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se la dissimuler à eux-mêmes, et favorisèrent par dessus tout les opinions qui sont capables de la démontrer, en hommes qui par leur propre expérience étaient éclairés de la misère qui naît de la perfection de la science. On pourrait citer à ce sujet quelques exemples très-illustres, surtout dans les temps modernes. Et en vérité si nos philosophes entendaient pleinement ce qu'ils se fatiguent à promulguer, ou (en supposant qu'ils l'entendent) s'ils le sentaient, c'est-àdire s'il l'entendaient par expérience, et non pas seulement par spéculation, au lieu d'avoir à se réjouir de ces connaissances, ils les auraient en haine et en effroi ; ils s'ingénieraient à oublier ce qu'ils savent, et, pour ainsi dire, à ne pas voir ce qu'ils voient; ils se réfugieraient, et c'est ce qu'ils auraient de mieux à faire, au sein de ces erreurs si fortunées qui n'étaient pas le fruit de tel ou tel hasard, mais que la nature universelle avait, de sa propre main, placées dans toutes les âmes; enfin, ils ne croiraient pas qu'il fût important de persuader à autrui qu'il n'y a rien de sérieux dans les choses qui paraissent les plus grandes. Et s'ils font cela par désir de gloire, ils accordent que dans cette partie de l'univers nous ne pouvons vivre qu'autant que nous croyons et que nous ne nous attachons à des choses qui n'existent pas.

Une autre différence entre le cas de Théophraste et celui de Brutus vient de la diversité des temps. Si l'époque de Théophraste ne fut pas propice à ces songes et à ces fantômes qui dirigèrent les pensées et les actions des anciens, du moins elle n'y fut pas hostile. Nous pouvons dire au coutraire que l'âge de Brutus fut le dernier âge de l'imagination la victoire était à la science et à l'expérience du vrai, qui se répandaient dans le peuple autant qu'il fallait pour produire la vieillesse du monde. S'il n'en avait été ainsi, Brutus n'aurait pas eu l'occasion de fuir la vie, comme il le fit, et la république romaine ne serait pas morte avec lui. Mais non-seulement cette république, mais encore toute l'antiquité, je veux dire le caractère et les mœurs antiques de toutes les nations civilisées, étaient sur le point d'expirer en même temps que les opinions qui les avaient fait naître et fait vivre. Déjà la vie avait perdu tout son prix, et les sages cherchaient des consolations non-seulement de la fortune, mais encore de la vie même, ne jugeant pas croyable que l'homme naquît particulièrement et uniquement pour la misère. C'est ainsi qu'ils en venaient à la croyance et à l'attente d'une autre vie où se trouvât la raison de la vertu et des actions magnanimes, qui s'était bien trouvée jusqu'alors en cette vie, mais qui ne s'y trouvait plus et ne devait jamais plus s'y trouver. De ces pensées naissaient ces sentiments si nobles que Cicéron a développés dans plusieurs passages et particulièrement dans le discours pour Archias.

MANUEL D'ÉPICTÈTE.

PRÉAMBULE DU TRADUCTEUR.

