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PREMIÈRE PÉRIODE,

DEPUIS LA FONDATION DE CARTHAGE JUSQU'Aux guerres AVEC SYRACUSE, AVANT J.-C., 880—840 (1).

1. La fondation et l'histoire primitive de Carthage, comme tous les événemens nationaux d'une grande importance qui remontent à une très-haute antiquité, se trouve déguisée sous des fables consacrées par une longue tradition. Ce qu'on raconte sur Didon, sa prétendue fondatrice, ne peut se concilier avec la vérité purement historique; mais cependant il en résulte évidemment que des troubles politiques, qui s'élevèrent à Tyr, dans la mère-patrie, occasionèrent l'émigration d'ụn parti mécontent qui se dirigea vers le nord de l'Afrique, qu'occupaient déjà d'autres villes phéniciennes ; et obtint des indigènes, moyennant un tribut annuel, la permission d'y bâtir une ville dont la situation fut si heureusement choisie, qu'il ne dépendait plus que des habitans d'en faire ce qu'elle fut en effet.

(1) Vers le même temps, dans l'intérieur de l'Asie, empire des Assyriens, Babyloniens, et première moitié de la durée de l'empire de Perse. - Chez les Grecs, période depuis Lycurgue jusqu'à Themistocle. Chez les Romains, période des rois et de la république, jusqu'à l'établissement des tribuns du peuple.

2. Quelque lent qu'ait été vraisemblablement l'accroissement de Carthage, il paraît cependant qu'à la fin de cette première période elle parvint à se rendre maîtresse d'une grande étendue de territoire en Afrique, et de possessions au dehors encore plus considérables. La domination carthaginoise en Afrique s'opéra insensiblement par l'asservissement des indigènes et l'établissement des colonies de citoyens carthaginois sur leur territoire; ils se mêlèrent insensiblement avec les naturels du pays (Lybi-Phoenices), les accoutumèrent à la culture des terres et à s'attacher à des demeures fixes. Les habitans de ce territoire fertile, qui s'étendait jusqu'au lac Tritonis, étaient entièrement sujets de Carthage.

3. Mais Carthage était dans d'autres rapports avec les anciennes colonies phéniciennes établies le long de la côte, surtout Utique. Car, quoiqu'elle conservât la prépondérance sur celles-ci, elle ne s'arrogeait cependant aucune domination arbitraire, mais plutôt elle était à la tête d'une ligue ou confédération qui unissait toutes ces villes entre elles, quoique cette protection dût sou, vent dégénérer en oppression,

4. Au moyen d'un accommodement avec la république de Cyrène, dont ils étaient voisins, les Carthaginois possédèrent tout le territoire compris entre les Syrtes. C'était là qu'habitaient les Lotophages et les Nasamons, peuples qui continuèrent de mener la vie nomade, mais qui, à raison de leur commerce avec l'intérieur de l'Afrique, étaient d'une grande importance pour Carthage.

5. Système colonial et de conquêtes hors de l'Afrique. On observe dans les Carthaginois la tendance à s'établir dans les îles et à les soumettre à leur domination. Toutes celles qui sont dans la partie occidentale de la mer Mé,

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diterranée entrent dans leur plan de conquête, qu'ils exécutent entièrement pour la Sardaigne, les Baléares, et autres petites îles, et peut-être même pour la Corse, mais en partie seulement pour la Sicile; les îles Canaries même, et Madère, paraissent leur avoir appartenu. D'un autre côté, avant leurs guerres avec les Romains, ils établirent des colonies détachées sur le continent, soit en Espagne, soit sur la côte occidentale de l'Afrique. Ils se proposaient en cela de marcher sur les traces des Phéniciens, leurs ancêtres, et de tenir leurs colonies dans un état de faiblesse et d'impuissance qui les maintînt toujours dans la plus étroite dépendance de la métropole.

