et de son aïeule sainte Macrine ; et il imite saint Paul, qui loue Timothée d'avoir «une foi sincère, telle qu'elle s'étoit trouvée, premièrement dans sa mère Eunice et dans Loïde son aïeule '. »

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C'est-à-dire que la doctrine doit toujours venir de main en main, et qu'il y aura toujours une vraie Eglise, à laquelle jamais personne ne pourra montrer son commencement, ni trouver dans son état ces marques d'interruption et de nouveauté que toutes les autres sectes portent sur leur front. Les parens chrétiens attachés à cette Eglise, y attachent leurs enfans, et les mettent aux pieds de ses ministres pour y être instruits.

Il ne faut pas s'imaginer que les enfans en qui la raison commence à paroître, pour ne savoir pas arranger leurs raisonnemens, soient incapables de ressentir l'impression de la vérité. On les voit apprendre à parler dans un àge plus infirme encore de quelle sorte ils l'apprennent, par où ils font le discernement entre le nom et le verbe, le substantif et l'adjectif, ni ils ne le savent, ni nous, qui avons appris par cette méthode, ne le pouvons bien expliquer; tant elle est profonde et cachée. Nous apprenons à peu près de même le langage de l'Eglise. Une secrète lumière nous conduit dans un état comme dans l'autre; là c'est la raison, et ici la foi. La raison se développe peu à peu, et la foi infuse par le baptême en fait de même. Il faut des motifs pour nous attacher à l'autorité de l'Eglise; Dieu les sait, et nous les savons en général : de quelle sorte il les arrange, et comment il les fait sentir à ces ames innocentes, c'est le secret de son Saint-Esprit. Tant y a que cela se fait, et il est certain que c'est par là qu'il commence. Comme c'est là le premier acte de chrétien que nous faisons, et que c'est sur ce fondement que tout est bàti, c'est aussi ce qui subsiste toujours. Viendra le temps que nous saurons plus distinctement pourquoi nous croyons; et l'autorité de l'Eglise de jour en jour deviendra plus ferme dans notre esprit. L'Ecriture même fortifiera les liens qui nous y attachent: mais il en faudra toujours revenir à l'origine, c'est-à-dire à croire sur l'autorité de l'Eglise. En quelque âge que l'on soit, c'est par là que l'on commence à croire l'Ecriture: on continue aussi sur le même fondement; et saint Augustin étoit déjà consommé dans la science ecclésiastique, quand il a dit « qu'il ne croiroit pas à l'Evangile, si l'autorité de l'Eglise catholique ne l'y obligeoit 1. » Je pourrois 1 Cont. Ep. fundam. Man., n. 6.

s'il en étoit question, montrer le même sentiment dans les autres Pères. C'est qu'il faut toujours remonter au premier principe, et c'est ce premier principe qui nous attache à l'Eglise. Qu'on ne nous reproche point ce cercle vicieux: l'Eglise nous fait croire l'Ecriture, l'Ecriture nous fait croire l'Eglise. Cela est vrai de part et d'autre à divers égards. L'Eglise et l'Ecriture sont tellement faites l'une pour l'autre, et s'assortissent l'une avec l'autre si parfaitement, qu'elles s'entre-soutiennent comme les pierres d'une voûte et d'un édifice se tiennent mutuellement en état. Tout est plein dans la nature de pareils exemples. Je porte le bâton sur lequel je m'appuie : les chairs lient et couvrent les os qui les soutiennent; et tout s'aide mutuellement dans l'univers. Il en est ainsi de l'Eglise et de l'Ecriture. Il n'y avoit qu'une Eglise, telle que Jésus-Christ l'a fondée, à qui on pût adresser une Ecriture telle que nous l'avons; c'est-à-dire qui osât promettre à l'Eglise où cette Ecriture avoit été faite, une éternelle durée. Si quelqu'un reçoit l'Ecriture, par l'Ecriture je lui prouverai l'Eglise ; qu'il reconnoisse l'Eglise, par l'Eglise je lui prouverai l'Ecriture: mais comme il faut commencer de quelque côté, j'ai fait voir assez clairement par l'aveu de M. Claude, que si on ne commence par l'Eglise, la divinité de l'Ecriture et la foi qu'on y doit avoir est en péril. C'est pourquoi le Saint-Esprit commence notre instruction par nous attacher à l'Eglise : « Je crois l'Eglise catholique. » Parmi nos adversaires il faut tout examiner avant que de croire; et il faut examiner avant toutes choses l'Ecriture, par laquelle on examine tout le reste. Ce n'est pas assez d'en avoir lu quelques versets détachés, quelques chapitres, quelques livres : jusqu'à ce qu'on ait tout lu, tout conféré, tout examiné, la foi demeure en suspens, puisque c'est par cet examen qu'elle se forme. Parmi les vrais chrétiens on croit d'abord : « Ta foi t'a sauvé, » dit Jésus-Christ. «Ta foi, » remarque Tertullien dans ce divin ouvrage des Prescriptions, a et non pas d'être exercé dans les Ecritures1. » Il n'est pas besoin de passer par des opinions, par des doutes, par les incertitudes d'une foi humaine. «Je n'ai jamais changé, dit saint Basile: ce que j'ai cru dès l'enfance n'a fait que se fortifier dans la 1 Tertull., De Præs., n. 14.

