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29.

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Au reste, il ne suffit pas d'affirmer et d'établir l'exécution des conventions, passées entre deux cités, pour donner une preuve certaine de l'existence d'un lien de droit. Ce respect de la parole donnée trouverait, à la rigueur, une explication dans la simple crainte religieuse, dans le désir de ne point outrager les dieux témoins du pacte et gardiens de la foi jurée, dans le danger de leur colère. Mais le doute disparaît si, pour comprendre l'observation des traités, on apporte, à côté du motif d'ordre religieux, les raisons puisées dans l'examen de certains textes. Le passage, déjà cité, de Gaius offre, à cet égard, le plus grand intérêt; il renferme l'expression technique de « obligari », pour marquer l'effet d'une convention, sous forme de sponsio. Gaius proteste, il est vrai, contre la subtilité de l'opinion, qui voudrait considérer ce résultat comme une exception à la règle réservant l'emploi du verbe «<spondeo » dans les rapports entre les seuls citoyens romains; mais il ne paraît pas contester formellement l'exactitude du mot obligari; il semble, qu'à son avis, il y a place pour une «< obligation, » mais cette obligation ne dérive pas du contrat de stipulation : « quia, si quid adversus pactionem fiat, non ex stipulatu agitur, sed jure belli res vindicatur. » Ainsi il est exact qu'un lien de droit a pris naissance; mais il n'a pas pour sanction la condictio ex stipulatu.

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30. En effet, la violation du droit, qui a sa source dans le traité, n'a pas une sanction aussi précise, aussi nettement définie. Gaius parle d'une revendication jure belli; Tite-Live applique le mot condicere à la demande solennelle de réparation, terme qui rapproche davantage la convention internationale du contrat privé (1). Peut-être l'une et l'autre expression sont-elles exactes, suivant la nature du litige, soit que l'on réclame, comme dans une action réelle, la remise d'une chose, objet direct d'un droit prétendu, soit que l'on exige, comme dans une action personnelle, des dommages-intérêts, une prestation, une satisfaction quelconque. En tous cas, les termes signalés res vindicare, condicere, éveillent une analogie incontestable avec le droit privé (2); et nous verrons, d'autre (1) Liv. I, 32.

(2) On peut rapprocher d'autres expressions également significatives. Nonius, cité par Weiss, op. cit., p. 444: « Fetiales... pignore facto fœdere jure

part, que la procédure de la déclaration de guerre offre plus d'un trait de ressemblance avec l'action, dans les procès entre particuliers.

31. La sanction du droit, en dehors de la crainte religieuse, en dehors du danger politique provenant du ressentiment de la cité lésée, réside dans la possibilité d'entamer une procédure véritable, pour formuler de justes réclamations et, sur le refus d'y souscrire, dans la faculté de pouvoir déclarer une guerre légitime. Il y a entre le droit privé et le droit des gens, cette différence, que pour celui-ci, la solution finale du procès, quand le désaccord persiste, appartient à la force, à défaut de juges régulièrement institués; la différence est assez sensible pour faire admettre l'infériorité du lien de droit, résultant d'un traité, par rapport à l'obligation, née d'un contrat privé; mais on exagère cette infériorité, lorsque l'on soutient, avec M. Mommsen, l'analogie de la convention internationale avec un << pacte nu,» sous prétexte que le défaut complet de sanction laisserait, dans l'un et l'autre cas, l'exécution dépendante de la seule volonté du débiteur (1). Si ̧ le traité n'avait que la valeur d'un pacte dépourvu d'action, on comprendrait mal le droit, le devoir même, de suivre une procédure déterminée, avant la déclaration de guerre; et les expressions de Gaius et de Tite-Live demeureraient sans explication satisfaisante. La vérité consiste dans une place intermédiaire, assignée au traité, entre le contrat et le simple pacte le formalisme, nécessaire à la conclusion du traité, permettait d'y voir autre chose qu'une convention nue, et voilà pourquoi on avait pu songer à l'organisation d'une sorte de procédure, introductive d'instance, dans l'hypothèse d'un droit méconnu; mais, comme d'autre part la nature même des rapports entre États empêchait l'action intentée d'aboutir, ainsi que dans les procès entre particuliers, à une sentence, suivie d'une exécution certaine, et laissait à la guerre le soin d'une solution douteuse et parfois contraire à la justice, le