6. C'est principalement à la famille de Magon (c'està-dire à lui-même, à ses deux fils, et à six de ses petitsfils) qu'appartient la gloire d'avoir étendu, par de grandes conquêtes, la domination de la république dans la Sicile, la Sardaigne et l'Afrique, dans le même temps que Cyrus, Cambyse et Darius fondaient la monarchie persane, avec laquelle Carthage commença dès-lors à entretenir des relations (550-480 ans avant J.-C. ). Les Carthaginois se montrèrent comme des conquérans redoutables dès le quatrième siècle de leur établissement, au point que l'on rapporte à cette époque la première 539 bataille navale qu'ils livrèrent aux Phocéens. C'est aussi dans cette période que tombe l'établissement de leurs colonies au-delà des colonnes d'Hercule, sur la côte d'Afrique par Hannon, sur celle d'Espagne par Himil509 con, vraisemblablement tous deux petits-fils de Magon. A cette époque encore appartient le premier traité de commerce qu'ils firent avec Rome; par lequel on voit qu'ils étaient déja maîtres de la Sardaigne, de l'Afrique et d'une partie de la Sicile.

7. Ces conquêtes et le soin de leur conservation nécessitèrent la création et l'équipement de flottes et d'armées considérables, qui, suivant la coutume des peuples guerriers et commerçans, se composaient en grande partie de troupes mercenaires. Mais aucun peuple n'a fait un usage aussi fréquent de ce moyen que les Carthaginois, puisque la moitié de l'Afrique et de l'Europe contribuait au recrutement de leurs guerriers. -Esquisse d'une armée carthaginoise et développement des avantages et des inconvéniens de sa constitution. -Organisation de la marine carthaginoise. L'état entretenait de très-nombreuses flottes de guerre, avec une foule d'esclaves (vraisemblablement appartenant à l'état) employés comme matelots.

8. La constitution politique de Carthage, comme celle de tous les riches états commerçans, se composait d'une aristocratie, fondée à-la-fois sur la noblesse et sur les richesses, mais qui conserva toujours un mélange de démocratie. Les affaires étaient entre les mains de éaux suffetes ou rois, dont la dignité était probablement à vie, et du sénat (Bouλ), dont faisait partie un corps moins nombreux (yepoucía). Le choix des magistrats appartenait au peuple, qui partageait avec les suffètes la puissance législative; les pouvoirs civils et militaires étaient séparés; les généraux n'y étaient point, comme à Rome, en même temps magistrats, mais ils avaient près d'eux des députés du sénat, dont ils étaient plus ou moins dépendans.

9. Mais l'éclat des conquêtes de plusieurs généraux de la famille de Magon paraissant menacer la république du despotisme militaire, et surtout la tentative qu'un général nommé Malchus avait déja faite auparavant pour asservir Carthage, donnèrent naissance à l'établis

sement d'un tribunal suprême composé de cent citoyens. Ce tribunal, destiné à protéger la constitution de l'état contre les attaques des aristocrates puissans, et surtout des généraux, atteignit, à la vérité, le but qu'on s'était proposé; mais plus tard il s'arrogea lui-même un pouvoir qui dégénéra bientôt en un vrai despotisme.

10. Nous ne connaissons que très-imparfaitement l'organisation des finances des Carthaginois. Les principales sources de leurs revenus publics paraissent avoir été les suivantes : 1. Les tributs qu'ils tiraient des villes alliées et de leurs sujets d'Afrique. Les premiers étaient payés en argent, et les autres en denrées, dont la quantité était déterminée d'une manière tout-à-fait arbitraire; tellement que, dans les cas urgens, ils étaient forcés de donner la moitié de leurs revenus. 2. C'était le même

cas pour les provinces du dehors, et particulièrement la Sardaigne. 3. Les tributs que payaient les hordes nomades, soit celles qui habitaient le pays entre les Syrtes, soit celles qui étaient situées à l'ouest. 4. Les droits de douane ou de péage, qui étaient levés avec une grande rigueur, non-seulement à Carthage, mais encore dans toutes les colonies. 5. Les produits des mines, particulièrement de celles d'Espagne, qui étaient très-riches. On ne doit pas oublier, lorsqu'il s'agit des finances des Carthaginois, que beaucoup de peuples avec lesquels ils faisaient le commerce, ou qui combattaient dans leurs armées, ne connaissaient aucune monnaie d'argent.

11. Direction et étendue du commerce des Carthaginois. Ils aspiraient à s'approprier le monopole du commerce d'occident; de là, la limitation de leurs colonies et le soin qu'ils prenaient d'éloigner tous les étrangers de leurs places de commerce. Leur trafic se faisait en

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