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jecter que nous anéantissons la grace de Dieu, en attribuant tout à nos bonnes œuvres, puisque nous leur avons montré en termes si clairs dans le concile de Trente ces trois points si décisifs en cette matière : « Que nos péchés nous sont pardonnés par une pure miséricorde, à cause de Jésus-Christ; que nous devons à une libéralité gratuite la justice qui est en nous par le Saint-Esprit; et que toutes les bonnes œuvres que nous faisons sont autant de dons de la grace.»

Aussi faut-il avouer que les doctes de leur parti ne contestent plus tant sur cette matière qu'ils faisoient au commencement; et il y en a peu qui ne nous confessent qu'il ne falloit pas se séparer pour ce point. Mais si cette importante difficulté de la justification, de laquelle leurs premiers auteurs ont fait leur fort, n'est plus maintenant considérée comme capitale par les personnes les mieux sensées qu'ils aient entre eux, on leur laisse à penser ce qu'il faut juger de leur séparation, et ce qu'il faudroit espérer pour la paix, s'ils se mettoient au-dessus de la préoccupation, et s'ils quittoient l'esprit de dispute.

VIII. Les Satisfactions, le Purgatoire, et les Indulgences.

Il faut encore expliquer de quelle sorte nous croyons pouvoir satisfaire à Dieu par sa grace, afin de ne laisser aucun doute sur cette matière.

Les catholiques enseignent d'un commun accord, que le seul Jésus-Christ Dieu et homme tout ensemble, étoit capable par la dignité infinie de sa personne, d'offrir à Dieu une satisfaction suffisante pour nos péchés. Mais ayant satisfait surabondamment, il a pu nous appliquer cette satisfaction infinie en deux manières : ou bien en nous donnant une entière abolition, sans réserver aucune peine; ou bien en commuant une plus grande peine en une moindre, c'est-à-dire la peine éternelle en des peines temporelles. Comme cette première façon est la plus entière et la plus conforme à sa bonté, il en use d'abord dans le baptême: mais nous croyons qu'il se sert de la seconde dans la rémission qu'il accorde aux baptisés qui retombent dans le péché, y étant forcé en quelque manière par l'ingratitude de ceux qui ont abusé de ses premiers

dons; de sorte qu'ils ont à souffrir quelque peine temporelle, bien que la peine éternelle leur soit remise.

Il ne faut pas conclure de là que Jésus-Christ n'ait pas entièrement satisfait pour nous; mais au contraire qu'ayant acquis sur nous un droit absolu par le prix infini qu'il a donné pour notre salut, il nous accorde le pardon, à telle condition, sous telle loi et avec telle réserve qu'il lui plaît.

Nous serions injurieux et ingrats envers le Sauveur, si nous osions lui disputer l'infinité de son mérite, sous prétexte qu'en nous pardonnant le péché d'Adam, il ne nous décharge pas en même temps de toutes ses suites, nous laissant encore assujettis à la mort et à tant d'infirmités corporelles et spirituelles que ce péché nous a causées. Il suffit que Jésus-Christ ait payé une fois le prix par lequel nous serons un jour entièrement délivrés de tous les maux qui nous accablent; c'est à nous à recevoir avec humilité et avec actions de graces chaque partie de son bienfait, en considérant le progrès avec lequel il lui plaît d'avancer notre délivrance, selon l'ordre que sa sagesse a établi pour notre bien, et pour une plus claire manifestation de sa bonté et de sa justice.

Par une semblable raison nous ne devons pas trouver étrange, si celui qui nous a montré une si grande facilité dans le baptême se rend plus difficile envers nous après que nous en avons violé les saintes promesses. Il est juste, et même il est salutaire pour nous, que Dieu en nous remettant le péché avec la peine éternelle que nous avions méritée, exige de nous quelque peine temporelle pour nous retenir dans le devoir : de peur que, sortant trop promptement des liens de la justice, nous ne nous abandonnions à une téméraire confiance, abusant de la facilité du pardon.

C'est donc pour satisfaire à cette obligation que nous sommes assujettis à quelques œuvres pénibles, que nous devons accomplir en esprit d'humilité et de pénitence; et c'est la nécessité de ces œuvres satisfactoires, qui a obligé l'Eglise ancienne à imposer aux pénitens les peines qu'on appelle canoniques.

Quand done elle impose aux pécheurs des œuvres pénibles et laborieuses, et qu'ils les subissent avec humilité, cela s'appelle Satisfaction; et lorsqu'ayant égard, ou à la ferveur des péni

tens, ou à d'autres bonnes œuvres qu'elle leur prescrit, elle relâche quelque chose de la peine qui leur est due, cela s'appelle Indulgence.

Le concile de Trente ne propose autre chose à croire sur le sujet des indulgences, sinon que « la puissance de les accorder a été donnée à l'Eglise par Jésus-Christ, et que l'usage en est salutaire à quoi ce concile ajoute « qu'il doit être retenu, avec modération toutefois, de peur que la discipline ecclésiastique ne soit énervée par une excessive facilité: » ce qui montre que la manière de dispenser les indulgences regarde la discipline.

Ceux qui sortent de cette vie avec la grace et la charité, mais toutefois redevables encore des peines que la justice divine a réservées, les souffrent en l'autre vie. C'est ce qui a obligé toute l'antiquité chrétienne à offrir des prières, des aumônes et des sacrifices pour les fidèles qui sont décédés en la paix et en la communion de l'Eglise, avec une foi certaine qu'ils peuvent être aidés par ces moyens. C'est ce que le concile de Trente nous propose à croire touchant les ames détenues dans le purgatoire, sans déterminer en quoi consistent leurs peines, ni beaucoup d'autres choses semblables sur lesquelles ce saint concile demande une grande retenue, blâmant ceux qui débitent ce qui est incertain et suspect.

