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dont beaucoup de perfonnes s'affectent, au point d'y faire une férieufe attention. Soit » que ces chofes proviennent d'un accident, du » défaut d'attention & de foin, de l'imperti"nence groffiere d'un inférieur, ou du fot » orgueil d'un fupérieur, une ame élevée le » méprise avec un fang froid, qui leur ôte tout moyen de l'offenfer. Qu'on ne croie » pas que nous prétendions recommander une » infenfibilité entiere à des affronts faits avec » deffein; mais il y en a certainement plufieurs » de ce dernier genre, qu'il eft plus noble » d'oublier fans y faire la moindre attention. "Quelquefois ce qui a l'apparence d'un affront »prémédité, n'eft dans le fond que purement » accidentel; d'autres fois ce n'eft que l'effet » d'une inadvertance; un affront même fait à » deffein peut trouver quelque excuse dans la » vivacité, dans la méprife ou dans une fauffe " inftruction d'un fait. Bien plus, dans le cas » où l'on ne peut alléguer aucune de ces rai» fons pour excufe, il y a fouvent une telle » baffeffe de mauvaise intention, tant de peti» teffe d'efprit dans l'agreffeur, que, fi la

perfonne offenfée regardoit dans le fein de » l'autre fans l'intervention de tout moyen » trompeur, il feroit furpris de voir combien » étoit petit l'objet qui avoit fait une fi grande, impreffion fur fon imagination. C'est le pro» pre de cette grandeur d'ame, que nous confi» dérons actuellement, de rendre l'homme ca»pable d'entrer fimplement & avec aisance dans » les fentimens & les paffions des autres, fans

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» trouver plus de mal dans ces paffions, lorf » qu'elles font dirigées contre lui même, que

lorfqu'elles font dirigées contre une perfonne » indifferente. Par fa vafte conception, il em» braffe tous les hommes dans un feul point de » vue, & ne se voit lui même que comme un » individu dans cette vafte multitude. «

» Comment les querelleurs fupporteront ils la comparaison avec ce caractere? Peut-on fe » faire gloire d'avoir pour maxime de ne jamais » fouffrir un affront? Ce n'eft point la maxime » d'une grande ame; qu'est-ce que c'est qu'une » feule perfonne, pour qu'elle doive exiger que » toute autre, dans chaque circonftance, dans »le tumulte des affaires dans une partie de "plaifir, dans un moment d'abfence & de dif» traction, dans un tems de chagrin & de trif» teffe, foit toujours fur fes gardes, au point » de n'être coupable de rien qui puiffe être in»terprété en affront. Un manque de cérémonial, » un regard hautain, une emphase particuliere » en prononçant des mots, innocens d'ailleurs, "font, à l'égard de la majefté d'un petit fuffi» fant, des offenfes qui méritent une sérieuse at»tention; elles doivent être immédiatement » lavées dans le fang; ou, fi par leur peu de ➜ conféquence elles ne font point cenfées méri»ter une expiation fi févere, elles font au » moins foigneufement imprimées dans la mé"moire, afin que, dans une autre occafion, " on puiffe en demander raison. Quand une » personne a eu le malheur d'irriter un homme » querelleur, par quelqu'une de ces petites

offenfes, qui peuvent à peine être eftimées ou décrites; la perfonne offenfée croit fou » vent néceffaire de faire un affront direct & » non équivoque à l'autre, dans le pur deffein » de pouffer la chofe à l'extrêmité. «

» Où eft la magnanimité de cette minutie & de cette petiteffe, en exigeant tout ce qu'on » se croit dû ? Quoique nous convenions qu'une » perfonne n'exige rien de plus que ce qui lui » eft ftrictement dû; cependant pour qu'elle

agiffe fur un fyftême pareil, il faut qu'elle » oublie l'imperfection générale de l'efpece hu » maine, & fe donne elle-même comme un » objet auquel le monde eft requis de faire » une plus grande attention qu'il ne fait, ou » eft cenfé faire, à la généralité des individus. «

» Suppofons actuellement un affront grave & "important, tel, en un mot, qu'un homme ne puiffe y être infenfible, fans qu'on lui reproche de manquer de fentiment, & tel en» core que la fûreté de l'individu & le bien du > public exigent qu'il foit puni, afin d'en pré» venir la réitération; le duel eft totalement > impropre, comme moyen de réparation ou de punition, quant à l'individu & au pu

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SPECTACLES.

PARIS.

COMÉDIE FRANÇOISE.

On a donné à ce théatre, le vendredi 7

mai, la premiere représentation de la Comteffe de Chazelle, comédie en cinq actes, en vers.

Le fujet de cette piece nouvelle paroît être pris, en partie, des Liaisons dangereuses, roman moderne qui a fait beaucoup de bruit dans le tems, & en partie de Clariffe, le chef-d'oeuvre des romans anglois. Le héros de la piece, le comte de Surville, eft un deuxieme Lovelace & l'héroïne, la comteffe de Chazelle, une autre Clariffe, excepté qu'elle eft veuve. Le but moral est le même que celui du roman, c'eftà-dire, comme l'a indiqué Richardson, de prémunir l'imprudence & la légèreté des jeunes perfonnes, contre les inventions & les artifices des féducteurs de l'autre fexe, propres à leur en impofer par des dehors & des qualités brillantes. Rien de plus louable que le deffein de répandre & de faire fructifier cette belle leçon, par l'action theatrale. On l'avoit heureufement tenté dans la comédie du Séducteur; mais ce coupable per

fonnage n'étoit pas affez puni: tout le monde l'a reproché dans le tems à l'auteur. Celui de la nouvelle piece fait périr Surville, comme Lovelace périt à la fin du roman : l'instruction par-là devient plus complette. Le caractere de ce fuborneur eft développé par plufieurs traits, entre lefquels, malgré beaucoup de tumulte, l'on a retenu celui-ci, au fujet d'une femme fans mœurs qu'il trompe comme les autres :

N'a-t-elle pas pour moi ce goût, cette habitude, Qui n'eft pas de l'amour, mais lui reffemble tant, Qu'aujourd'hui dans le monde on s'y trompe fouvent. Toutes les intrigues du fcélérat font dévoilées tant par cette même femme, que par la naïveté d'une jeune innocente, dont la petite fille qu'aime Lovelace, & qu'il appelle fon bouton de rofe, femble avoir donné l'idée ; & par l'indif crétion d'un M. Darance, que la tante du comte a retiré chez elle. Ce dernier perfonnage, contre lequel le public s'eft indifpofé dès le commencement de la piece, a excité de fi fréquens murmures, qu'il n'a prefque plus été poffible. d'entendre les autres, ni de fuivre le fil de l'action, qui cependant eft devenue affez vive au dénouement, par la sensibilité que Mlle. Con. tat a mife dans le rôle de la comteffe, quand elle apprend la mort du malheureux qui l'a trahie.

On avoit annoncé une feconde repréfentation de la piece, mais elle n'a pas eu lieu. (Affiches, annonces & avis divers; Journal de Paris.)

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