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des erreurs qu'elle a toujours combattues. Deux propositions résument
le fond de son livre : « La réformation étoit nécessaire; » puis, « encore
qu'avant la réformation on pût se sauver dans l'Eglise romaine, on ne
le peut plus depuis la réformation, surtout après l'année 1543. »

Pour réfuter ces aphorismes avec les accusations qui les appuient,
Bossuet voulut, non pas déployer de longs raisonnemens, mais « expo-
ser en toute simplicité, comme il le dit lui-même, la véritable doctrine
de la sainte Eglise 1. » A l'encontre des deux propositions du mi-
nistre, il établit deux vérités : la première, « que la réformation,
comme nos adversaires l'ont entreprise, est pernicieuse; » la seconde,
« que si l'on a pu se sauver en la communion de l'Eglise romaine
avant leur réformation prétendue, il s'ensuit qu'on y peut encore faire
son salut. » D'abord la réformation est pernicieuse, et parce qu'elle
brise les liens de la charité fraternelle en établissant le schisme, et parce
qu'elle arrache les chrétiens d'entre les bras de l'Eglise qui forme
seule des enfans pour le ciel. Ensuite on peut encore se sauver dans
l'Eglise romaine, par la raison bien simple qu'elle a toujours, après
comme avant la réformation, gardé la même doctrine, la même mo-
rale et le même culte. Un trait particulier de la discussion, c'est que le
théologien catholique trouve ses principales preuves dans les aveux du
ministre protestant. Il termine l'ouvrage par une exhortation tou-
chante, qui le montre déjà tel qu'on le vit plus tard, joignant la majesté
de l'éloquence à la sévérité de la doctrine.

Le maréchal de Schomberg, dont on verra le nom dans la dédicace, étoit gouverneur de Metz. Aussi pieux que brave, après s'être couvert de gloire sur les champs de bataille, il consacroit le repos de sa vieillesse aux œuvres de la religion, au soulagement des pauvres, à la conversion des hérétiques.

Tel est le premier ouvrage sorti de cette plume qui devoit produire
tant de chefs-d'œuvre. Bossuet le composa à l'âge de 25 ans, et le fit
paroître à Metz, chez Jean Antoine, en 1655, in-4o. Réimprimé à Paris,
en 1729 2.

Cet écrit porte les caractères qui distinguent les sermons de la mème
époque. On n'accusera donc pas notre édition d'infidélité, quand on
y trouvera des tournures et des expressions comme celles-ci : « Est-ce
Faut-il pas?
pas?
Et ce que la vie éternelle est donnée gratui-
tement, ce n'est pas qu'elle ne soit donnée aux mérites.
de régénération, nettoyer les péchés, purger du péché, raser les
péchés. >>

Lavement

1 Entrée en discours et proposition du sujet. L'exemplaire de la Bibliothèque impériale porte à la première page ces mots écrits de la main de l'auteur: « Pour Monsieur de Méridat, conseiller du roi en son grand conseil. Par son très-obéissant serviteur et cousin. Bossuet. >>

II.

Exposition de la doctrine catholique. Nous avons vu que, dans la réfutation de Paul Ferry, Bossuet ne voulut faire autre chose qu'exposer la doctrine de l'Eglise catholique. Instruit par l'expérience, il savoit que le raisonnement, en dépit ou plutôt à cause de ses procédés scientifiques, n'atteint pas toujours la raison, et que la dispute provoque plus souvent la résistance de l'orgueil qu'elle n'amène l'assentiment de la volonté; à ses yeux, montrer la vérité catholique dans sa simplicité majestueuse, dégagée de tout mélange étranger, sans aucun ornement de l'éloquence humaine, c'étoit la revêtir de tous les charmes de sa beauté divine et lui donner toute la force de son empire sur les intelligences et sur les cœurs. Telle est la méthode qu'il suivoit dans l'instruction de ses frères égarés par la prétendue Réforme : il racontoit le dogme, si l'on peut ainsi dire; il définissoit, il exposoit.

Le grand nombre des protestans qui recouroient à son ministère, l'impossibilité de se faire entendre à tous, les conversions qu'il obtenoit chaque jour, tout lui commandoit de mettre par écrit son enseignement. En 1668, la même année qu'il prêcha l'Avent à Saint-Thomas du Louvre, il écrivit une exposition de la doctrine catholique. Son dessein dans cet écrit fut: « 1o de proposer les vrais sentimens de l'Eglise catholique, et de les distinguer de ceux qui lui ont été faussement imputés; 2o afin qu'on ne doutât pas qu'il ne proposât véritablement les sentimens de l'Eglise, de les prendre dans le concile de Trente, où l'Eglise a parlé décisivement sur les matières dont il s'agit; 3° de proposer à Messieurs de la religion prétendue réformée, non en général toutes les matières, mais celles dont ils ont fait le sujet de leur rupture; 4o enfin de ne rien dire, pour faire mieux entendre les décisions du concile, qui ne fût approuvé dans l'Eglise et manifestement conforme à la doctrine du même concile 1. » On voit tout d'abord les avantages de ce plan: fixant nettement le point de la controverse, il prévient une foule de questions qui prolongent inutilement le débat; il écarte les discussions que provoquent les opinions particulières des théologiens; il coupe court aux objections que les protestans fondent sur les faits tronqués de l'histoire, sur l'exagération des abus, sur la calomnie.

