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fications notables dans les formules solennelles et, d'autre part, la multiplicité et la diversité des actions. Pendant que la procédure des conflits entre particuliers s'éloignait ainsi de son caractère et de sa forme antiques, la guerre conservait forcément sa nature première, de sorte que, au lieu de l'identité presque complète, qui devait régner au début entre les deux procédures, il ne subsistait plus que certains traits de ressemblance.

52. Bien que les formalités primitives de la déclaration aient subi moins d'atteintes, il est cependant curieux de faire observer que, sous l'empire de nécessités pratiques, des changements analogues se sont produits dans la procédure privée et dans celle de l'indictio belli; des fictions de même ordre ont permis de simplifier et d'accélérer certaines solennités. Ainsi, dans le droit privé, le transport sur l'immeuble litigieux, de réel est devenu figuré, et les rites légaux s'accomplissent sur un fragment de la chose, considérée fictivement comme présente; de même, pour la déclaration de guerre, on regarde comme l'équivalent du sol étranger une pièce de terre, dont la propriété a été acquise à un prisonnier et l'on accomplit les formalités sur cette terre réputée ennemie : la guerre contre Pyrrhus fut ouverte, en usant de cette fiction (1). Plus tard même, à l'époque où la notion du droit des gens s'effaçait, on tendit de plus en plus à faciliter la procédure : les formalités, dégénérées complètement, se résument en une notification adressée au souverain ou plus simplement encore à l'un de ses généraux (2).

53. Quelle que soit l'exactitude de l'explication proposée, un point important ressort de l'existence même d'une analogie entre la déclaration de guerre et les legis actiones : c'est le caractère juridique assigné par les Romains et les peuples voisins à l'emploi de la force dans la solution des conflits entre deux cités adverses. La procédure adoptée offrait, par ailleurs, des avantages sérieux pour le maintien des bonnes relations internationales; la longueur des formalités retardait l'ouverture des hostilités et laissait à une sage réflexion le

(1) V. Duruy, op. cit., p. 277.
(2) V. Holtzendorff, op. cit.,
p. 248.

soin de rechercher une entente amiable; elle permettait d'éviter les invasions subites, trop voisines du brigandage. Cette procédure constitue la partie la plus remarquable du droit des gens dans l'antiquité.

Notre étude serait incomplète, si elle ne s'étendait aux personnes qui servent d'intermédiaires dans les relations entre les peuples, et aux institutions appelées à y participer, c'està-dire aux rouages essentiels de la vie internationale. Cet examen complémentaire comprend les notions relatives aux ambassades, d'une part, et, d'autre part, celles qui concernent les magistratures ayant un caractère international, spécialement le collège des fétiaux.

Des ambassades.

54. L'antiquité n'a pas connu le système des légations permanentes chargées de représenter à l'étranger la souveraineté de l'État et d'assurer la régularité des relations internationales. Mais comme on ne pouvait éluder la nécessité de se mettre en rapport pour le règlement des intérêts en conflit et pour entamer des pourparlers, soit en temps de paix, soit en temps de guerre, il fallait bien recourir à des mandataires. recevant mission d'exposer et de soutenir les prétentions de tout un peuple et de poursuivre, au nom de leur cité, les négociations indispensables. Dès lors, il importait de permettre l'exercice d'un pareil mandat et d'en rendre l'exécution facile en accordant aux ambassadeurs toute la sécurité voulue.

55. Le droit d'envoyer à un peuple étranger des ambassadeurs n'était pas considéré comme un droit absolu, dérivant du fait même de la coexistence d'États voisins; c'est la différence capitale qui, sur ce point, sépare l'antiquité du droit des gens actuel. Ce droit devait être reconnu par un traité; à défaut de traité, il fallait une concession expresse et spéciale de la cité, qui consentait à recevoir les mandataires députés vers elle (1). Dans l'une et l'autre hypothèse, les autorités

(1) Le plus souvent, la permission était demandée et accordée par l'intermédiaire du chef militaire le plus voisin.

compétentes conservent toujours la faculté de réglementer l'admission des ambassadeurs, leur séjour dans la ville et leur retour dans le pays qui les envoie (1). Si les conditions imposées ne sont pas observées, les envoyés peuvent être traités comme ennemis. On fait parfois accompagner les ambassadeurs qui retournent dans leur patrie, afin de mettre obstacle aux intrigues, qu'ils pourraient nouer sur leur chemin (2). Quant au refus formel de recevoir des ambassadeurs, il entraîne, s'il existe un traité, la rupture de la convention et devient presque toujours le prélude d'une déclaration de guerre; en l'absence de traité, il exprime la volonté soit de continuer les hostilités commencées, soit de rester, comme auparavant, sans relations régulières.

56. Dans la première période de l'histoire romaine, la réciprocité se trouve encore à la base de l'exercice du droit d'ambassade. La République envoie elle-même et reçoit des ambassadeurs, sans concevoir de différence dans le traitement appliqué aux mandataires romains et étrangers. Dans la seconde période, Rome adresse encore, au début, quelques députés aux rois ou aux peuples, mais le plus souvent pour leur parler en maîtres et leur porter des ordres; elle n'admet plus de conditions imposées à l'admission et à la réception de ses envoyés (3). Et puis on prend peu à peu l'habitude de recevoir simplement les délégués, envoyés volontairement à Rome ou mandés à sa barre par le Sénat, à l'effet de fournir des explications ou de présenter des excuses.

