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LETTRES grecques par le rhéteur ALCIPHRON, ou anecdotes fur les mœurs & les usages de la Grece, traduites pour la premiere fois en françois, avec des notes hiftoriques & critiques: 3 vol. dont le premier contient les Courtifannes, le fecond les Parafites, le troifieme les mœurs des peuples de la Grece. Les 3 vol: reliés 3 1. 10 f. A Amfterdam; & fe trouvent à Paris, chez Nyon l'aîpé, libraire, rue du Jardinet, quartier St. André-des-Arcs. 1784.

Le Théteur Alciphron eft peu connu, n'ayant

jamais été traduit dans notre langue. La traduction latine de Bergler, quoique la plus correcte, étoit peu propre à faire goûter l'auteur, par l'afpérité & la rudeffe qui y régnent, & qui fe reffentent de celle du traducteur. Qui pouvoit reconnoître dans ce ton dur & mauffade, la naïve fimplicité d'Alciphron, moins plaifant peut-être & moins original que Lucien, à qui il a fervi plus d'une fois de modele, mais toujours plus fage & plus pur?

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Jufqu'ici nous ne connoiffions de la Grèce que le gouvernement & les mœurs publiques, ni des Grecs que les généraux & les miniftres d'état, & ce n'étoit pas bien connoître la Grece ni les Grecs. Le peuple & la multitude ne

nous étoient connus que par l'influence qu'ils avoient fur l'adminiftration. Le rhéteur Alciphron paroît avoir pour but de nous faire connoître les mœurs privées de la Grece, les Grecs en particulier, non pas tous les Grecs, mais particuliérement trois claffes, savoir; les Courtifannes, les Parafites, & enfin les Pêcheurs & les habitans de la campagne. C'eft fous la forme de lettres qu'il nous préfente ces diverses correfpondances. Peut-être eût-il été plus naturel & plus vraisemblable d'adopter la forme des dialogues, comme a fait Lucien ; arrendu que les courtifannes écrivent peu, encore moins les parafites, & jamais les pêcheurs ni les villageois. On pourroit encore ajouter que le dialogue eût donné plus de vivacité & d'intérêt à l'ouvrage; que l'alternative des difcours & des réparties nous eût fait mieux connoître tous ces divers personnages que des lettres qui, le plus fouvent, ne font pas fuivies de réponses. Quoi qu'il en foit, pour fuivre l'ordre que le traducteur a adopté, nous parlerons d'abord des Courtifannes qui compofent le premier volume.

On peut dire que le Difcours préliminaire, qui est à la tête, eft plus inftructif que toutes les lettres; il est tiré du docte Athenie, & ne laiffe rien à défirer fur tous les détails relatifs à ce fujet. On y voit l'influence que les courtifannes avoient dans l'état, les connoiffances dont le plus fouvent elles étoient douées, l'af cendant qu'elles avoient fur les principaux gé néraux & les plus aufteres philofophes, l'antipathie néanmoins qui régnoit entr'elles & les

philofophes; mais ce qu'on y voit fur - tout; c'eft le point de corruption, de molleffe & d'aviliffement où étoient arrivés les Grecs, furtout les citoyens d'Athenes & de Corinthe; corruption & aviliffement tels qu'on élevoit des ftatues & des temples à ces courrifannes, & qu'on favoit mettre à profit leur réputation pour obtenir, par le moyen de leurs charmes, les fecours des rois de Perfe & autres rois voifins. En un mot, ce Difcours préliminaire fait connoître en grand détail les courtifannes les plus célebres, leur beauté, leur efprit & leur caractere. Viennent enfuite les lettres que ces cour. tifannes font cenfées s'écrire l'une à l'autre : celle de Menandre, célebre poëte comique, à Glycere, & la réponse de Glycere, font les plus intéreffantes. Menandre l'inftruit du facrifice qu'il lui a fait des offres brillantes du roi d'Egypte. Glycere exprime fa joie, fa reconnoiffance & fon amour. Elles ne font pas toutes fi tendres nifi gracieufes. Plufieurs refpirent un tout autre ton; ce font, tantôt les plaintes, les importunités des amans; tantôt les dédains & les réponses avides & intéreffées des courtifannes. Bien des perfonnes, une fois inftruites par le Difcours préliminaire, feront peu flatées de lire cette correfpondance érotique & mercenaire. Au moins, fauront-elles gré au traducteur d'avoir fupprimé tout ce qui pouvoit bleffer la pudeur & la modeftie; c'étoit un point affez délicat dans un pareil fujet.

