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immédiate et les enlever à l'action directe de la justice répressive. L'histoire nous offre, il est vrai, un exemple contraire à ce principe Jugurtha s'était rendu personnellement à Rome, bien qu'en état de guerre avec la République, mais couvert par la protection due aux ambassadeurs, interposita fide publica; un de ses compagnons, coupable d'un meurtre, fut poursuivi et condamné (1).

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Cet exemple n'a qu'une autorité très restreinte il s'agit, en effet, d'un fait, qui s'est produit dans la seconde période, à une époque où le droit des gens avait déjà perdu sa pureté primitive; de plus, on a seulement poursuivi le compagnon du prince, l'agent du meurtre; mais on a évité de comprendre dans la poursuite Jugurtha, l'instigateur avéré du crime; on s'est contenté de lui intimer l'ordre de quitter la ville; enfin Salluste, qui rapporte l'anecdote, fait remarquer que l'accusation dirigée contre le meurtrier était plutôt conforme à l'équité qu'au droit des gens (2). Il est donc permis de conclure qu'à l'époque où Rome ne se croyait pas autorisée à substituer au règlement des relations internationales l'arbitraire de son équité, le personnel composant une ambassade devait se trouver momentanément au moins, à l'abri d'une poursuite criminelle devant la juridiction de l'État, qui avait promis la garantie de la fides publica.

Probablement, à la suite d'un délit commis par des ambassadeurs, ceux-ci se voyaient contraints tout d'abord de retourner aussitôt dans leur patrie et ils étaient ensuite l'objet d'une demande d'extradition; la faute, dont ils s'étaient rendus coupables à l'étranger, en manquant au caractère sacré de leur mission, pouvait, à juste titre, être considérée comme un crime du droit des gens, comme une offense à la cité, qui les avait reçus (3). L'immunité n'était donc pas absolue, elle n'était, pour ainsi dire, que provisoire; elle pouvait cesser de

(1) Sall., Jugurtha, 32 à 35.

(2) Sall., Jug., 35 : « Fit reus magis ex æquo bonoque quam ex jure gentium.»

(3) V. suprà, no 33. Les Fabius qui, dans leur ambassade, avaient commis une violation du droit des gens furent l'objet d'une demande d'extradition, cette demande fut repoussée à Rome à cause de l'importance des accusés. Liv. V, 36.

produire effet, si les pouvoirs publics du pays de l'ambassadeur autorisaient son extradition.

Des magistratures dans le domaine international.

62. Parmi les institutions, qui se réfèrent aux relations internationales, nous avons déjà signalé le tribunal des Récupérateurs, et indiqué le rôle qui lui était attribué. Le droit public interne, la constitution de chaque État, déterminait, en outre, les attributions des divers pouvoirs, dans les rapports avec les peuples étrangers.

A cet égard, la constitution romaine partageait la compétence entre les magistrats, les comices et le Sénat; cette dernière assemblée finit par conquérir le rôle prépondérant : les trois cents sénateurs avaient la haute direction de la politique extérieure. Cette partie du droit public romain a été traitée dans les ouvrages de MM. Mommsen et Willems; un simple renvoi nous semble donc suffisant. Mais à côté des comices, à côté des magistrats et du Sénat, il y avait une institution. d'un caractère exclusivement international, le collège des fétiaux; comme cette institution a déjà fait l'objet d'études sérieuses et complètes, nous nous proposons seulement d'en rappeler les traits essentiels, en résumant les renseignements contenus dans la monographie de M. Weiss, laquelle nous a fourni déjà de précieux documents. I importe surtout de déterminer la nature des attributions confiées au collège des fétiaux, car elle est une preuve nouvelle en faveur de la thèse soutenue, c'est-à-dire en faveur de l'existence de règles juridiques, applicables aux rapports entre les peuples de l'antiquité.

63. Les fétiaux exercent leur action dans la sphère des rapports entre cités indépendantes, par suite, dans le domaine du droit des gens.

L'institution est commune à la plupart des peuples établis sur le territoire de l'Italie et l'on peut même soutenir que les Romains l'ont empruntée à leurs voisins (1). Les Albins, les Samnites, les Équicoles, les Laurentins, les Falisques avaient (1) V. Weiss, op. cit., p. 44.

un collège de fétiaux, organisé comme celui de Rome (1); les fétiaux romains, dans l'exercice de leur mission, se trouvent en présence de fétiaux représentant la cité voisine; chacune des délégations choisit un chef temporaire, le pater patratus, personnification vivante de l'État (2); lorsque le pater patratus du peuple romain s'adresse au pater patratus du peuple étranger, ce sont, pour ainsi dire, les deux États qui parlent par leurs bouches. Cette communauté d'institution imposait la réciprocité dans les relations internationales, en même temps qu'elle en rendait la pratique singulièrement facile.