suite de l'âge. Sans passer d'un sentiment à un autre, je n'ai fait que perfectionner ce qui m'a été donné d'abord par mes parens. Comme un grain qu'on sème de petit qu'il étoit devient grand, mais demeure toujours le même en soi, et sans changer de nature, il ne fait que prendre de l'accroissement ainsi ma foi s'est accrue ... et cela n'est pas un changement où l'on passe de ce qui est pis au meilleur, mais un accomplissement de l'ouvrage déjà commencé, et la confirmation de la foi par la connoissance 1.» De cette sorte on ne passe pas, comme parmi nos réformés, d'un état de doute à un état de certitude; ou, comme M. Claude aime mieux le dire, d'une foi humaine à une foi divine. La foi divine se déclare d'abord dès les premières instructions de l'Eglise; et cela ne seroit jamais, n'étoit que son infaillible autorité prévient tous nos doutes et tout examen.

C'est ainsi, comme dit saint Augustin, c'est ainsi, dis-je, que croient «< ceux qui, ne pouvant parvenir à l'intelligence, mettent leur salut en sûreté par la simplicité de leur foi. » S'il falloit toujours examiner avant que de croire, il faudroit commencer par examiner si Dieu est, et écouter durant quelque temps avec une espèce de suspension d'esprit, les raisonnemens des impies, c'est-à-dire qu'il faudroit passer à la croyance de la Divinité par l'athéisme, puisque l'examen et le doute en est une espèce. Mais non: Dieu a mis sa marque dans le monde, qui est l'œuvre de ses mains, et par cette marque divine il imprime avant tous les doutes le sentiment de la Divinité dans les ames. De même il a mis sa marque dans son Eglise, ouvrage le plus parfait de sa sagesse. A cette marque le Saint-Esprit fait reconnoître la vraie Eglise aux enfans de Dieu; et ce caractère si particulier qui la distingue de toute autre assemblée lui donne une si grande autorité, qu'avant tous les doutes et toutes les opinions, on admet sans hésiter sur sa parole, non-seulement l'Ecriture sainte, mais encore toute la saine doctrine. C'est ainsi que sont instruits les enfans de la vraie Eglise ceux qui ont été élevés dans une église étrangère, dès qu'ils sentent qu'elle vacille en quelque partie que ce soit de son instruction, doivent tendre les bras à 1 Ep. LXXIX, vid. sup.- Cont. Ep. Man., n. 5, col, 153.

l'Eglise, qui a raison de ne vaciller jamais, parce qu'elle n'a jamais ni varié, ni vacillé; et ils sentent qu'il y faut rentrer, parce qu'il n'en falloit jamais sortir.

VII Réflexion sur ce que M. Claude a dit, dans sa Relation, que j'avois paru embarrassé en cet endroit de la dispute.

On peut juger maintenant si j'ai dû être embarrassé de la promesse que j'avois faite à mademoiselle de Duras de faire reconnoître à M. Claude un moment, où par les principes de sa religion un chrétien n'avoit qu'une foi humaine sur la vérité de l'Ecriture. Comment pourrois-je être embarrassé d'une chose que M. Claude avoua dans la Conférence, et qu'il avoue encore dans sa Relation, quoiqu'il ait affoibli et ma preuve et son aveu? Il est vrai qu'il ne veut pas lâcher le mot de doute: mais je n'ai pas prétendu faire former à sa langue ces deux syllabes; l'équivalent me suffit. C'est un assez grand excès de réduire le chrétien qui va lire l'Ecriture sainte, à être incapable d'une foi divine se contenter en cet état d'une foi humaine, c'est toujours trop évidemment renoncer au christianisme. J'ai donc manifestement ce que je voulois, de l'aveu de M. Claude. Que s'il dit que la foi humaine qu'il nous vante ici exclut le doute, et ressemble à celle qui nous fait croire qu'il y a une ville de Constantinople, ou qu'il y a eu autrefois un Alexandre, quoique nous ne le sachions que par des hommes à la vérite, ce n'est pas assez pour un chrétien qui doit agir par le motif d'une foi divine; mais c'en est toujours assez pour confondre M. Claude, puisque selon cette réponse, l'Eglise auroit toujours une autorité égale à celle qu'a pour ainsi dire tout le genre humain, quand il dépose unanimement d'un fait sensible. Ainsi de quelque manière que M. Claude nous explique sa foi humaine, la victoire de la vérité que je soutenois, demeurera assurée de son aveu, puisque s'il dit que sa foi humaine exclut tout doute, il y suppose une vérité infaillible; et s'il dit qu'elle laisse un doute, il aura enfin proféré ces fatales syllabes qu'il évitoit. Dans une cause si assurée, si j'ai tremblé pour autre chose que pour le péril de ceux à qui je craignois de ne pouvoir, ou par ma foiblesse, ou par leur

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