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PLAN de lecture pour une jeune Dame, &c. &c. A Paris, chez Prault, imprimeur · libraire, quai des Auguftins, & chez les libraires qui vendent les nouveautés.

Des philofophes chagrins ont interdit aux

femmes toute espece d'inftruction. Des philofophes plus juftes les ont appellées dans ce fiecle au partage des lumieres. Elles doivent en effet cultiver les talens qui leur prêtent des charmes nouveaux. Ne leur défendons pas même des connoiffances plus élevées. Elles s'interdiront bientôt, fans les vains confeils des moralistes, toutes les études qui nuiront à leur premiere destination, qui eft de plaire & d'aimer. Puifqu'elles font affociées à nos malheurs, n'eft il pas jufte qu'elles le foient auffi aux confolations que donnent les arts & les jouiffances de l'efprit ?

Plufieurs écrivains modernes défendirent leurs droits, & quelque uns leur tracerent des plans d'éducation. Rouffeau raflembla toutes les vertus & tous les attraits difperfés dans leur fexe aimable, pour en parer le beau modele qu'il leur offrit dans fon admirable Sophie. Rouffeau ne les A. jamais, & cependant il fit naître leur enthoufiafme. Eh! comment n'aimeroient-elles pas un écrivain qui, même en leur adreffant des vérités dures, les fait aimer davantage? Cet ora

teur, qui recula les bornes de fon art, en donnant à l'éloge de Marc-Aurele tout l'intérêt d'un drame attendriffant ou fublime; M. Thomas a répandu, dans un effai fur les femmes, fes idées, fon efprit & fon éloquence. Enfin M. de la Harpe, dont les talens obtiennent de plus en plus le fuffrage des juges équitables, célebre dans ce moment la plus intéresfante moitié du genre-humain. C'est au goût fans doute à chanter la beauté.

L'auteur de l'ouvrage que nous annonçons, embraffe un plan moins étendu. Il ne veut que tracer aux femmes celui de leurs lectures. C'est ainfi qu'il s'explique à la tête d'une préface trop modefte.

» L'homme de bon fens lui-même eft quel» quefois forcé d'augmenter le déluge des écrits » inutiles. Il s'en afflige & cede à la néceffité. » Mais il feroit très-peiné fi l'on penfoit qu'il » attache quelque importance à des feuilles tra»cées fans travail, & qui ne contiennent rien » de neuf. Celles-ci n'auroient jamais été écri»tes, fi elles n'avoient été demandées, &c. «

Une littérature étendue, un goût pur, des jugemens précis, un ftyle élégant, & fur-tout le courage de louer, en plufieurs endroits, le mérite vivant, font des qualités très-neuves aujourd'hui, & cet exemple ne peut être inutile. Enfeigner aux femmes à vieillir fans humeur & fans ennui, feroit le plus grand fervice qu'on pourroit leur rendre, dit très-agréablement l'auteur, & nous croyons qu'il y réuffira, s'il peut écrire fouvent pour elles. Laiffons-le donc parler lui même. » C'eft

» C'est par une étude un peu aride qu'elles » (les femmes) doivent commencer. Celle de » leur propre langue eft abfolument néceffaire.... » Nos grammaires françoises sont obfcures, dif» ficiles, embarraffées la meilleure, parce » qu'elle eft, la plus courte & la plus claire, » eft celle de l'abbé de Condillac. On doit la » préférer, fi on ne prend le parti beaucoup

plus fage de joindre l'étude d'une autre lan"gue à celle de fa langue maternelle. Loin » d'ajouter aux difficultés, ce fera trouver un » moyen de les diminuer. Les phrafes qu'on » entendra ne feront point illufion, & ne for. » ceront point à croire qu'on faifit des regles » abftraites, que fouvent on ne conçoit qu'im» parfaitement. D'ailleurs, l'attention fera fou. » tenue par la néceffité des efforts, pour ap» prendre ce qu'on ne pourra fe diffimuler qu'on

ignore; & les progrès mieux marqués anime»ront le défir d'en faire de nouveaux. On s'af» focie à l'auteur qu'on pénetre, & on lui trouve » plus de mérite, par la raison seule qu'on jouit » de celui d'avoir furmonté la difficulté de le n comprendre. u

