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nauld ait ou n'ait point jugé du Traité avant la lettre qu'il écrivit, à cause de l'impression qu'on en voulait faire, je n'en puis rien assurer. Je sais néanmoins de personnes dignes de foi, qu'il en avait parlé avec le dernier mépris, et j'ai quelque peine à croire tout ce qu'on m'en a dit. Mais si M. Arnauld n'en parlait point où il est, on n'en parlait que trop à Paris. Car on me rapporta alors tant d'impertinences que ses amis m'attribuaient, et on me sollicita de telle manière que j'en permisse l'impression, afin que chacun put se désabuser des bruits qu'on faisait courir, qu'enfin j'écrivis, car j'étais pour lors à la campagne depuis quelque temps, qu'on fît ce qu'on jugerait à propos. Je croyais devoir cela à la vérité et à la justice que chacun se doit à soi-même.

XIII. Mais, Monsieur, pour lire le Traité avec attention, il ne faut pas assurément six heures: et pour le comprendre parfaitement, certainement il ne faut pas six jours à une personne qui a autant d'étendue et de pénétration d'esprit que M. Arnauld. Cependant il oublie sa promesse ; il le parcourt avec précipitation; il en juge; et enfin il en écrit, non à vous, Monsieur, ou à moi, mais à un ami', qui pouvait dire à ses amis ce que je voulais qu'il n'y eût que vous et moi qui sussions. Mais de plus, quoique je ne puisse dire précisé– ment combien de temps il s'est passé depuis la lettre de M. Arnauld jusqu'à ce que le Traité fùt imprimé, je pense que du moins il s'est écoulé trois mois, temps assez considérable pour examiner un livret, dont les principes sont, ce me semble, assez simples et faciles à concevoir pour ceux qui ont autant d'avances qu'en a M. Arnauld. Mais enfin, il y a maintenant plus de quatre ans qu'il demeure dans le silence par rapport à vous et à moi touchant ce petit ouvrage.

Il n'est pas nécessaire, Monsieur, que je vous fasse penser, ni ceux qui liront ceci, à la conduite du monde la plus irrégulière que les amis de M. Arnauld ont tenue à mon égard touchant le Traité de la Nature et de la Grâce; cela n'a point directement de rapport à mon sujet. Bien loin de pren

dre plaisir à réveiller certaines idées, je voudrais plutôt les ensevelir dans un éternel oubli. Plût à Dieu que moi-même j'en pusse perdre entièrement le souvenir! Mais j'ai cru devoir vous représenter en peu de mots tout ce qui s'est passé entre M. Arnauld et moi, par rapport au Traité qui le rend d'une humeur fàcheuse, afin que vous reconnaissiez que je n'ai point manqué en cela à aucun des devoirs de l'estime et de l'amitié, et que chacun tâche de découvrir quel peut être le principe de son chagrin et de sa grande délicatesse.

CHAPITRE II.-M. Arnauld n'a pas dû sous un faux prétexte prendre le change ni le donner aux autres, examinant du livre de la Recherche de la Vérité ce qu'il y a de plus abstrait et ce qui n'a nul rapport au Traité de la Nature et de la Grâce, pour prévenir contre moi le grand nombre de ceux qui aimeront mieux le croire sur sa paroie que de se fatiguer sur un procès de métaphysique.

I. Quoique ce soit uniquement le Traité de la Nature et de la Grâce qui ait mis M. Arnauld de mauvaise humeur, qu'il y ait plus de quatre ans qu'il en a marqué son chagrin, et qu'il ait même engagé sa parole, non-seulement dans le livre auquel je réponds présentement, mais encore dans des lettres à ses amis, qu'il le combattrait par un écrit public: cependant ce n'est point cela aujourd'hui. Il a cherché le sentiment le plus métaphysique et le plus abstrait qui soit dans la Recherche de la Vérité, et qui certainement, au sens qu'il le combat, n'a nul rapport au Traité de la Nature et de la Gráce, ainsi que je ferai voir dans ce chapitre. Et cela apparemment pour amuser le tapis, et faire croire cependant à ceux qui sont prévenus en sa faveur, qui pour la plupart ne se donneront pas la peine d'examiner dans le fond qui aura raison, que je suis un visionnaire qui me perds « dans ma nouvelle philosophie des idées, » et qui au lieu de « chercher l'intelligence des mystères de la grâce dans la lumière des saints, la cherche dans mes propres pensées. » Mais voici le prétexte dont il se sert pour prendre le change, ou pour le donner aux autres.

II. Dans une édition du Traité de la Nature et de la Grâce, on y a mis une lettre, dont voici l'extrait que cite M. Arnauld, et sur lequel il prétend justifier le dessein qu'il a pris d'attaquer ce que je crois de la «< nature des idées, pour lui ser<< vir de préambule » à l'ouvrage qu'on attend de lui sur le Traité de la Nature et de la Gráce.

Extrait de la Lettre qui est au commencement d'une édition du Traité de la Nature et de la Grâce. « Je crois, << Monsieur, devoir vous dire que pour entendre cet ou « vrage il serait à propos que vous sussiez bien les principes «< établis dans la Recherche de la Vérité, ou que vous eussiez <«<lu les Éclaircissements qui composent le troisième tome, << ou du moins ceux-ci le premier, celui du péché originel, «< celui de la nature des idées, et principalement les deux « derniers, dont l'un est contre la prétendue efficace des <«< causes secondes, et l'autre explique comment Dieu agit << par les voies les plus simples. Je vous envoie aussi, Monsieur, un Éclaircissement qu'il semble que l'auteur ait «< composé pour ceux à qui ses principes ne sont point assez <«< familiers; de sorte qu'il pourra en quelque manière vous << tenir lieu de ce que vous devriez avoir lu avant ce Traité. « Je suis, etc. »

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Voici maintenant l'usage que M. Arnauld fait de cet extrait.