Un grand nombre de pensées très-justes, diverses considérations subtiles, beaucoup de préceptes et d'avis extrêmement utiles, de plus une agréable simplicité et familiarité d'expression, rendent ce petit livre très-précieux et très-aimable. Je suis véritablement d'opinion que la philosophie pratique que l'on enseigne ici, si elle n'est pas la seule profitable, est du moins plus profitable que les autres à l'usage de la vie humaine, plus accomodée à l'homme, et spécialement aux âmes qui par nature ou par habitude ne sont ni très-héroïques ni très-fortes, mais tempérées et douées d'une énergie médiocre, ou encore aux âmes faibles, et par conséquent aux hommes modernes encore plus qu'aux anciens. Je sais bien que ce jugement que j'émets est contraire à l'appréciation universelle on estime communément que l'exercice de la philosophie stoïque n'est séant et même possible qu'aux esprits virils et énergiques outre mesure. Il me semble en substance que le principe et la raison d'une telle philosophie, et particulièrement de celle d'Epictète, ne sont pas, comme on dit, dans la considération de la force de l'homme, mais dans celle de sa faiblesse ; et semblablement que l'usage et l'utilité de la philosophie en question appartiennent plus proprement à la faiblesse qu'à la force. En effet, cette tranquillité d'âme qu'Epictète veut par-dessus toute chose, cet état libre de passions, ce détachement des choses extérieures ne sont pas autre chose que ce que nous appelons froideur d'âme, insouciance, ou si l'on veut indifférence. Or l'utilité de cette disposition et d'une conduite conforme naît seulement de ce que l'homme ne peut, dans sa vie, par aucun moyen, ni atteindre le bonheur ni éviter une continuelle infélicité. Car s'il lui était possible d'arriver à cette fin, il ne serait certes pas utile, ni même raisonnable de s'abstenir de la poursuivre. Si l'on n'y peut arriver, c'est le propre des esprits grands et forts de s'obstiner néanmoins à la désirer et à la chercher anxieusement, de résister, au moins au-dedans de soi, à la nécessité, et de faire au destin une guerre féroce et à mort, comme les Sept devant Thèbes d'Eschyle, et comme les autres hommes magnanimes des temps antiques. Le propre des esprits naturellement faibles ou affaiblis par l'usage des maux et la connaissance de la faiblesse naturelle et irréparable des vivants, c'est de céder et de se conformer à la fortune et au destin, de se réduire à ne désirer que peu de chose, et encore ce peu de chose modestement, ou plutôt, pour ainsi dire, de perdre presque entièrement l'habitude et la faculté, non-seulement d'espérer, mais encore de désirer. Si cet état d'ini

mitié et de guerre avec un pouvoir incomparablement plus grand que celui de l'homme et à jamais invincible ne peut donner aucun fruit, et ne va pas sans trouble, sans travail, sans angoisse et sans une misère lourde et continuelle, au contraire, l'autre état, celui de paix et pour ainsi dire de sujétion de l'âme et de servitude tranquille, quoiqu'il n'ait rien de généreux, est cependant conforme à la raison, séant à la nature mortelle et exempt en grande partie des tracas, des affronts et des douleurs qui ont coutume de tourmenter notre vie. En réalité, pour obtenir cette meilleure condition de vie, et cette seule félicité qui se puisse trouver au monde, les hommes n'ont pas d'autre parti à prendre que de renoncer, pour ainsi dire, à la félicité et de s'abstenir autant que possible de fuir le contraire de la félicité. Ainsi l'insouciance des choses du dehors, prescrite par Epictète et par les autres stoïciens, signifie précisément qu'il ne faut ni se soucier d'être heureux ni éviter d'être malheureux. Cet enseignement, qui revient à dire que l'on doit s'aimer avec le moins d'ardeur et de tendresse possible, est en vérité le sommet et le résumé de la philosophie d'Epictète et même de toute la sagesse humaine, pour ce qui regarde le bien-être de chaque âme en particulier. Et moi qui après beaucoup de travaux de l'âme et beaucoup d'angoisses, réduit presque malgré moi à pratiquer habituellement l'enseignement dont je viens de parler, ai retiré d'une telle pratique et en retire toujours une utilité incroyable, je désire et je souhaite chaudement à tous ceux qui liront ces pages la faculté de mettre pareillement cette morale à exécution.

RENSEIGNEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES.

I.

LISTE DES ŒUVRES ÉDITÉES, DANS L'ORDRE OÙ ELLES ONT ÉTÉ COMPOSÉES (1).

ANNÉE 1815.

SAGGIO SOPRA GLI ERRORI POPOLARI DEGLI ANTICHI, Florence, Le Monnier, 1845.

DISCORSO SOPRA Mosco, Spettatore italiano e straniero, t. VI, p. 173 et suivantes, Milan, 1816. (Réimprimé dans les Studi giov. e filol. p. 27.)

IDILLII DI MOSco, trad. inedita del conte G. Leopardi, Spett. it. t. VI et VII, année 1817 (Studi, p. 47.)

DISCORSO SOPRA LA BATRACOMIOMACHIA, Spett. t. VII (Studi, p. 73), réimprimé du vivant de l'auteur par Bothe dans le t. III de son Odyssée, Leipsig, 1835, et par Berger de Xivrey dans la seconde édition de sa Batrachomyomachie, Paris, 1837.

LA GUERRA DEI TOPI E DELLE RANE, poema, trad. ined. dal greco del conte G. Leopardi, Spett. t. VII, 1817 (Studi, p. 89.)

