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anciens & modernes fur le mal phyfique & le mal moral qu'il examine. La comparaison fuivie de la mythologie des Egyptiens, des Grecs & des Romains avec le récit de Moyfe dans la Genese, nous paroît fur - tout mériter quelque attention, en ce qu'elle femble indiquer une feule & même fource de toutes les idées que la plupart des anciens s'étoient formées fur l'origine des chofes.

Qui méconnoîtroit, par exemple, les pre miers veríets du récit de Moyfe dans l'expo fition d'Ovide, que M. Gin a soin d'en rapprocher ?

» Au commencement, avoit dit l'hiftorien » facré, au commencement de tous les tems, » celui qui eft par effence, fit, bâtit, donna » l'être au ciel & à la terre... Les tenebres » couvroient la face de l'aby me, & l'efprit de » dieu étoit porté fur les eaux... «

aucune

» Il n'exiftoit, dit le poëte latin » différence fenfible entre les parties de la ma» tiere, maffe informe qu'ils nomment le chaos, » poids inutile, tant que les femences des êtres » qu'il renfermoit, demeurerent confondues... » La terre n'avoit aucune folidité, l'eau aucune » fluidité; aucune lumiere n'étoit répandue dans » l'air; aucun des élémens ne jouiffoit de fes » droits; l'un s'oppofoit à l'autre... Dieu don>> nant à chaque être une forme meilleure, » fépara la terre du ciel, l'élément liquide de » la maffe pefante qui le tenoit affervi; l'éther » fut diftingué du fluide épais qui nous environne dieu termina ces longues querelles

» Ainfi dégagés des liens qui les retenoient » les élémens occuperent d'eux-mêmes la place » que leur affignoit leur pefanteur spécifique. » La concorde fut affermie fur des bafes éter

nelles; le feu s'élançant au fommet de la » voûte éthérée, forma ce ciel éclatant fans » pefanteur, qui brille fur nos têtes. L'air qui l'approche en légèreté, occupa la feconde » place. La terre entraînant les eaux dans les » lieux les plus bas, en fut couverte. L'élément » folide fervit de bafe à l'univers. «

Un rapprochement plus fenfible encore eft celui des opérations décrites par Moyfe pour le troifieme jour de la création, & de celles que le poëte latin attribue à la divinité.

» Dieu dit que les eaux fe raffemblent dans » un lieu, que la matiere aride paroiffe; & il » fut fait ainfi... Dieu dit encore: Que la terre » produife l'herbe verte qui porte la graine en » ellemêine, & des arbres qui portent des » fruits fuivant leurs efpeces, & renferment le » germe de leur production ; & il fut ainfi » fait. «

Voilà le texte de Moyfe; voici celui que notre auteur en rapproche:

» Quel que foit celui des dieux qui débrouilla » le chaos, qui difpofa les parties, & comme » les membres de la matiere, il donna à la terre » la figure d'une calotte immenfe, bordée de » tous côtés par la mer. Un dieu diftribua les » courans & les détroits, ordonna aux vents n d'élever les ondes, de leur imprimer la rapi

dité; il y joignit les fontaines, les étangs,

ìles lacs, les fleuves qui parcourent la terre, » décrivant des lignes ou droites ou tortueuses, » fuivant les lieux qu'ils arrofent... L'Etre tout

puiffant ordonna aux plaines de s'étendre, » aux vallées de s'abaiffer, aux forêts de fe » couvrir de feuilles...

Héfiode, Homere, Virgile, les Indiens, les Egyptiens, fourniffent encore à M. Gin beaucoup d'autres textes à rapprocher, non-feulement fur ces premiers jours de la création, mais fur celle des premiers hommes, la durée de leur vie, la force de leur corps, leurs crimes & l'hiftoire du déluge: on fent aifément l'avantage qu'il peut en tirer en faveur de l'hiftorien facré dont l'antiquité ne peut être conteftée.

L'opinion qui concilie le plus parfaitement l'existence du mal phyfique & du mal moral avec la bonté & la toute puiffance de dieu, eft (comme le montre l'auteur dans la troifieme partie) celle de la chûte du premier homme, unie aux dogmes de l'immortalité, des peines & des récompenfes d'une vie à venir.

» Pesez, ô mon ami, toure la force de la » réponse que le dogme de l'immortalité de l'a» me, ce port afsuré promis au jufte, dans le» quel il se repofera de fes fatigues, où il goû » tera une félicité méritée par fes travaux, par » fa patience, ces tourmens, ces remords, ce » ver rongeur, réservés au méchant, nous "fourniffent contre la prétendue contradiction » entre la fageffe, la toute puiffance divine, &

l'existence trop certaine du mal phyfique &

» du mal moral, & toutes vos difficultés dif » paroîtront. «

Cette question en entraîne bien d'autres fur la révélation de ce dogme, fur le fuicide, fur la morale, & les myfteres de la religion. M. Gin s'occupe fur-tout à réunir les principales difficultés que l'on trouve dans divers ouvrages modernes. Il ne les réfout pas fans doute en théologien, mais en homme du monde inftruit, réfléchi, & qui fait réduire la philosophie à ses vraies limites.

En preuve de fon zele, nous citerons encore le morceau fuivant.

» Le respect pour la foi de nos peres s'altere infenfiblement; on écoute avec avidité, on » recueille avec foin, on lit avec empreffement » des pieces de théatre, des romans, des fables, » qui ne paroiffent avoir d'autre but que de » procurer à l'efprit un délaffement innocent, » utile même par les faits célebres qu'ils retra » cent, par la raifon, l'humanité qu'ils refpi» rent. Ainfi couvert du parfum délicieux de » l'éloquence, & du charme de la poéfre, le » poifon s'infinue dans les efprits & dans les » cœurs. Les hommes fages prévoyant le » danger, effaient ils d'opposer à des fophifmes » captieux, à des faits avancés avec témérité, la force du raifonnement, la fageffe de la critique? Ils paffent pour d'ennuyeux pédans, » agités de vaines terreurs, qu'on ne doit ni » écouter ni lire. Quand une fois on a per» fuadé aux hommes que toute révélation fur» naturelle eft impoffible & contradictoire avec

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la bonté & la toute puiffance de l'Etre infini,

les romans les plus abfurdes, les suppositions » les plus dénuées de preuves, femblent avoir

acquis un degré de vraisemblance fupérieure » aux faits qui démontrent la révélation. Ainfi » l'impiété marche le front levé, nous condui » fant d'abord au pur théisme, & par l'impof» fibilité de nous appuyer fur une base si fra»gile, nous entraîne enfin dans un fatalisme » abfurde... Peu de philofophie dispose à l'a» théïsme; mais beaucoup de profondeur ra » mene à la religion. «<

Quoique M. Gin n'ait pas toujours répondu victorieufement aux objections des fameux philofophes fceptiques, tels que Bayle, Rouffeau, &c! on lui doit néanmoins des éloges fur le zele qu'il a mis à les combattre ; l'ouvrage est écrit avec clarté & avec méthode, & doit faire honneur à M. Gin, déja connu par des ouvrages d'un autre genre.

(Mercure de France; Journal encyclopédi que; Journal de Paris; Journal général de France.)

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