Venons aux Parafites qui compofent le second volume. Il commence de même par un Dif

cours préliminaire, également inftructif. Ce mot de Parafites, depuis fi décrié parmi les Grecs, plus encore qu'il ne l'eft parmi nous, n'exprimoit pas dans les anciens tems une chofe honteufe. C'étoit le nom qu'on donnoit aux personnes nommées pour repréfenter le peuple aux repas folemnels. Suivant les loix de Solon, tous les citoyens étoient obligés d'affifter de tems en tems aux repas de l'hôtel-de-ville, ce qui s'appelloit Parafites; & il étoit auffi condamnable de s'y trouver trop rarement que d'y être trop affidu. Mais ce qui fut long-tems un honneur ou un devoir devint dans la fuite un fujet de dérifion, & enfin le nom de Parafite emporta avec lui l'idée d'un importun, d'un gour. mand & d'un lâche & vil adulateur; c'eft ce qui paroît clairement dans les lettres auxquelles ce difcours fert d'introduction. Elles contiennent pour la plupart les plaintes des Parafites bafoués, bernės, fouvent maltraités dans les repas. Nous dirons même que ces répétitions font fatiguantes, d'autant plus qu'elles roulent fur des fujets affez dégoûtans par eux-mêmes. L'un s'applaudit d'avoir échappé à ceux qui vouloient le plonger dans une chaudiere d'eau bouillante; l'autre regrette le favon & le nitre qu'il lui en a coûté pour dégraiffer fon habit inondé exprès d'un plat de fauce gluante; un autre maudit le barbier qui, en l'écorchant, a affecté de ne le rafer qu'à demi, ce qui l'a exposé à la huée de tous les convives. Nous faifons grace au lecteur d'une infinité d'autres récits du même

genre; & nous finiffons par rendre compte de la troifieme partie.

Les pêcheurs l'occupent prefque toute entiere. La plupart font mécontens de leur état, & durs dans leurs plaintes; l'un d'eux expofe, d'une maniere affez naïve, la molleffe d'un jeune Athénien qu'il avoit conduit dans fa chaloupe.

» Le bois de mon bateau lui a femblé d'une » dureté infupportable, & ne pouvant le cou» cher comme les autres fur le tillac, trou

vant fans doute la planche auffi dure que la pierre, il l'a fait couvrir de tapis étran"gers & de couffins. Il a demandé que nous > tendiffions une voile au-deffus pour le met» tre à l'ombre, parce qu'il fe prétendoit in» commodé par les rayons du foleil. Quelle » différence de ces hommes voluptueux à nous

autres pêcheurs, que la fuperfluité des ri» cheffes n'habitue point à ces raffinemens. «

L'infatiable cupidité des ufuriers, & les bruyans & éternels récits des militaires trouvent place dans quelques-unes de ces lettres. D'autres font écrites par des laboureurs & gens de campagne; il y en a d'affez intéreffantes, comme de voifins qui s'invitent familiérement l'un l'autre. Nous en citerons une extrêmement piquante & tout-à-fait fur le ton d'Arif tophane.

» J'avois envoyé mon fils à la ville pour y » vendre du bois & de l'orge. Il devoit reve

nir le même jour, & me rapporter le prix » de ce qu'il auroit vendu. Mais je ne fais » quelle divinité, dans fa colere, l'a tout d'un n coup infpiré, l'a totalement changé, l'a rendu

» fou,

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