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Ce tableau allégorique de la décadence de l'art tragique, n'eft malheureusement que trop vrai. A côté de lui, l'auteur a très adroite. ment placé les éloges de Racine, de Voltaire, de Crébillon, de Belloy. On doit favoir gré à M. de Cubieres d'avoir placé dans la bou. che de Corneille les fix vers fuivans, qui font de ce grand homme, & qui prouvent que fon ame étoit auffi élevée que fon génie. On lui a reproché d'avoir été jaloux de Racine ; Melpomene lui rappelle ce reproche. Voici fa réponse:

Je vois d'un œil égal croître le nom d'autrui,
Et tâche à m'élever tout auffi haut que lui,
Sans hafarder ma peine à le faire defcendre.
La gloire a des tréfors qu'on ne peut épuifer;
Et plus elle en prodigue à nous favorifer,
Plus elle en garde encore où chacun peut prétendre.

C'eft ainfi que devroient penser tous les grands artiftes. Qu'il eft fâcheux d'être obligé de convenir que des efprits fublimes ont été affez foibles, non-feulement pour haïr leurs rivaux, mais encore pour tenter de flétrir la gloire de leurs maîtres.

Cependant le Faux- Goût, fuivi de tous les fiens, veut s'emparer du temple de Melpomene. Les mules tentent de s'oppofer à fon deffein; Corneille marche avec elles au-devant des novateurs. Le Faux Goût l'emporte, il penetre dans le temple avec fa fuite; mais Apollon, qui a enlevé Corneille aux outrages de fes plats ennemis, paroît dans un nuage avec le grand homme, & s'adreffant au Faux· Goût :

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Vois-tu le grand Corneille affis à mes côtés?
De mes fuprêmes volontés

Son aspect doit t'inftruire & me faire connoître.
Tyran, defcends du trône & fais place à ton maître (*).

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Les rois, nés pour régir la terre,

Les grands qui confeillent les rois,
L'homme d'état qui fait fleurir les loix,
Le héros qui de Mars gouverne le tonnerre,
Tous les mortels par lui font formés aux vertus,
Turenne, dans Sertorius,

Puifoit des leçons fur la guerre.

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Le génie, en sa course impétueuse, altiere,
Souvent, je l'avouerai, marche à pas inégaux ;
Mais un feul lui fuffit pour franchir la carriere,
Et pour laiffer à la barriere

Se traîner loin de lui fes impuisfans rivaux.

Le Faux Goût ne veut point quitter le trô ne, & Apollon le frappe de la même fleche qui extermina jadis le ferpent Python. Le dieu des arts place Corneille fur le trône.

Dans une petite piece de M. Imbert, repréfentée pour l'inauguration du nouveau théatre François, le Mauvais Goût étoit précipité dans le Tartare par le pouvoir d'Apollon. Ce dénouement paroît avoir donné à M. de Cubieres l'idée du fien. Au refte, peut-être ne s'eft il point rappelé l'ouvrage de M. Imbert. L'idée de faire tomber le Faux- Goût fous la puiflance du dieu des arts eft fi naturelle, que deux auteurs peuvent s'y rencontrer, fans qu'on puiffe accufer

(*) Vers d'Héraclius.

de plagiat, celui des deux qui vient en second avec le même reffort; mais on aura toujours à dire qu'en littérature les idées appartiennent à l'écrivain qui le premier les a rendues pu. bliques.

Le ftyle de cette feconde centénaire eft fouvent négligé, & l'auteur s'y eft permis quelques plaifanteries qui ne nous paroiffent pas d'un bon genre. La fituation où le Faux- Goût remonte fur le trône au bruit des corners à bouquin, où on entend un chœur de voix difcordantes chanter victoire, victoire, & où Thalie s'écrie ironi. quement:

Silence, Monfieur Gluck, taifez-vous, Piccinni,
Devant cette belle mufique,

Nous paroît au moins équivoque. Dans un ouvrage où l'on déclare la guerre au Faux Goût, il faut être très-févere avec foi-même, & faire avec un goût très-pur & une recherche trèsfcrupuleule le choix de ses incidens, de ses penfées & de fes expreffions. Au reste, ce reproche ne s'adreffe qu'à quelques détails de la piece; ce que nous en avons cité prouve d'ailleurs qu'elle a des parties louables, & que l'auteur eft fouvent le maître de fon fujet.