M. Arnauld. - III. « Je suis donc en repos de ce côté-là. Mais je crains que vous ne soyez surpris de voir que ce n'est pas encore l'ouvrage que vous attendiez, et que ce n'en peut être que le préambule. Voici ce qui en a été la cause.

«Notre ami nous a avertis dans la seconde édition de son Traité de la Nature et de la Gráce, que pour le bien entendre il serait à propos que l'on sût les principes établis dans le livre de la Recherche de la Vérité; et il a marqué en particulier ce qu'il y a enseigné de la nature des idées, c'est-àdire de l'opinion qu'il a que nous voyons toutes choses en Dieu.

« Je me suis donc mis à étudier cette matière, et m'y étant appliqué avec soin, j'ai trouvé si peu de vraisemblance, pour ne rien dire de plus fort, dans tout ce que notre ami enseigne sur ce sujet, qu'il m'a semblé que je ne pouvais mieux faire que de commencer par là à lui montrer qu'il a plus de sujet qu'il ne pense de se défier de quantité de spéculations qui lui ont paru certaines, afin de le disposer par cette expérience sensible à chercher plutôt l'intelligence des mystères de la grâce dans la lumière des saints, que dans ses propres pensées. »

Et dans la conclusion du livre : « Voilà, Monsieur, mes premières difficultés sur les sentiments particuliers de notre ami. Cela ne regarde pas encore ceux du Traité de la Nature et de la Grâce; mais il a cru lui-même qu'ils y avaient bien du rapport, puisqu'il a souhaité qu'on les étudiât avant que d'examiner ceux de son Traité, et qu'il y renvoie expressément dans le premier chapitre de son troisième discours. Je ne pouvais donc mieux faire, pour bien entrer dans les nouvelles pensées de son dernier ouvrage, que de commencer par là. » C'est là, Monsieur, tout ce que dit M. Arnauld dans son livre des Vraies et des Fausses Idées, pour conclure qu'il ne pouvait mieux faire pour entrer dans les nouvelles pensées de mon dernier ouvrage, que de commencer par là.

IV. Mais pour peu d'attention que vous apportiez à la lecture de l'extrait de cette lettre, qui été imprimée dans la seconde édition du Traité, et dont parle M. Arnauld, vous verrez clairement qu'il aurait mieux fait de combattre l'éclaircissement, «<< qu'il semble, comme dit la lettre, que l'auteur ait composé pour ceux à qui ses principes ne sont point assez familiers de sorte, continue-t-elle, qu'il pourra en quelque manière vous tenir lieu de ce que vous devriez avoir lu avant ce traité. » Cela est déjà assez clair.

Que si M. Arnauld en voulait absolument au livre de la Recherche de la Vérité, pour guérir au plus tôt le mal qu'il avait fait en le louant autrefois avec excès, il aurait en

core mieux «< fait, pour entrer dans mes nouvelles pensées, » puisqu'il voulait suivre l'avis de la lettre, d'attaquer principalement les deux derniers éclaircissements. Car l'auteur de la lettre conseille principalement «< ces deux derniers, dont l'un est contre la prétendue efficace des causes secondes, et l'autre explique comment Dieu agit par les voies les plus simples. >>

Enfin M. Arnauld pouvait mieux faire en combattant le premier éclaircissement de la Recherche sur la Vérité, car j'y explique la liberté; ou en réfutant l'éclaircissement du péché originel, car le péché originel, aussi bien que la liberté, a beaucoup de rapport à la grâce. De sorte qu'en suivant l'avis de la lettre, qu'il dit avoir été la cause du dessein qu'il a pris, il se trouve « qu'il ne pouvait plus mal faire pour entrer dans mes nouvelles pensées. >>

Mais quoi! l'auteur de la lettre a marqué en particulier, dit M. Arnauld, ce que j'enseigne de la nature des idées. Je n'ai rien à répondre, si ce n'est que c'est un fait. Il n'y a qu'à lire pour s'éclaircir si la lettre contient l'extrait tel que je viens de le transcrire.

V. M. Arnauld, dans la conclusion de sa critique, prétend encore justifier par une citation son dessein extraordinaire. Et comme il n'apporte que la lettre que je viens d'examiner, et cette citation, pour prouver qu'il ne pouvait mieux faire, que de composer un livre de plus de trois cents pages, pour lui servir de préambule à celui qu'on attend depuis si longtemps contre le livret de la Nature et de la Gráce, trois fois plus petit que ce préambule, il est à propos que je mette ici le premier article du troisième discours, avec la citation qui fait dire à M. Arnauld, que je renvoie expressément à ce que j'ai enseigné de la nature des idées, si on veut entendre le Traité de la Nature et de la Grâce.

« Il n'y

Troisième discours de la Nature et de la Grâce. << a rien de plus informe que la substance des esprits, si on << la sépare de Dieu : car qu'est-ce qu'un esprit sans intelli

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