Immagini della pagina
PDF
ePub

cession du connubium et du commercium, c'est qu'elle ne voit aucun danger dans la faculté accordée à un autre État de participer, par l'entremise des citoyens, qui le composent, à son organisation politique, religieuse et sociale; on ne craint pas que le mariage avec des étrangers apporte une modification regrettable dans la composition des familles, qui intéresse et le culte et la politique intérieure; on ne redoute pas de voir les membres d'une cité voisine prendre une influence trop grande, par l'acquisition de biens dans le territoire de l'État. La préoccupation de régler au mieux des rapports internationaux se montre surtout sensible, dans l'institution d'une procédure régulière, à l'effet de juger les difficultés nées entre citoyens appartenant à des cités différentes. La Reciperatio établie par les traités a pour cause première le souci de maintenir les bonnes relations pacifiques. Il est remarquable, en effet, que les premières luttes de Rome contre ses voisins ont eu pour origine le pillage et le vol, d'une manière plus générale, une lésion commise, dont il était impossible d'obtenir réparation. Sans parler de l'enlèvement des Sabines, une légende peut-être, mais curieuse et permettant de comprendre l'intérêt que pouvait offrir la concession du connubium, il est facile de relever d'autres faits moins contestables: ainsi l'on raconte que Tatius, roi des Sabins, fut tué par les Laurentins, auxquels il refusait justice d'un meurtre (1). Les incursions des Volsques, les brigandages des Éques causent à Rome et à ses alliés les plus graves ennuis (2). Lorsqu'un citoyen est victime d'un vol, lorsqu'il éprouve une lésion et qu'il ne peut poursuivre en justice l'auteur du vol ou de la lésion, la cité tout entière doit prendre sa défense et, pour des intérêts individuels, la guerre éclate entre deux peuples. D'où la nécessité, lors de la formation d'une alliance, si on la désire durable, d'organiser une procédure permettant aux membres d'une cité d'appeler en justice les citoyens d'une autre cité. La préoccupation d'améliorer les rapports entre États paraît

[blocks in formation]

(2) Duruy, op. cit., p. 165. V. Nonius, cité par Weiss. Le droit fétial et les fétiaux à Rome. France judiciaire, 1882-1883, 1re partie, p. 444.

« Qui adversum populum Romanum vi aut rapinis aut injuriis hostili mente commoverant... » Liv. IV, 30; VI, 31... latrocinii more.

si évidente, que, au début tout au moins, la procédure est la même, qu'il s'agisse d'une lésion commise envers un particulier ou envers l'État : dans l'un et l'autre cas, on réclamait tout d'abord l'extradition du coupable, et celui-ci, livré aux fétiaux de l'État lésé soit directement, soit indirectement en la personne d'un de ses membres, était jugé par le tribunal des Récupérateurs (1).

19.

Il est certain que l'extradition s'appliquait en cas d'offense dirigée contre la République, par exemple, à la suite d'un outrage à la personne d'un ambassadeur, ou encore comme conséquence de la rupture d'un traité consenti par le général seul (2). Mais l'extradition s'appliquait aussi dans les conflits entre particuliers, la lésion commise étant considérée, en réalité, comme une atteinte au traité (3). L'extradition avait sans doute pour but d'assurer l'exécution efficace de la sentence, en mettant la personne même du coupable à la disposition de la victime du dommage; d'autre part, l'indépendance du citoyen, accusé d'être l'auteur d'une lésion, trouvait une garantie suffisante, puisque l'extradition ne pouvait être accordée qu'avec l'autorisation des pouvoirs publics de sa propre cité (4).

20. Cette identité dans la procédure, jointe à la façon. d'envisager la concession du connubium et du commercium, nous conduit à la remarque suivante. La notion d'un droit privé, applicable aux étrangers, n'apparaît pas distincte dans les premiers temps de l'histoire romaine; elle se trouve intimement confondue avec la notion du droit applicable aux relations entre États. Le jus gentium, dans son acception ancienne, comprend exclusivement les règles qui président aux rapports publics entre les cités, au nombre desquelles on doit ranger la concession de certains droits au profit des étran

(1) Le passage de Denys d'Halicarnasse que l'on invoque (V. Accarias, Précis de Droit romain, t. II, no 737, p. 662, ne 1, 4e éd.), parfois pour soutenir que les Récupérateurs jugeaient dans le pays du défendeur ne nous paraît nullement décisif.

