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de l'État, résultant du concours des comices et du Sénat, marqué par l'envoi de fétiaux pour la conclusion du traité, le magistrat, spécialement le général, revêtu de l'imperium, peut réaliser une convention avec un État étranger; mais l'efficacité de cette convention varie suivant son objet elle est assurée d'une exécution complète, lorsqu'elle se réfère seulement à des arrangements provisoires, aux mesures temporaires, que nécessite la conduite des opérations militaires. S'il s'agit de conventions d'une portée durable, ayant un caractère définitif, bien que l'acte conclu par le général reste valable en soi, l'État possède le droit de se dégager, si l'acte a été consenti sans son assentiment préalable (1). L'État, en effet, ne saurait, en dehors de sa volonté, se voir atteint dans son existence et dans sa dignité par une convention, émanant d'un simple magistrat. N'y a-t-il pas sur ce point quelque similitude avec le droit privé, dans l'hypothèse où le fils de famille contracte sans le jussus du père? Celui-ci profite des droits acquis par l'alieni juris, sans être forcément tenu des obligations contractées sans sa volonté; l'alieni juris demeure seul obligé, et c'est bien aussi ce qui se produit, quand la convention, passée par le général, a été repoussée par l'État; le magistrat n'est pas lié sans doute par le traité lui-même, mais on le considère comme coupable d'une violation du droit des gens et comme tenu d'une sorte d'obligation délictuelle, qui peut motiver contre lui une demande d'extradition, de la part de l'État lésé par la rupture du traité.

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24. Si l'on considère, d'autre part, la formation des conventions internationales, l'analogie s'affirme plus nette encore avec le droit privé. On y trouve l'échange de volontés entre deux parties contractantes, « duorum in idem placitum consensus, » et dans une forme nécessaire pour la création d'un lien de droit. Dans la convention conclue par voie d'interrogation et de réponse, sous la forme de la sponsio, on ne saurait nier la curieuse ressemblance, qui rapproche le traité du contrat le plus usité à Rome, de la stipulation. Dans l'hypothèse d'obli

365 et s. V. aussi Boyer, Le droit de conclure et de ratifier les traités selon le droit public romain et selon le droit public français. Thèse de doct. Paris, 1888.

(1) V. Mommsen, op. cit., t. I, p. 287.

gations réciproques, à la charge des deux États, il fallait probablement deux interrogations et deux réponses successives, l'interrogation du général romain, puis celle du chef militaire de l'État étranger. C'est au moins ce que laisse supposer la lecture d'un passage fort intéressant de Gaius, lequel fournit à lui seul une preuve presque suffisante de la réalité d'une notion de droit, dans les relations internationales de Rome (1). Ce texte démontre le sentiment très net, chez les jurisconsultes romains, d'une analogie entre la stipulation du droit privé et la sponsio du droit des gens, où l'on voit les parties contractantes échanger, en présence l'une de l'autre, leur consentement, sous la forme d'une interrogation et d'une réponse solennelles; et même, pour certains, l'assimilation est si complète, que l'emploi du verbe spondeo, dans une convention conclue entre un magistrat romain et un chef pérégrin, leur semble une exception à la règle, qui réserve ce terme pour les contrats passés entre les seuls citoyens romains; le droit des gens paraît, à leurs yeux, susceptible de faire échec. à l'application d'une règle de droit privé (2).

25. Le traité, réalisé dans la forme la plus solennelle, le fœdus, avec intervention de fétiaux (3), offre aussi l'image d'une convention et même d'un contrat du droit privé. Les deux parties sont toujours en présence, puisque les intérêts de chaque État ont leur représentant dans un magistrat, le plus souvent dans le chef militaire, entouré de fétiaux; et, lorsqu'il s'agit de prononcer les formules, d'accomplir le rituel, l'État apparaît personnifié dans le pater patratus, que la délégation des fétiaux a choisi pour la présider. Avant tout, les contractants se mettent d'accord sur les conditions du traité, accord constaté soit par un simple échange de paroles, soit,

(1) Gaius, Comm., III, § 94... « velut si imperator noster principem alicujus peregrini populi de pace ita interroget, Pacem futuram spondes? vel ipse eodem modo interrogetur.