Si l'on accorde encore à ces ambassadeurs certaines garanties, si on les entoure de quelque protection, c'est par application d'une loi romaine (4), promulguée plutôt dans l'intérêt d'une bonne administration que dans le désir de se conformer à une obligation internationale.

(1) A Rome, le Sénat finit par avoir la haute main sur la réception des ambassadeurs.

(2) On peut consulter, pour les détails, Mommsen, op. cit., p. 366 et s. Il cite l'exemple d'un sénatus-consulte qui, en 660, défendit de faire des prêts d'argent aux ambassadeurs afin d'éviter des tentatives de corruption.

(3) Par exemple, lors de la légation de Q. Cæcillius Metellus, envoyé en 570 vers les Achéens. Pol., XXII, 15; Liv., XXXIX, 33.

(4) L. 17, De legation., Dig., L, 7.

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57. A l'époque où l'institution des ambassadeurs avait un fonctionnement normal et faisait partie intégrante du droit des gens, à quelles règles se trouvait-elle soumise?

La composition des ambassades, au temps des rois, était formée presque exclusivement par le collège des fétiaux; toutefois, leur concours n'ayant un caractère obligatoire que dans certaines hypothèses, pour les demandes d'extradition, pour la procédure de la déclaration de guerre et pour la conclusion solennelle d'un traité non révocable, on pouvait, dans les autres questions, faire porter le choix sur des mandataires pris en dehors de ce collège. Sous la République, quand l'élément religieux s'affaiblit, le Sénat prend souvent parmi ses membres les délégués chargés des négociations avec les peuples voisins (1). Abstraction faite des matières appartenant à la compétence exclusive des fétiaux, il n'y avait aucune règle présidant au choix des ambassadeurs.

58. La cité, qui reçoit des ambassadeurs, leur accorde l'hospitalité; elle observe d'ordinaire, à cet égard, des usages de politesse et de courtoisie, qui sont comme le premier germe de la Comitas gentium (2). On procure aux députés étrangers un logement, soit dans la ville, soit en dehors du Pomœrium, et on les entretient le plus souvent aux frais de l'État; on leur rend même certains honneurs dans les fêtes publiques (3). Mais ce sont là de simples égards mesurés, au moins en l'absence de clauses expresses insérées dans un traité, sur le degré de sympathie qu'inspirent les ambassadeurs et la cité qui les envoie; le défaut de courtoisie dans la réception n'implique pas violation formelle d'une obligation internationale; on y voit seulement la marque de sentiments peu amicaux : les députés envoyés à Persée se contentent de rappeler qu'ils n'ont reçu ni gracieuseté, ni hospitalité, sans relever ce fait. comme un grief sérieux contre le roi (4).

(1) V. Mommsen, op. cit., VII, p. 377; Willems, Le Sénat romain, t. II, p. 491 et s.

(2) On peut encore citer, comme exemple de courtoisie, l'usage de faire un présent à un roi, qui concluait avec la République un traité d'amitié. V. Mommsen, VI, 2e partie, p. 208.

(3) Mommsen (op. cit., VII, p. 370 et s.) donne tous les détails nécessaires V. aussi Willems, op. cit., p. 485 et s.

à ce sujet.
(4) Liv. XLII, 25.

59. Une règle, au contraire, obligatoire, dont la stricte observation s'impose, est celle qui concerne l'inviolabilité de la personne des envoyés. L'ambassadeur est un personnage sacré, protégé par le droit des gens; la verveine, que portait l'un des fétiaux, était le signe de l'inviolabilité (1). Cette garantie constitue, à vrai dire, le jus legatorum ou jus legationis dont parlent les textes (2). Les violences, les insultes, dirigées contre les ambassadeurs, ne sont pas seulement réprimées par la loi de l'État, qui a reçu les envoyés (3) ; on les considère en outre comme un crime du droit des gens, suffisant à motiver une demande d'extradition du coupable (4) ou une déclaration de guerre légitime (5).

60. - La protection, qui entourait la personne des ambassadeurs, avait-elle pour complément des immunités de juridic tion, destinées à garantir l'indépendance des mandataires à l'égard de l'État qui les accueillait? La question ne paraît pas susceptible d'une solution par rapport à la juridiction civile : en effet, on invoquerait en vain, à ce propos, les textes du Digeste, qui accordent à des legati le jus revocandi domum, c'est-à-dire le droit de réclamer la compétence des tribunaux de leur pays (6). Les legati, autorisés à opposer ce privilège, ne sont pas de véritables ambassadeurs du droit des gens; ce sont des députés, envoyés par des provinces ou des villes à l'empereur, chargés de lui soumettre des vœux et des réclamations; ce sont des délégués, porteurs de «< pétitions >> et non pas des «< agents diplomatiques. »

61. Il paraît même assez délicat d'indiquer dans quelle mesure les ambassadeurs et leur suite étaient soustraits aux poursuites criminelles; toutefois, comme ils venaient à Rome, sous la garantie de la foi jurée, la parole du peuple, une fois engagée, devait bien, en principe, leur assurer une impunité

(1) V. l. 8, § 1, Dig., De divis. rer., I, 9.

De ira, III, 2.

Cpr. Liv. XXXIX, 25; Sen.,

(2) Cic., In Verr.; Corn. Nepos, Pelop., V, 1; Tacite, Hist., III, 80, cités

par Weiss, op. cit., p. 472.

(3) L. 17, Dig., De legation., L, 8.

(4) V. suprà, no 33.

(5) Liv. IX, 8.

(6) L. 2, § 3 à 6; 1. 28, § 1; Dig., De jud., V, 1.

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