repetebant. » Cic., De off., I, 11... Nisi quod aut rebus repetitis... - Varron, De Vit. Pop. Rom... Fetiales legatos res repetitum mittebant quatuor. Liv. IV, 30 : « ... Feliales mittendos ad res repetendas censuere; V. 36: « ... et jus postulare barbari videbantur. »

(1) V. Mommsen, op. cit., I, p. 285.

traité créait, en définitive, un lien de droit entouré d'une protection moins efficace que la sanction du contrat privé.

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32. Le caractère juridique des traités trouve une dernière preuve dans les moyens employés pour en garantir l'exécution. De même que, dans le droit privé, la multiplicité des débiteurs assure le paiement de l'obligation, de même on prend soin, pour donner plus de solidité, plus de crédit à la convention internationale, d'augmenter le nombre des personnes, qui s'engagent directement dans le fœdus, le serment est prononcé par plusieurs citoyens, par vingt personnes, dans les traités importants; dans l'hypothèse d'une sponsio, on trouve des consponsores, qui viennent s'adjoindre au géné

ral (1).

C.

- 33. La convention n'est pas la seule source d'obligations, qui apparaisse dans le droit des gens; on peut y signaler encore l'existence d'obligations naissant ex delicto. Lorsqu'un magistrat ou un citoyen avaient commis un fait illicite, contraire aux préceptes du droit des gens, l'État, victime de cette violation, en demandait réparation à la cité, qui comptait le coupable parmi ses membres; et celle-ci, à moins qu'elle ne préférât fournir une satisfaction personnelle, se dégageait, en faisant abandon de l'auteur du délit, en consentant à son extradition, en le livrant, lui et ses biens, au peuple lésé. Le citoyen, placé dans la dépendance souveraine de l'État, comme l'alieni juris, sous l'autorité du chef de famille, devenait l'objet d'un véritable abandon noxal. La deditio du coupable avait lieu à la suite d'une procédure comprenant la demande d'extradition formulée par la cité victime du délit, l'autorisation donnée par les pouvoirs publics de faire droit à cette demande et la remise du citoyen entre les mains des fétiaux, messagers de la demande (2). Le droit d'exiger ainsi l'abandon du coupable était reconnu réciproque et les Romains n'y prétendaient qu'à charge de l'ad

(1) V. Mommsen, op. cit., I, p. 284; — Cpr. Holtzendorff, op. cit., p. 236,

ne 4.

(2) Tite-Live (VIII, 39) raconte l'extradition d'un Samnite réclamée par le peuple romain: « Prætores decretum fecerunt, ut Brutulus Papius Romanis dederetur et cum eo præda omnis romana captivique ut Romam mitterentur; quæque res per fetiales ex fœdere repetitæ essent secundum jus restituerentur. »

mettre au profit des autres peuples (1). Il recevait application, soit lors de la violation d'un traité (2), soit pour outrage à un ambassadeur (3), soit pour offense commise par un ambassadeur (4), soit enfin dans le cas de rupture d'un traité passé par le général seul les consponsores, qui avaient garanti le traité, pouvaient aussi être livrés à la cité étrangère (5).

Nous n'avons examiné jusqu'ici que les questions susceptibles de se poser en temps de paix; d'autres naissent avec l'ouverture des hostilités; sont-elles également soumises à des règles présentant un caractère juridique? Nous le croyons encore, et nous allons faire en sorte d'en fournir la preuve.

34.

Relations internationales en temps de guerre.