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64. Enfin la nature même du rôle confié aux fétiaux confirme le caractère juridique du règlement des rapports entre les peuples. Les fétiaux participent, il est vrai, du «< sacerdoce » et sont, à certains points de vue, des « prêtres » chargés d'une mission religieuse; mais ils participent aussi de la << magistrature; » le caractère religieux, commun à la plupart des magistratures romaines, se trouvait seulement accentué à leur égard, mais non au point d'être exclusif. Ils jouent un rôle politique, quand on les choisit comme ambassadeurs; ils exercent aussi un certain rôle judiciaire, puisqu'ils peuvent être appelés, au moins au début, à exprimer leur avis sur la légitimité d'une guerre et sur la valeur des griefs formulés par les cités étrangères ou des réclamations dirigées contre elles (3). Ils avaient dans leur costume le voile de laine blanche, « imaginem justitiæ, » symbole de la justice aux yeux des Romains (4). Enfin les fétiaux avaient encore une mission importante, qui révèle une fois de plus l'analogie entre le droit des gens et le droit privé; ils étaient chargés de l'interprétation, en quelque sorte législative, des préceptes relatifs aux relations internationales. Dans le droit privé c'est le roi qui remplit cette mission avec le concours du collège des pontifes; c'est lui, qui, gardien des lois et des coutumes nationales, interprète de la volonté des dieux, édicte en leur nom des règles obligatoires (5). Le roi devait aussi interpréter les

(1) V. les textes cités par Weiss, loc. cit.

(2) V. Weiss, op. cit., p. 450.

(3) V. Weiss, op. cit., p. 452. Cpr. Holtzendorff, op. cit., p. 238 et 239. (4) Weiss, op. cit., p. 449.

(5) V. Cuq, op. cit., p. 55.

préceptes du droit des gens, mais alors avec l'assistance du collège des fétiaux. Puis, après la disparition du pouvoir royal, lorsque le Grand-Pontife hérita de l'interprétation des lois privées, les fétiaux, de leur côté, reçurent la mission d'interpréter seuls les règles d'ordre international. Cette analogie, qu'on n'a pas été sans remarquer jusqu'ici (1), s'appuie sur plusieurs exemples, où l'on voit le Sénat consulter le collège des fétiaux sur quelques applications douteuses des règles du droit des gens et obtenir de véritables « réponses » interprétatives (2).

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Les fétiaux sont ainsi les gardiens des traditions et des rites ils ont le secret des règles et des formules, dont l'ensemble constitue le jus fetiale (3). Leur importance dans le droit international est loin d'être négligeable grâce à leur compétence spéciale, à la solennité de leur mandat, ils garantissent la régularité de l'acte, ils lui impriment l'empreinte d'un acte public, dans lequel l'État est partie intéressée; ils représentent, dans le droit des gens, l'élément de stabilité nécessaire à la règle juridique (4).

Conclusion.

65. Il nous est permis maintenant d'apprécier la valeur des raisons d'ordre général, invoquées contre l'existence de préceptes, de règles juridiques, dans les rapports des anciens peuples entre eux.

L'opinion la plus absolue, la plus facile aussi à repousser, soutient que la violence, la force brutale, mises au service des intérêts politiques d'un peuple conquérant et guerrier, avide de gloire et de richesses, ont seules dirigé la conduite

(1) V. Mommsen, op. cit., VII, p. 377.

(2) Liv. XXXI, 8; XXXVI, 3 : « Fetiales consulli num Ætolis indici juberent bellum, responderunt Etolos...

(3) Le texte littéral n'est pas venu jusqu'à nous; il n'y eut pas sans doute de divulgation analogue à celle des formules du droit privé; les auteurs nous ont conservé seulement quelques traces. Liv. I, 24 et 32.

(4) Le collège des fétiaux gardait les archives écrites et il perpétuait par la tradition orale le souvenir des traités, qui n'avaient pas été consignés par écrit.

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des Romains à l'égard des autres peuples: si, dans les premiers temps, il y a eu « moins de perfidie, moins de violence dans les entreprises de Rome, petite cité d'Italie, que dans les conquêtes de Rome, maîtresse du monde..., la religion n'a pas eu plus de part à ce fait que la bonne foi et la justice; cela tient à ce que « la faiblesse n'est pas capable des abus, que la force permet, » de sorte qu'en « exaltant les anciens Romains, nous faisons honneur à leur vertu de ce qui était l'effet de leur impuissance (1). » Cette critique sévère de la politique des Romains est certainement exagérée. La violence n'a pas été la seule loi des relations internationales : Cicéron en témoigne hautement dans son traité des Devoirs (2) et les paroles, que Tite-Live prête aux vieux sénateurs dans le débat ouvert sur la conduite des mandataires envoyés au roi Persée, condamnent les errements d'une politique ayant pour guides exclusifs l'égoïsme et l'intérêt (3). Rhétorique ambitieuse des auteurs romains, dira-t-on, déclamation patriotique, éloge outré de la grandeur et des vertus de Rome! Non, puisque des faits viennent à l'appui. Comment expliquer, si la force a servi de règle unique, l'économie des alliances conclues par Rome avec les cités voisines? Pourquoi des concessions réciproques, pourquoi l'organisation d'un tribunal de récupérateurs, sinon pour régulariser les rapports internationaux et substituer à l'isolement jaloux, source d'insécurité, de conflits et de luttes, la stabilité d'un régime favorable aux bonnes relations, contraire à l'emploi de la force et de la violence? Faut-il donc réduire les solennités de la déclaration de guerre à des formalités puériles, sans intérêt, sans utilité? N'est-il pas plus exact d'y voir un moyen destiné à retarder le recours à la force des armes? Ne doit-on pas y découvrir le souci d'en rendre au moins l'usage légitime, quand toutes les tentatives de solution pacifique ont échoué?

66. Voici une autre objection plus sérieuse. Les Romains auraient obéi à certains préceptes, à certaines règles de conduite; on trouverait dans les rapports des peuples de l'antiquité des usages reçus et observés, mais ces usages, inspirés

(1) Laurent, Hist., III, p. 9.

(2) V. les nombreux passages cités suprà. (3) V. suprà, no 8.

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