SAGGIO DI TRADUZIONE DELL' ODISSEA DEL C. G. LEOPARDI, Spett. t. VI, 1816. (Studi, p. 102.)

NOTIZIE ISTORICHE E GEOGRAFICHE SULLA CITTÀ E CHIESA ARCIVESCOVILE DI DAMIATA, Loreto, juin 1816. (Studi, p. 120.)

DELLA FAMA AVUTA DA ORAZIO PRESSO GLI ANTICHI, Spett. t. VII, 1817. (Studi, p. 126.)

1817-1818.

LA TORTA, poemetto d'autore incerto, tradotto dal latino, Spett. VII, 1817. (Studi, p. 140.)

INNO A NETTUNO, d'incerto autore, trad. dal greco, Spett. VII. (Studi, p. 146.)

ODÆ ADESPOTÆ (en grec), Spett. VII (Studi, p. 168.)

TITANOMACHIA DI ESIODO, traduzione, Spett. VII (Studi, p. 171.) ELEGIE, versi del conte G. Leopardi, Bologne, 1826. Ce volume contenait deux élégies, Il primo amore et Dove son? dove fui? La seconde ne fut réimprimée qu'en partie dans l'éd. de Bologne, 1836: c'est le Frammento de l'éd. Le Monnier (p. 132). Elle se trouve tout entière dans les Studi, p. 182.

SONETTI IN PERSONA DI SER PECORA FIORENTINO BECCAIO, à la fin des Elégies (Studi, p. 185.)

(1) Voir l'excellent Indice publié par Pellegrini à la fin des Studi.

LIBRO SECONDO DELL' ENEIDE, tradotto dal conte G. Leopardi, Milan, librairie Pirotta, 1817, in-8. (Studi, p. 189.)

CANZONI ALI' ITALIA E SOPRA IL MONUMENTO DI DANTE CHE SI PREPARA A FIRENZE, Rome, 1818.— C'est dans cette édition qu'on lisait ces vers (Canzone II, st. 6) :

Taccio gli altri nemici e l'altre doglie;

Ma non la Francia scelerata e nera
Per cui presso alle soglie

Vide la patria mia l'ultima sera.

Dans l'édition florentine de 1831, Leopardi les modifia ainsi :
Taccio gli altri nemici e l'altre doglie;

Ma non la più recente e la più fera

Per cui, etc.

Et il ajouta cette note, qui disparut dans les éditions suivantes : «L'autore, per quello che nei versi seguenti (scritti in sua primissima gioventù) è detto in offesa degli stranieri, avrebbe rifiutata tutta la canzone, se la volontà di alcuni amici, i quali miravano solamente alla poesia, non l'avesse conservata. »

1819.

IDILLII, Nuovo Ricoglitore, Milan, 1825, année 1re, p. 903. et an. 2o 1826, p. 45. Ces Idylles étaient au nombre de six : L'infinito, La sera del giorno festivo, La Ricordanza, Il sogno, Lo spavento notturno, La vita solitaria. La Ricordanza fut intitulée, dans l'éd. de 1831 et dans les suivantes, Alla Luna. Lo spavento, omis dans l'éd. de 1831, fut réimprimé sans titre parmi les Fragments (éd. Le Monnier, 1, p. 130.)

ANNOTAZIONI SOPRA LA CRONICA D'EUSEBIO PUBBLICATA L'ANNO MDCCXVIII IN MILANO DAI DOTTORI ANGELO MAI E GIOVANNI ZOHRAB, SCRITTE L'ANNO APPRESSO DAL C. G. LEOPARDI A UN AMICO SUO, Rome, 1823.

1820.

AD ANGELO MAI QUAND' EBBE TROVATO I LIBRI DI CICERONE DELLA REPUBLICA : CANZONE, Bologne, 1820.

PHILONIS JUDÆI SERMONES TRES... TRANSLATI PER P. JO. BAPTISTAM AUCHER ANCIRANUM, article critique, Effemeridi letterarie, Rome, 1822, 1. IX (Studi, p. 222.)

M. TULLII CICERONIS DE REPUBLICA, article critique en latin, dans le même recueil, même vol.

1823.

VOLGARIZZAMENTO DELLA SATIRA DI SIMONIDE SOPRA LE DONNE, Ricoglitore, Milan, 1825, année 1, p. 829. (Studi, p. 231.)

1824.

CANZONI, Bologne 1824. Outre les trois canzoni déjà imprimées

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