(2) V. infrà, no 33.

(3) V. Weiss, op. cit., p. 473. La définition de la reciperatio (V. infrà, no 21) prouve que les questions d'intérêt général ou d'intérêt privé étaient placées sur la même ligne.

(4) V. infrà, no 33.

gers (1). Plus tard, il est vrai, le droit des étrangers devint une branche distincte de la jurisprudence, une partie spéciale du droit privé, que l'on oppose au jus civile; mais l'expression jus gentium ne revêt cette acception nouvelle qu'au moment même où le droit international public commence à s'effacer, dans les relations de Rome avec les autres peuples. En effet, l'institution du préteur pérégrin, origine de cette transformation, n'est guère antérieure à la seconde période que nous avons signalée. La création de cette magistrature s'imposait à raison du nombre croissant des sujets pérégrins et de leur affluence à Rome. Le magistrat, appelé à régler les transactions multiples nées des rapports entre les pérégrins assujettis et les citoyens Romains, dut prendre pour base de sa juridiction, pour fondement de la rédaction de l'édit, les droits concédés autrefois par des traités internationaux aux cités alliées, avant leur sujétion. C'est pourquoi, sans doute, les Latini veteres possédaient une situation privilégiée par rapport aux autres pérégrins; ils avaient conservé le jus connubii et le jus commercii, que les traités d'alliance leur avaient concédés. A défaut de pactes antérieurs, le préteur s'est laissé guider par le principe dominant des relations internationales, par la no

(1) Peut-être cette expression désignait-elle plus anciennement encore la fédération des gentes d'une même cité. D'après M. Fusitano (Le droit international de la république romaine, Revue de droit international, 1885, XVII, p. 286 et 287) l'expression jus gentium, dans son sens primitif, aurait désigné un petit nombre de règles qui, par exception, auraient été reconnues comme règles juridiques internationales, et cela par opposition à l'ensemble du jus fetiale, lequel n'aurait constitué qu'un droit public externe, propre aux Romains, un droit national applicable aux relations extérieures; au reste, on aurait employé également l'expression jus belli ac pacis comme synonyme de jus fetiale. Tel n'est pas notre avis le jus feliale désigne, suivant nous, la partie du droit des gens, du jus gentium, rentrant dans les attributions exclusives des fétiaux; quant au jus gentium, qui a pour équivalent jus belli ac pacis, c'est, dans son acception primitive, l'ensemble des règles applicables aux rapports entre les peuples et présentant un caractère juridique international. D'après M. Mommsen, op. cit., t. VI, 2e partie, p. 222, le jus gentium se rattache à l'idée abstraite d'un droit privé commun à tous les peuples; c'est le droit général non écrit, identifié avec le jus naturæ; mais si l'on concède que ce droit privé n'est reconnu primitivement aux autres peuples qu'en vertu des concessions expresses d'un traité, concessions envisagées au point de vue des rapports entre États, il est préférable d'admettre pour le jus gentium l'acception première que nous proposons.

tion de la bona fides (1). Le jus gentium, en pénétrant ainsi l'édit prétorien, perdait son caractère primitif pour prendre celui d'un droit privé, parallèle au jus civile. Les deux préteurs, urbain et pérégrin, devenaient la personnification vivante de deux branches distinctes de la jurisprudence, reliées toutefois par leur caractère commun de droit privé, les magistrats qui les représentaient étant eux-mêmes unis par une qualité identique. L'évolution s'accuse encore dans les modifications que subit la juridiction des récupérateurs : cette institution passa, à son tour, du domaine des relations internationales dans la sphère du droit privé, pour éprouver ensuite une complète transformation, puisqu'on la voit fonctionner entre parties ayant toutes la qualité de citoyens romains (2). Ainsi, au moment même où Rome allait perdre la notion primitive du droit des gens, admise dans les rapports entre cités indépendantes, une partie importante de ce droit était recueillie et maintenue, mais avec un caractère nouveau; le jus gentium devenait un droit privé applicable aux étrangers.