Le meilleur efprit a dicté ces obfervations. La derniere eft pleine de jufteffe. L'auteur confeille aux femmes de choisir l'italien, à cause de fa molleffe & de fa douceur. D'autres raifons doivent les y engager. C'est dans cette langue qu'elles liront les deux poëmes enchanteurs, où elles font le plus célébrées. Ils les tranfporteront à cette brillante époque de la chevalerie, qui fut celle de leur empire & de leur Tome VII.

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gloire. D'ailleurs, avec quel plaifir ne doiventelles pas étudier une langue, où font compofés prefque tous les chefs-d'œuvre de la mufique, cet art charmant, qu'elles doivent tant aimer puifqu'il les rend plus belles & plus fenfibles! Continuons d'analyfer le plan que leur offre un ami de leur bonheur; pour les y conduire fûrement, il les rappelle à leurs véritables devoirs.

» Les devoirs de l'homme envers dieu, en» vers lui même, envers les autres hommes » ne fauroient être trop médités. La femme qui

penfe fe livrera à ces importans objets. Mais » contente d'avoir des principes qui fixent fon » opinion, & la soutiennent dans les orages des » paffions, elle ne se jettera point dans les la»byrinthes de la théologie. Un dieu que toute » la nature manifefte, que notre raison nous » prouve, que notre cœur nous commande » d'aimer, doit-il être l'éternel fujet des dif

cuffions des théologiens & des philofophes? « Fénelon fans doute ne parloit pas autrement des vérités éternelles aux femmes dont l'éducation l'occupa quelque tems.

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» Plus une femme fera fenfible, plus fon ef» prit fera grand, (c'eft l'auteur qui parle ) plus » la bible aura pour elle d'attraits. C'est dans » ce livre qu'on trouve ce que la fimplicité a » de plus aimable & de plus touchant, ce que » la raison a de plus fage, ce que le fenti» ment a de plus onctueux, ce que l'éloquence »a de plus fort & de plus élevé, ce que la

» poéfie a de plus gracieux ou de plus fublime, » & qu'on voit raffemblé dans un feul corps » d'ouvrage, dont toutes les parties ont une

liaifon intime, des beautés bien fupérieures » à celles que les plus puiffans génies ont fe»mées dans les écrits, que les hommes de tous » les tems ont le plus admirés. «

Les opinions énoncées dans les lectures, font celles d'un efprit très-éclairé & très-impartial. Quelques-unes, mais en petit nombre, font fufceptibles de difcuffion. Voyons comme on y apprécie Pascal.

Le grand athlete du chriftianifme, celui » qu'on ne peut vaincre ni ébranler, c'eft Pafcal. Il tient l'homme en fa puiffance; tantôt » il l'éleve aux céleftes régions, & tantôt il le plonge dans l'abyme de fa propre mifere. On n'a de lui que quelques pensées fur la morale & la religion; & ces pensées, qui » n'étoient pour lui que des matériaux impar » faits d'un très-grand ouvrage, nous préfen» tent les traces du génie le plus vafte & le » plus puiffant; fi elles ne renferment pas des » vérités importantes, il n'y a point de vérités » pour la terre. «

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On ne peut fentir & peindre plus vivement le génie de Pascal. Au refte, l'enthousiasme pour Pascal eft bien excusable. Vauvenargues, un des meilleurs efprits de ce fiécle, ne l'a pas moins loué dans un morceau plein de verve, mais quelquefois vague, &, ce me femble, infuffifant.

L'auteur apprécie Maffillon avec grace, Bof

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