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Francesco Scalini, né en 1792 à Como en Lombardie, appartient, par ses opinions, à cette noble et forte race d'Italiens qui n'ont jamais désespéré de l'indépendance de cette mère des beaux-arts et du génie. Il ne fut jamais un brouillon politique; seulement, son esprit le portant à l'opposition, il était sympathique aux hommes poursuivis par l'exil. C'est ainsi qu'il accueillit toujours avec une généreuse bonté les patriotes de tous pays qu'il consolait, et aidait de sa bourse. Savant éminent et sincèrement dévoué à sa patrie, il lui a consacré toutes les forces de son intelligence et toutes les aspirations de son cœur.

Après le désastre de Moscou, lorsque les Autrichiens s'imposèrent de nouveau à la Lombardie, Scalini, à qui il répugnait de vivre sous une domination étrangère, s'exila volontairement, et se retira en Égypte, où il établit une fabrique de sel de nitre pour le pacha

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Méhémet Ali. Après ces travaux, il visita la haute Égypte, la Nubie, le Darfour, la mer Rouge, le mont Sinaï en Palestine, où il rencontra l'abbé de Forbin-Janson, alors vicaire général de Chambéry, missionnaire de France. Scalini lui donna une relique de saint Macaire de Thébaïde, une autre du mont Sinaï, et une autre de la roche de la Fontaine de Moïse. Le 19 février 1818, ils se rendirent ensemble au lac Natron, où l'abbé de Forbin-Janson dit la messe sur un autel portatif. Scalini en fut le servant. De là ils revinrent ensemble à Alexandrie, où l'abbé s'embarqua pour la France. Scalini se rendit de Palestine en l'île de Chypre, d'où il revint, en 1820, à la Pergola, cité voisine de Pesaro, et de là à Como.

De retour dans cette dernière ville, il contribua de tous ses efforts au mouvement italien de 1821, et fit partie du gouvernement provisoire installé à Como même. A la même époque, il eut à Novarre une entrevue avec Charles-Albert, pour engager ce prince, au nom de l'Italie, à se déclarer roi de ce beau pays.

Lors de la révolution de la Romagne, en 1831, il fut élu membre de la représentation nationale de Bologne. Ses discours et ses votes furent marqués au coin d'un esprit supérieur et organisateur. Arrêté à Milan, le 11 octobre suivant, il fut condamné à mort comme coupable de haute trahison. Mais, comme il n'avait fait partie de cette assemblée qu'en qualité de

Patrice romain, dignité que lui avait conférée le pape Léon XII, il fut relâché et sortit de prison en février 1833. Un décret ayant été rendu en Autriche en vertu duquel on accordait l'émigration légale à ceux qui ne voulaient plus être citoyens autrichiens, il fut un des premiers à profiter de ce décret. Il partit de Como le 15 septembre 1833 et se rendit de nouveau en Égypte. Chargé par le gouvernement anglais de diriger comme ingénieur des travaux importants au port d'Alexandrie, Scalini s'en acquitta avec tant de talent que le consul d'Angleterre, au nom de son gouvernement, lui offrit la récompense qu'il désirerait; mais Scalini ne voulut accepter que des lettres de naturalisation que l'on s'empressa de lui accorder. Il se lia d'une étroite amitié avec Soliman-Bey (le colonel Selve) et le P. Enfantin, et eut à diverses reprises des entrevues avec le maréchal Marmont, qui lui avait demandé l'exposition de ses idées sur l'état militaire de l'Égypte, son agriculture, et les charges qui pèsent sur les fellahs. Ce fut pendant ce voyage que Scalini découvrit dans le Delta un magnifique sarcophage en granit rouge, tout couvert d'hiéroglyphes en dehors et en dedans ; il emmena cette précieuse découverte à Alexandrie, et l'envoya en Europe, où elle fait partie du cabinet des Antiquités de Vienne.

Retiré depuis cette époque de la vie politique, il n'a plus quitté sa solitude de Genestrerio en Suisse où il compte de nombreux amis. Étroitement lié au parti libéral de cette république, il siége dans le conseil

fédéral du Tessin; il a été honoré, en 1856, de la dignité de citoyen.

Paralysé du bras droit à la suite des tortures endurées dans les prisons d'État, il a passé des nuits sans sommeil et vu.luire des jours bien tristes; pendant de longues années, comme son coreligionnaire Sylvio Pellico, il a mangé le dur pain de la prison ou de l'exil. Profondément religieux, Dieu et la liberté ne forment dans son cœur, qui n'a pas vieilli, qu'un même culte. Devenu pauvre par son dévouement à la cause nationale, il a épuisé ses ressources. Il accomplit donc un dernier sacrifice, subit une dernière torture : il vend sa bibliothèque. Jamais il ne fit un plus pénible sacrifice, car, à son âge, on a besoin de consolations, et, malgré les souvenirs d'amertume du passé, rien n'a pu affecter le pauvre Scalini comme la vente de ses livres, ses vieux amis, comme il les appelle, si patiemment, si péniblement recueillis; mais il éprouve une compensation à cette grande douleur, c'est de voir, grâce aux généreux efforts de la France et de la Sardaigne, ses compatriotes libres et son pays affranchi (1).

Scalini, nourri de la lecture des grands écrivains, joint, à des études sérieuses et fort étendues, une

(1) Les détails qu'on vient de lire ont été rédigés d'après des notes envoyées par M. Scalini. Sa modestie s'est longtemps refusée à les rendre publics. Ce n'est qu'après de vives instances qu'il a bien voulu y consentir.

connaissance profonde de la littérature ancienne. Bibliophile d'un goût sûr, la plupart de ses livres sont accompagnés d'excellentes notes, soit sur les gardes, soit sur des feuillets séparés, qui prouvent une grande érudition et un esprit supérieur. On voit qu'il s'appliquait à réunir les plus belles éditions. Aussi on remarque, dans sa riche collection, des Alde, des Junte, des Estienne, des Vascosan, des Giolito, des Marcolini, etc., en grand nombre, tous ces chefs-d'œuvre de la typographie au xvi° siècle.

Passionné pour les écrivains de sa patrie, pour cette langue surtout qui peut être comparée aux langues grecque et latine, et qui a été proclamée la langue de la nature et de la science, Scalini n'a rien négligé pour se procurer les meilleures et les plus rares éditions des auteurs italiens. Sa bibliothèque, sous ce rapport, présente dans toutes ses parties un véritable intérêt.

Au milieu de cette collection remarquable à tant de titres, nous signalerons surtout, dans la Théologie et dans l'Histoire, les ouvrages qui concernent la réformation et l'Histoire des guerres de religion; ces deux classes sont riches en ce genre, et nous ne pensons pas qu'aucune vente ait présenté sur ces matières autant de pièces rares et curieuses. On comprend difficilement comment le savant collecteur a pu les réunir, et en aussi grand nombre. La classe des livres français, qui occupe dans toutes les collections un rang distingué, sinon le premier, est ici convenable

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