Lu avec empressement dans un grand nombre de copies, l'ouvrage de Bossuet dissipoit partout les ténèbres de l'erreur. Un descendant du fameux Duplessis-Mornay, le marquis de Dangeau avoit hérité de sa mère la haine du catholicisme; le maréchal de Turenne, aussi ferme dans ses principes qu'inébranlable sur les champs de bataille, étoit retenu dans la Réforme par les préjugés de l'honneur et par les liens du sang: Exposition, 1er Avertissement.

TOM. XIII.

b.

l'Exposition leur montra notre sainte croyance dans sa simplicité majestueuse; ils devinrent, l'un prêtre vertueux, l'autre enfant soumis. de l'Eglise.

Ainsi l'Exposition se lisoit depuis trois ans, qu'elle n'avoit encore reçu d'autre publicité que celle de la transcription; Bossuet refusoit de la mettre au jour par la voie de la presse : car il n'écrivoit pas pour obtenir les vains honneurs de la renommée, mais pour procurer le bien de l'Eglise : « Je ne comprends pas, disoit-il, qu'on puisse se donner la peine de composer un livre dans le seul but de faire un peu de bruit 1. » Cependant Turenne lui représentoit la nécessité d'imprimer son ouvrage, l'impossibilité de donner à tous des copies, les dangers que faisoient courir à la doctrine des transcriptions multiples, faites par des mains peu sûres; des savans, des évêques, des personnages élevés joignoient leurs instances à celles du grand homme; une édition peu correcte venoit de paroître à Toulouse, et l'on en préparoit d'autres dans la capitale : Bossuet se rendit.

Mais quelle difficulté ne lui présentoit pas la publication de son ouvrage? C'est la doctrine de l'Eglise qu'il alloit exposer à la face du monde : il devoit employer la précision qu'apporte l'Eglise dans la définition de sa doctrine; il devoit éviter les formules vagues, les phrases équivoques, tout ce qui n'offre pas une idée claire à l'esprit; il devoit parler avec la simplicité de la vérité et la rigueur de la foi. Honoré de la confiance générale et se défiant de lui-même, il fit tirer son ouvrage à douze exemplaires, qu'il soumit à l'examen des évêques et des théologiens les plus renommés : c'est là ce qu'on appelle l'Edition des amis. Turenne envoya son exemplaire en Angleterre dans un but de propagande religieuse; M. de Harlay, archevêque de Paris, retint le sien, parce qu'il ne voyoit pas sans peine, dit-on, grandir l'influence du grand écrivain; les autres exemplaires revinrent à l'auteur chargés de notes et portant plusieurs approbations. Bossuet corrigea l'ouvrage sur les remarques de ses amis et d'après ses propres réflexions; puis il le fit publier chez Sébastien Marbre - Cramoisy, dans le mois de décembre 1671. Il étoit alors précepteur du dauphin, et venoit de résigner l'évêché de Condom.

Les protestans firent au livre de Bossuet un accueil froid et prudent. Ils dirent que l'Exposition se rapprochoit de leurs sentimens, qu'elle écartoit de grandes erreurs et levoit bien des difficultés; mais ils disoient aussi qu'elle corrigeoit la doctrine catholique, qu'elle l'adoucissoit dans la rigueur de ses dogmes, qu'elle en cachoit l'odieux par des tours adroits, plus propres à tromper les simples qu'à convaincre les sages; ils annonçoient enfin qu'elle seroit condamnée par tous les organes de l'Eglise. Vaines menaces de prophètes aux abois : l'Exposi1 Mémoires de Ledieu, sur l'Exposition.

tion reçut de nouvelles approbations; bien mieux, elle fut sanctionnée par l'autorité suprême. Bossuet profita de cette occasion pour réimprimer son livre. C'est ici la deuxième édition, qui parut en 1674. Elle donnoit, avec l'approbation du souverain Pontife, le premier Avertissement qui se trouve à la tête de l'ouvrage.

Battus dans leurs prévisions de l'avenir, les ministres du saint évangile se replièrent sur les contes du passé; les fables après les prophéties. On sait qu'un exemplaire de l'édition des amis, destinée à la correction de l'ouvrage, fut envoyé en Angleterre par Turenne. Longtemps après l'édition véritable, faite pour le public, cet exemplaire tomba dans les mains d'un docteur Wake, qui cherchoit depuis longtemps l'occasion d'attirer sur lui l'attention publique. Sur ses révélations faites avec la prudence convenable, on dit mystérieusement en Angleterre, puis triomphalement en Hollande, que Bossuet, tout en criant contre les variations de la Réforme, avoit lui-même varié dans la foi; la preuve certaine en étoit que la première édition de son livre différoit dans des dogmes essentiels de la seconde, et qu'il avoit dû la supprimer pour obtenir l'approbation de la Sorbonne. Un bénédictin anglois, le P. Johnston fit connoitre à Bossuet, par une lettre de 1686, la grande découverte des ministres; et le sieur de la Croze se chargea de l'annoncer au genre humain, en 1688, dans la Bibliothèque historique universelle. De là deux nouvelles pièces, la lettre au P. Johnston, et le second Avertissement de l'Exposition. Bossuet montre, dans ces deux pièces, qu'il avoit le droit de corriger son ouvrage sur l'édition des amis comme sur son manuscrit; «d'ailleurs ses corrections, dit-il, ne touchoient pas au dogme, elles ne regardoient que l'expression et la netteté du style 1. »

