» qu'il venoit de montrer. Son pere, qui s'ima" ginoit que la feule crainte avoit dirigé cette » action, fut bien détrompé, quand il le vit » auffi-tôt mefurer fes forces avec un autre, » auquel il fit perdre les étriers, & qu'il attei» gnit fur la tête avec tant de roideur, qu'il "lui fit voler fon cafque à plus de dix pieds » de là. Toute l'affemblée battit auffi-tôt des » mains, applaudiffant à ce généreux aventu» rier, dont on ne connoiffoit ni le nom ni » la perfonne; mais ce fut un redoublement » de joie, particuliérement pour fon pere, quand » Guefclin leva la vifiere de fon cafque: il cou» rut embraffer ce fils qui lui faifoit tant d'hon»neur, & dont tous les affiftans admirerent la jeuneffe, l'adreffe & la furprenante hardieffe. » Il lui promit qu'à l'avenir il l'affifteroit de » chevaux & d'argent pour brusquer fortune » dans la guerre, puifqu'il avoit des difpofi» tions fi heureuíes. Sa mere & fa tante, qui "se trouverent là, ne fe pouvoient tenir de "joie, de voir dans ce jeune homme les glorieux » prémices de ce qu'on leur avoit promis qu'il » feroit un jour. « Ne diroit-on pas que l'auteur de la Henriade a connu cette fcene touchante, & qu'il l'a répétée dans le buitieme chant, lorsqu'il a peint le combat du jeune & du vieux d'Ailly. Ailleurs, on voit Bertrand du Guefclin au fiege de Rennes, comme l'Argant de la Jerufalem délivrée, porter la flamme à une grande tour de bois qui fervoit aux Anglois pour tirer fur la ville. Plus bas, on retrouve une fcene prefque fem blable à celle des adieux d'Hector & d'Andromaque, dans le 17e, livre de l'Iliade, en forte que, dans la lecture de ces mémoires, l'ame paffe fouvent de l'admiration à l'attendriffement. Nous nous bornerons aujourd'hui à ces morceaux, qui doivent faire fentir combien cette collection peut devenir intéressante. Le prix de la foufcription pour 12 vol. à Paris, eft de 48 livres, ou de 24 livres pour la demi année. Les foufcripteurs de province paieront de plus 7 liv. 4 f. pour l'année entiere, ou 3 liv. 12 f. pour la demi-année, à caufe des frais de pofte. On eft libre de ne foufcrire que pour 6 mois. Tous les mois, il paroît un volume de cette collection, d'environ 500 pag. format in 8vo. L'exécution typographique en plaît à l'oeil, & peut figurer dans les bibliotheques les plus recherchées. (Mercure de France; Journal de Paris; Journal encyclopédique.) LES deux Centénaires de Corneille, pieces en un afte & en vers; par M. le chevalier de CUBIE RES, de l'académie de Lyon. A Paris, chez Cailleau, imprimeur-libraire, rue Galande, No. 64. A Rouen, chez le Boucher, le jeune, rue Ganterie, 1785. De ces deux centénaires, l'une a été jouée avec fuccès fur quelques théatres de province (*); la feconde a été lue & reçue deux fois à la comédie françoife, où néanmoins elle n'a pas été représentée. Nous allons les faire connoître l'une & l'autre, tant par la citation de quelques uns de leurs détails, qu'en donnant une idée rapide de leur contexture. Dans la premiere, ( celle qui a été représentée en province) Apollon a fait préparer fur le Parnaffe, une fête deftinée à célébrer l'année féculaire de la mort de Corneille; mais c'eft en vain que le dieu des arts s'eft flatté d'enlever le poëte aux enfers, Pluton le refufe à fes voeux, & le retient dans l'Ely fée. Tandis qu'Apollon, Melpomene & Thalie s'affligent de ne pouvoir rendre qu'à l'image de l'auteur de Cinna, les honneurs qu'ils deftinoient à fa perfonne, un mortel ofe, à l'infu du dieu, s'in troduire dans le fanctuaire de fon temple: c'eft Mufes, voyez fa joie, & lifez dans les yeux Quand il a blasphêmé les talens & les dieux! Non; malgré fes lâches efforts, Le frélon n'aigrit point le nectar de l'abeille. Qu'on fe détrompe enfin, eft un membre de phrafe trop vague; il n'y a que les Scudéris qui puiffent fe tromper fur Corneille, parce qu'ils fe trompent à leur efcient. Ceffe de t'abufer eût été plus jufte. Cette tirade établit la fupériorité de Corneille fur ceux qui l'ont précédé; mais elle ne peint pas encore celle de fon génie. Auffi Apollon ajoute-t-il plus bas : Quand le grand Richelieu lui donna des rivaux, Qu'il laiffe enfevelis fous l'herbe, Et monter à ce rang où l'on n'a plus d'égaux. S'il a quelques jaloux, fa rapide éloquence Oui, l'admiration eft le reffort fublime Que fa main fait toujours mouvoir; Et, par elle, sur nous il a tant de pouvoir, C'est par de pareils traits qu'un écrivain fe montre digne de louer un grand homme. La pensée rendue par le dernier vers appartient à Racine; mais elle trouve ici fa place très-natųrellement; d'ailleurs elle eft rajeunie par l'expreffion. Pour punir la lâche jaloufie de Scudéri, Apollon veut rendre hommage à Corneille en préfence de fon vil détracteur. Melpomene & Thalie fe retirent un inftant, & reparoiffent, l'une à la tête des principaux perfonnages tragiques, & l'autre des principaux perfonnages comiques qui |