(2) V. Gaius, loc. cit. « Unde dicitur uno casu hoc verbo peregrinum quoque obligari posse, velut si imperator....

(3) Outre la sponsio, conclue par le général seul, outre le fœdus avec intervention de fétiaux, il y avait encore le fœdus du général, présentant le même caractère, au point de vue de sa formation juridique, que le fœdus des fétiaux, mais entouré peut-être de moins de solennités, assuré en tout cas d'une moindre efficacité. V. Mommsen, op. cit., t. I, p. 280 à 283.

de préférence, par la rédaction d'un écrit (1); c'est un véritable pacte, qu'il va falloir ensuite renforcer, pour donner naissance à un lien de droit, et l'élever à la hauteur d'un contrat; on aura recours, dans ce but, à une formule solennelle, par laquelle on jurera, de part et d'autre, d'observer de bonne foi les clauses du pacte, loi des parties, dont le pater patratus a donné préalablement lecture (2). Voilà donc un serment, joint à une convention antérieure, à l'effet de lui donner une existence juridique; le même phénomène se présente dans le jusjurandum liberti et dans le pacte prétorien, muni de l'action. de jure jurando (3).

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26. A côté de la notion de droit, admise dans la formation du traité, il convient évidemment d'accorder une place à l'élément religieux; la sponsio elle-même est sanctifiée par un serment et par des libations; le fœdus est entouré d'une cérémonie, qui, outre l'invocation solennelle de la divinité, comporte un sacrifice (4); on plaçait le traité sous l'égide des dieux. Certes, ces préoccupations démontrent que l'on sentait la nécessité de seconder la faiblesse du lien de droit, résultant de l'efficacité douteuse de sa sanction, par l'adjonction d'un lien religieux; mais il n'en reste pas moins vrai d'affirmer l'exis

(1) Le titre qui constate la convention est analogue à la cautio dans le droit privé. Mommsen, loc. cit.

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(2) Liv. I, 24 : « ut illa palam, prima postrema, ex illis tabulis cerave recitata sunt;... » «< illis legibus populus romanus prior non deficiet... » suumque jusjurandum per suum

...

(3) Liv. I, 24 : « ... sua carmina Albani, dictatorem suosque sacerdotes peregerunt. » - Le serment était renouvelé à Rome, où le collège des fétiaux tout entier prenait l'engagement solennel de veiller à l'observation du traité et de réprimer toute infraction dirigée contre lui. Den., II, 72. - Cpr. Weiss, op. cit., p. 493.

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(4) Sur l'accomplissement des cérémonies religieuses, V. Weiss, op. cit., p. 491. Voici, au surplus, la partie finale de la formule, prononcée par le pater patratus, telle que la rapporte Tite-Live, I, 24 : « Audi, Jupiter, audi, pater patrate populi Albani, audi tu, popule Albane; ut illa palam, prima, postrema, ex illis tabulis cerave recitata sunt sine dolo malo, utique ea hic hodie rectissime intellecta sunt, illis legibus populus Romanus prior non deficiet. Si prior deficit publico consilio, dolo malo, tu, illa die, Jupiter, populum Romanum sic ferito, ut ego hunc porcum hic hodie feriam; tantoque magis ferito, quanto magis potes pollesque. » La règle, d'après laquelle il aurait été défendu de conclure des traités avant midi, ne s'explique que par une raison d'ordre religieux. Plut., Quest. rom., 48.

tence d'un principe juridique, tout comme en certaines matières du droit privé, qui ne sont point exclusives, surtout au début, d'un certain caractère sacré; ce qu'il faut mettre en relief dans le traité, et ne pas perdre de vue, c'est le fait indéniable d'une convention, exprimée en des termes « convenables, » ou appuyée sur un serment, revêtue, en un mot, de la forme exigée pour la création d'un lien de droit. La cérémonie religieuse n'a, malgré tout, qu'un rôle accessoire; elle a pu, en effet, se modifier, pendant que l'exigence des conditions juridiques restait la même (1).

27.

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La preuve de la convention est fournie, au besoin, par le titre écrit, qui la constate, titre signé par les fétiaux, rapporté par eux à Rome et déposé au Capitole, dans l'Edes fidei populi romani (2).