Telle est la sainte et innocente doctrine de l'Eglise catholique touchant les satisfactions, dont on a voulu lui faire un si grand crime. Si après cette explication, Messieurs de la religion prétendue réformée nous objectent que nous faisons tort à la satisfaction de Jésus-Christ, il faudra qu'ils aient oublié que nous leur avons dit que le Sauveur a payé le prix entier de notre rachat; que rien ne manque à ce prix, puisqu'il est infini; et que ces réserves de peines, dont nous avons parlé, ne proviennent d'aucun défaut de ce paiement, mais d'un certain ordre qu'il a établi pour nous retenir par de justes appréhensions et par une discipline salutaire.

Que s'ils nous opposent encore que nous croyons pouvoir satisfaire par nous-mêmes à quelque partie de la peine qui est due à 1 Contin. sess. xxv, Decr. de Indulg. - Sess. xxv, Decr. de Purgat.

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nos péchés, nous pourrons dire avec confiance que le contraire paroît par les maximes que nous avons établies. Elles font voir clairement que tout notre salut n'est qu'une œuvre de miséricorde et de grace; que ce que nous faisons par la grace de Dieu n'est pas moins à lui que ce qu'il fait tout seul par sa volonté absolue ; . et qu'enfin ce que nous lui donnons ne lui appartient pas moins que ce qu'il nous donne. A quoi il faut ajouter que ce que nous appelons satisfaction après toute l'Eglise ancienne, n'est après tout qu'une application de la satisfaction de Jésus-Christ.

Cette même considération doit apaiser ceux qui s'offensent, quand nous disons que Dieu a tellement agréable la charité fraternelle et la communion de ses Saints, que souvent même il reçoit les satisfactions que nous lui offrons les uns pour les autres. Il semble que ces Messieurs ne conçoivent pas combien tout ce que nous sommes est à Dieu; ni combien tous les égards, que sa bonté lui fait avoir pour les fidèles qui sont les membres de JésusChrist, se rapportent nécessairement à ce divin chef. Mais certes ceux qui ont lu et qui ont considéré que Dieu même inspire à ses serviteurs le désir de s'affliger dans le jeûne, dans le sac et dans la cendre, non-seulement pour leurs péchés, mais pour les péchés de tout le peuple, ne s'étonneront pas si nous disons que touché du plaisir qu'il a de gratifier ses amis, il accepte miséricordieusement l'humble sacrifice de leurs mortifications volontaires, en diminution des châtimens qu'il préparoit à son peuple : ce qui montre que satisfait par les uns, il veut bien s'adoucir envers les autres, honorant par ce moyen son Fils Jésus-Christ dans la communion de ses membres et dans la sainte société de son corps mystique.

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L'ordre de la doctrine demande que nous parlions maintenant des sacremens, par lesquels les mérites de Jésus-Christ nous sont appliqués. Comme les disputes que nous avons en cet endroit, si nous en exceptons celle de l'Eucharistie, ne sont pas les plus échauffées, nous éclaircirons d'abord en peu de paroles les principales difficultés qu'on nous fait touchant les autres sacremens,

réservant pour la fin celle de l'Eucharistie, qui est la plus importante de toutes.

Les sacremens de la nouvelle alliance ne sont pas seulement des signes sacrés qui nous représentent la grace, ni des sceaux qui nous la confirment, mais des instrumens du Saint-Esprit, qui servent à nous l'appliquer, et qui nous la confèrent en vertu des paroles qui se prononcent, et de l'action qui se fait sur nous au dehors, pourvu que nous n'y apportions aucun obstacle par notre mauvaise disposition.

Lorsque Dieu attache une si grande grace à des signes extérieurs, qui n'ont de leur nature aucune proportion avec un effet si admirable, il nous marque clairement, qu'outre tout ce que nous pouvons faire au dedans de nous par nos bonnes dispositions, il faut qu'il intervienne pour notre sanctification une opération spéciale du Saint-Esprit, et une application singulière du mérite de notre Sauveur, qui nous est démontrée par les sacremens. Ainsi l'on ne peut rejeter cette doctrine sans faire tort au mérite de Jésus-Christ et à l'œuvre de la puissance divine dans notre régénération.

Nous reconnoissons sept signes ou cérémonies sacrées établies par Jésus-Christ, comme les moyens ordinaires de la sanctification et de la perfection du nouvel homme. Leur institution divine paroît dans l'Ecriture sainte, ou par les paroles expresses de Jésus-Christ qui les établit, ou par la grace, qui selon la même Ecriture y est attachée, et qui marque nécessairement un ordre de Dieu.

Comme les petits enfans ne peuvent suppléer le défaut du baptême par les actes de foi, d'espérance et de charité, ni par le vœu de recevoir ce sacrement, nous croyons que s'ils ne le reçoivent en effet, ils ne participent en aucune sorte à la grace de la rédemption; et qu'ainsi mourant en Adam, ils n'ont aucune part avec Jésus-Christ.

Il est bon d'observer ici que les luthériens croient avec l'Eglise catholique la nécessité absolue du baptême pour les petits enfans, et s'étonnent avec elle de ce qu'on a nié une vérité qu'aucun homme avant Calvin n'avoit osé ouvertement révoquer en doute,

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