1 Il suffit d'une simple comparaison pour s'en convaincre. Le premier imprimé porte dans le titre : Exposition de la doctrine de l'Eglise catholique; le second ajoute : sur les matières de controverse. Et plus loin, dans le corps de l'ouvrage :

Edition des amis.

Après plus d'un siècle de contestations avec Messieurs de la religion prétendue réformée, il semble qu'on ne puisse mieux faire que de leur proposer simplement la doctrine de l'Eglise catholique, en séparant les questions qu'elle a décidées de celles qui n'appartiennent pas à la foi; et comme l'aversion que ces Messieurs ont pour la plupart de nos sentimens est attachée... (Section 1.)

Nos adversaires, qui appréhendent

Edition pour le public.

Après plus d'un siècle de contestations avec Messieurs de la religion prétendue réformée, les matières dont ils ont fait le sujet de leur rupture doivent être éclaircies, et les esprits disposés à concevoir les sentimens de l'Eglise catholique. Ainsi il semble qu'on ne puisse mieux faire que de les proposer simplement, et les bien distinguer de ceux qui lui ont été faussement imputés. En effet j'ai remarqué en différentes occasions que l'aversion que ces Messieurs ont...

Les prétendus réformés, qui voient

C'est dans ces conjonctures, en 1686, que Bossuet fit paroître la sixième édition de son livre, la dernière revue par lui, celle qui donna

les conséquences importantes que nous pourrons tirer de cet aveu, tàchent de les prévenir en disant que nous détruisons ces articles, parce que nous en posons d'autres qui leur sont contraires. (Section II.)

les avantages que nous pouvons tirer de cet aveu, veulent nous les ôter en disant que nous détruisons.....

La fin de la section, qui se trouve dans le second imprimé, n'est pas dans le premier.

Edition des amis.

La même Eglise enseigne que tout culte religieux doit se terminer à Dieu comme à sa fin nécessaire; et c'est pourquoi l'honneur qu'elle rend à la sainte Vierge et aux Saints n'est religieux, qu'à cause qu'elle leur rend cet honneur par rapport à Dieu et pour l'amour de lui. (Sect. III.)

Le Catéchisme du concile de Trente, qui l'enseigne ainsi, conclut de cette doctrine que, si l'intercession des Saints qui règnent avec Dieu blessoit la médiation de Jésus-Christ, elle ne seroit pas moins affoiblie par celle des fidèles qui vivent avec nous.

Ainsi à parler précisément et selon le style ecclésiastique, nous n'honorons pas tant l'image d'un apôtre ou d'un martyr que nous honorons l'apôtre ou le martyr en présence de son image. (Sect. IV.)

Si cette justice qui est en nous par le Saint-Esprit n'étoit justice qu'aux yeux des hommes, ce seroit une hypocrisie. (Sect. VI.)

Voilà ce qu'il y a de plus nécessaire dans la doctrine de la justification; et nos adversaires seroient extraordinairement contentieux, s'ils ne confessoient qu'il n'en faut pas savoir davantage pour être solidement chrétien. (Sec. VII.)

Le Fils de Dieu ayant voulu que son Eglise fût une et solidement bâtie sur l'unité, a établi et institué la primauté

Edition pour le public.

La même Eglise enseigne que tout culte religieux se termine à Dieu comme à sa fin nécessaire; et si l'honneur qu'elle rend à la sainte Vierge et aux Saints peut être appelé religieux, c'est à cause qu'il se rapporte nécessairement à Dieu.

Le Catéchisme du concile de Trente conclut de cette doctrine que, si la qualité de médiateur donnée à JésusChrist recevoit quelque préjudice de l'intercession des Saints qui règnent avec Dieu, elle n'en recevroit pas moins de l'intercession des fidèles qui vivent avec nous.

Ainsi à parler précisément et selon le langage ecclésiastique, quand nous rendons honneur à l'image d'un apôtre ou d'un martyr, notre intention n'est pas tant d'honorer l'image que d'honorer l'apôtre ou le martyr en présence de l'image.

Si la justice qui est en nous n'étoit justice qu'aux yeux des hommes, ce ne seroit pas l'ouvrage du Saint-Esprit.

Voilà ce qu'il y a de plus nécessaire dans la doctrine de la justification; et nos adversaires seroient fort déraisonnables, s'ils ne confessoient que cette doctrine suffit pour apprendre aux chrétiens qu'ils doivent rapporter à Dieu par Jésus-Christ la gloire de leur salut.

Le Fils de Dieu ayant voulu que son Eglise fût une et solidement bâtie sur l'unité, a établi et institué la primauté

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