[ocr errors]

21. Les questions diverses, qui formaient l'objet des pactes d'alliance, étaient réglées sur le pied de l'égalité et de la réciprocité. Nous savons déjà qu'il faut se garder de croire à une égalité véritable entre Rome et beaucoup de cités jouissant d'une liberté nominale; malgré l'influence d'une hégémonie pesante, on décernait volontiers le titre de liberi amici à des peuples dont on voulait ménager l'amour-propre. Nous avons éliminé, à priori, tous rapports de cette nature. Mais Rome a été longtemps entourée de cités puissantes qu'elle ne pouvait prétendre dominer, trop heureuse de ne pas subir elle-même la honte d'un traité, semblable à celui qui fut dicté par Porsenna. La synonymie des termes hostire et æquare et le sens primitif du mot hostes, employé pour désigner les étrangers (3), démontrent que l'égalité de droits et la réciprocité étaient à la base des rapports entre cités voisines. Les traités de commerce conclus avec Carthage n'impliquent aucune prééminence d'un peuple sur l'autre. L'alliance de Rome

(1) V. infrà, no 68.

(2) V. Accarias, op. cit., II, no 737. (3) V. Accarias, op. cit., I, no 49. partie, p. 215.

Cpr. Mommsen, op. cit., t. VI, 2e

avec les Sabins, aux termes de laquelle les deux peuples choisissent alternativement le roi, accuse l'égalité la plus étroite, et le traité conclu par Sp. Cassius avec les cités latines est le règlement équitable d'une société dont tous les membres sont égaux (1). La concession du connubium et du commercium était réciproque, et il semble, à en juger par le rapt des Sabines, que les Romains trouvèrent, dans les premiers temps, plus d'intérêt que d'autres à cette faveur. Quant au droit d'ester en justice, la réciprocité ressort de la définition même que nous donne Festus de la reciperatio : « Reciperatio est, cum inter populum et reges nationesque et civitates peregrinas lex convenit quomodo per reciperatores reddantur res reciperenturque, resque privatas inter se persequantur (2). »

22. Non seulement cette partie conventionnelle des rapports entre Rome et ses voisins appartient au domaine des relations entre États, non seulement on y trouve la réciprocité et l'égalité de traitement, mais il est vrai d'ajouter encore que ces questions offrent un caractère juridique et que la notion du droit n'était pas étrangère à leur réglementation. C'est à peine s'il est besoin de faire remarquer, dans l'organisation. d'une procédure pour les litiges entre citoyens et pérégrins, dans la concession réciproque de certains avantages, le souci d'introduire une conception juridique dans les relations internationales. Bien mieux, abstraction faite du contenu des conventions, le traité, pris en lui-même, a la valeur d'un acte juridique, soumis à des règles sensiblement analogues à celles des contrats entre particuliers.

23. La capacité nécessaire pour conclure le traité est déterminée et, comme il convient, c'est le droit public interne, qui fixe les conditions (3). En dehors de l'assentiment formel

(1) V. toutefois ce que dit Mommsen, op. cit., t. VI, 2e partie, sur la Ligue nationale latine; les différents textes invoqués, dans lesquels les auteurs signalent une certaine supériorité de Rome, sont probablement inspirés par le désir patriotique de rehausser dans l'histoire la gloire de la République; il est difficile d'admettre qu'en présence de cités au moins égales en force, Rome ait pu, dès le début, affirmer sa suprématie.

[ocr errors]

(2) Festus, v" Reciperatio. — Add. Cic., De off., III, 29. ... Adversus hostem et totum jus fetiale el multa sunt jura communia.

(3) On peut consulter à cet égard les ouvrages qui traitent du droit public romain et en particulier Mommsen, op. cit., t. VII, p. 280 et s.; p.

« IndietroContinua »