La

guerre appartient évidemment aux relations qui, de fait, ont existé entre les peuples de l'antiquité. A lire la définition, que les jurisconsultes nous donnent de l'ennemi régulier (6), on voit que la guerre véritable est celle déclarée par Rome à un autre peuple, ou par un peuple voisin à la République (7). La lutte entre citoyens, membres de la même cité, les brigandages commis par des bandes non organisées en États, ne sauraient constituer la guerre, ni dépendre du droit des gens. Voilà des notions que les ouvrages modernes de droit international public reproduisent, en indiquant les

(1) V. Liv. V, 36, à propos de la demande d'extradition contre les Fabius, envoyés du peuple romain, coupables d'une violation du droit des gens : « Vicere seniores ut legati prius mitterentur questum injurias, postulatumque, ut pro jure gentium violato Fabii dederentur. » Cpr. Liv. XXXVIII, 49. (2) Liv. VIII, 39.

(3) L. 17, De legation., Dig., L, 8, Varron De Vit. Pop. Rom., III, 8. (4) Liv. V, 36.

(5) C'est ce qui eut lieu après la rupture du traité conclu par Postumius avec les Samnites, qui avaient fait passer les Romains sous le joug. Liv. IX, 8; Cic., De off., III, 30.

(6) Celui que l'on appela d'abord perduellis, puis hostis. Cpr. Accarias, op. cit., I, no 49; Cic., De off., I, 12.

(7) L. 24, De capt., Dig., XLIX, 15: « Hostes sunt quibus bellum publice populus romanus decrevit, vel ipsi populo romano cæteri latrunculi vel prædones appellantur. » — Cpr. L. 118, De verb. sign., Dig., L, 16; 1. 21, § 1, De capt.

conditions exigées pour qu'il y ait « guerre (1). » Certes, aux yeux des Romains, l'intérêt de la distinction entre la guerre régulière, d'une part, le brigandage ou la guerre civile, d'autre part, se référait plutôt à des questions de droit privé, à l'esclavage résultant de la captivité, à l'acquisition du butin, au postliminium, tandis qu'aujourd'hui on en tire des conséquences d'ordre purement international; c'est pourquoi la distinction a toujours été maintenue à Rome, avec le plus grand soin, même au temps de l'empire, après l'effacement des notions juridiques admises dans les relations internationales. Toutefois, la distinction ne demeure pas complètement dépourvue de conséquences au point de vue du droit des gens tout d'abord, les dispositions relatives à la captivité, au butin, touchent bien aussi au règlement des rapports entre peuples différents, puisqu'il s'agit de fixer la condition des personnes et des choses enlevées chez l'État, qui soutient la lutte (2); en outre, seule la guerre véritable, de nation à nation, suppose l'exigence d'une « déclaration » de guerre; enfin, il faut se placer dans l'hypothèse d'hostilités régulières, pour que des rapports conventionnels obligatoires interviennent entre belligérants (3).

35. La guerre, relation de peuple à peuple, comporte l'égalité et la réciprocité de traitement; ce principe, affirmé ici plus nettement qu'ailleurs, s'y est maintenu plus longtemps aussi. Il est difficile, en effet, de ne pas traiter en égale la nation, qui prend les armes et entre en lutte ouverte pour défendre ses droits et conserver son indépendance. Rome qui, plus d'une fois, dut reculer devant un ennemi menaçant, ne pouvait méconnaître l'égalité pendant la durée de la guerre. La substitution du mot hostis (4) au terme perduellis, primitivement usité pour désigner l'ennemi régulier, caractérise cette

(1) V. Heffter, Le droit international de l'Europe, trad. Bergson, 3e éd., p. 219, § 114.

(2) L. 19, pr., De capt. : « Postliminium est jus amissæ rei recipiendæ ab extraneo, et in statum pristinum restituendæ, inter nos ac liberos populos regesque, moribus, legibus constitutum. »

(3) L. 19, § 1, De capt. Voir sur les questions relatives à la guerre, Geoffroy, Du droit de la guerre à Rome, Thèse de doct., Paris, 1888.

(4) Ce mot, en effet, signifie proprement « égal. »

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