28. Le traité n'a pas seulement l'apparence, la forme d'un acte juridique, il en produit aussi les effets: il donne naissance à des obligations véritables; c'est une cause génératrice de droits. Les Romains n'ont jamais nié le caractère obligatoire des traités et l'histoire démontre qu'ils les ont souvent observés (3); les clauses de l'alliance avec les Sabins ont été respectées de part et d'autre (4); le traité, conclu par Sp. Cassius avec les villes latines, a reçu une exécution effective, lors de la prise d'Antium (5); la trève de quarante ans

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(1) Si l'on suit le récit de Polybe (III, 25), les cérémonies religieuses auraient subi quelques modifications lors de la conclusion du traité avec Carthage. V. Weiss, loc. cit. M. Mommsen (op. cit., VII, p. 378) fait remarquer que dans les traités internationaux on a fini par retirer au caractère bilatéral son expression formelle. Sans nier la vérité de cette observation, il faut en limiter la portée; elle est exacte pour la seconde période des relations internationales; elle s'applique aussi, lorsqu'il s'agit d'établir un lien plus ou moins étroit de sujétion (V. suprà, no 9 in fine); mais elle doit être écartée de la sphère des relations, qui constituent le domaine propre du droit des gens.

(2) Pol., III, 26; Liv. XXVI, 4.

table d'airain.

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Le traité était gravé parfois sur une Cic., pro Balbo, 23; Liv. II, 33.

(3) Les historiens exagèrent même, par patriotisme, la fidélité de Rome à la parole donnée et ils l'opposent volontiers à la mauvaise foi des Grecs ou des Carthaginois. V. Cic., Pro Balbo, 15 et 16.

(4) Les Romains et les Sabins élisent tour à tour le roi.

(5) Cette conquête fut partagée entre les Romains, les Latins et les Herniques. Den., IX, 64.

entre Rome et Veies, sa rivale, ne fut pas violée; le Sénat se contente de prévoir, deux ans auparavant, les conséquences de son expiration normale (1). Par contre, il y a des traités qui ont été violés ou dénoncés, des alliances qu'il a fallu renouveler. Pourquoi s'en étonner? On trouverait encore des exemples analogues à notre époque, où l'existence d'un droit international public n'est plus guère contestée. Dans l'histoire romaine, l'inexécution d'une convention internationale pouvait tenir à divers motifs. L'esprit subtil des Romains, dans les matières juridiques, le formalisme étroit, qui régnait dans leur droit privé, leurs habitudes processives devaient les conduire à l'insertion, dans les clauses des traités, de formules habiles, propres à donner naissance, lorsque l'intérêt politique le commandait, à des conflits d'interprétation; c'était une ressource commode contre les inconvénients futurs d'un traité, une rouerie de praticiens expérimentés, qu'on ne devait pas dédaigner dans l'espoir de colorer d'un prétexte juridique la violation, jugée utile, d'une convention gênante. Mais le souci même de sauvegarder au moins l'apparence vient plutôt à l'appui de cette notion du droit, dont nous cherchons la trace dans les relations internationales. Et puis le renouvellement fréquent des alliances ne supposait pas toujours une violation. du pacte c'était parfois la conséquence toute naturelle de l'expiration régulière d'un traité conclu à terme; cette modalité était assez usitée dans les conventions formées entre les peuples de l'antiquité (2), de sorte que le renouvellement d'un traité pouvait apparaître comme une nécessité, résultant de sa stricte observation. Il arrivait enfin que l'inexécution était le résultat d'une résolution juridiquement poursuivie. Il y avait, au moins en germe, quelques règles relatives à ce sujet et permettant, dans certaines hypothèses, de tenir une convention pour justement résolue (3).

(1) V. Duruy, op. cit., I, p. 200.

(2) Ainsi les républiques grecques avaient l'habitude de ne conclure des traités de paix que pour un nombre limité d'années. Cpr. Holtzendorff, op. cit., p. 200. On trouve dans l'histoire romaine des exemples fréquents de trèves temporaires comme celle de Veies.

(3) V. Mommsen, op. cit., t. I, p. 286 et t. VI, 2o part., p. 212. Par exemple, lorsqu'il y a seulement exécution partielle d'un côté, l'autre partie peut considérer le traité comme résolu.

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