Nous regrettons que dans les nombreux éloges que M. de Cubieres a donnés à Corneille, il ne fe foit pas étendu davantage fur les caracteres de Chimene & de Pauline. Ils feront l'admiration & l'amour de tous les véritables amateurs de l'art. Ils font placés dans des fituations fi heureufes, fi intéreffantes, fi dramatiques, que nous

ne connoiffons rien qui puiffe leur être com paré, ou au moins préféré.

Ces deux pieces font précédées de réflexions fur Corneille, où l'enthoufiafme de l'admiration eft porté quelquefois un peu loin, mais où l'on trouve souvent des idées très-juftes & des obfervations qui n'annoncent point un esprit ordinaire. M. de Cubieres remarque avec raison que c'est à Corneille que Racine a été redevable du plus grand nombre de ces expreffions trouvées qu'on a tant admirées dans fon ftyle, & il le prouve victorieufement. Il obferve encore avec beaucoup de jufteffe que fi ces deux grands hommes ont beaucoup influé fur leur fiecle, ils ont à leur tour beaucoup influé l'un fur l'autre ; mais il ajoute que Racine voyant le pas infructueux qu'il avoit fait dans le domaine de Corneille, retourna en arriere, & s'éleva à la haute place dont on ne l'a point vu defcendre, tandis que Corneille TOMBA DU TRONE en voulant trop s'avancer dans les états de Racine. Il eft trop vrai, Corneille fe perdit en voulant imiter Racine; mais fi Racine tomba dans l'Alexandre, il fe releva dans Bajazet & dans Britannicus, fur tout dans ce dernier ouvrage, un des chef-d'œuvres de notre théatre, production digne du grand Corneille, où Racine lui eft bien fupérieur par le ftyle, & dans lequel, pour nous fervir des expreffions de Voltaire, la politique eft foutenue par de grands intérêts, par des paffions vraies, & par de grands mouvemens d'éloquence. On peut préfumer que Racine doit à la fcene où Augufte rappelle à Cinna les bienfaits dont il l'a comblé, la fameufe fcene

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!

du quatrieme a&te de Britannicus entre Agrippine & Néron, scene pleine de génie, & toute entiere dans le goût de Corneille; mais il n'en réfultera pas moins que Racine a marché quelquefois à pas très-sûrs dans le domaine de l'auteur de Cinna.

(Mercure de France; Journal de Normandie.)

HISTORIA Moyfis a phyficorum & hiftoricorum commentis vindicatur, auctorè presbytero MARTINO DE STEPHANIS, &c. 1784. Ex typographia Petri Galeatii imprefforis archiep. epifc. in-8vo. A Pavie.

CELSE, Porphyre & Julien, critiquerent

l'hiftoire de Moyfe, qui nous a tranfmis la notice de l'origine du monde, de ce grand théatre des actions, & qui nous a donné l'histoire de la création de l'homme & de tous les autres êtres, en affurant pofitivement que chaque chofe fut créée par la toute puiffance de dieu.

Poffidonius, Apollonius & Apion attaquerent non-feulement l'hiftoire de Moyfe, mais encore fes loix & fa religion.

Clément & Cyrille, tous deux d'Alexandrie, Origene & Eufebe foutinrent contre Julien & Porphyre l'autorité de Moyfe.

Maimonide, ou Aben-Ezra, comme d'autres veulent, eft peut-être le premier, qui dans le 13 me. fiecle, donna lieu de foupçonner que quelques additions furent faites aux livres du légiflateur hébreu.

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