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seront aussi sûrement remarquées. Le moyen âge

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personne ne l'ignore est encore aujourd'hui un champ clos où les chrétiens et les adverversaires de l'Église se rencontrent et aiment à batailler. L'historien qui s'occupe de cette époque très différente de la nôtre est dans l'obligation d'émettre un avis, de formuler son appréciation sur quantité de faits, d'incidents de tous genres dans lesquels le clergé d'alors était mêlé. Sur aucune période de l'histoire l'esprit de parti et l'a priori n'ont autant de prise que sur le moyen âge. C'est tout particulièrement dans l'histoire du moyen âge que la sérénité, la raison doivent dominer et non la passion ou le parti-pris.

Evidemment M. Kurth s'est trouvé dans l'obligation de s'expliquer sur les luttes politico-religieuses, parfois très acerbes, de ces vieux temps. Eh bien ! quand il parle du clergé, de ses rivalités avec les bourgeois, il dit la vérité, toute la vérité, le pour et le contre, sansdissimuler les côtés sombres et atténuer les torts éventuels du corps ecclésiastique, mais pas davantage, ceux des bourgeois. Bref, il se tient partout sur le terrain vrai de l'historien qui a devant lui tous les faits, et qui, dégagé des préoccupations du temps où vivaient ses héros, apprécie les uns et les autres, pénètre jusqu'aux raisons profondes de leurs conflits inévitables, exprime son avis motivé, parle le langage même du bon sens et de la raison, sans oublier de mettre constamment les éléments de sa conviction sous les yeux du lecteur. Que nous voilà loin de Ferdinand Hénaux «< ce Grignoux du XVIIe siècle égaré dans le XIX » pour qui, faire de l'histoire liégeoise, c'était fabriquer une machine de guerre perpétuellement dirigée contre les évêques et le clergé ! Que nous voilà loin aussi du bon chanoine Daris, lequel, à l'opposé de Hénaux, ne semblait pas concevoir que, dans les conflits d'ordre temporel entre le clergé et les laïques, le clergé pouvait parfois avoir tort!

« Daris, écrit M. Kurth, est un esprit prévenu incapable de voir clair quand les intérêts du clergé sont en cause. »

Ce jugement est sévère; peut-être certains le trouveront-ils trop sévère. M. Kurth dit les choses telles qu'elles sont, avec l'autorité qui lui appartient. Il ne ménage pas ses adversaires qui ne le sait? Et nous croyons qu'il a raison. Nous pensons qu'il serait difficile d'apporter plus d'objectivité, de justesse, dans l'examen de questions brûlantes, livrées encore fort souvent, à l'heure qu'il est, à toutes les passions furibondes de la polémique. Une chose est, par conséquent, bien certaine le règne de Hénaux et de Daris (du moins pour la partie de l'œuvre de ce dernier qui concerne la Cité de Liège) est fini, bien fini nul ne s'en plaindra.

Ce sens des réalités et de la relativité, cette pondération qui lui fait

saisir la vérité dans les luttes politico-religieuses des clercs et des bourgeois de Liège d'autrefois, M. Kurth les transporte dans l'appréciation des formes économiques, sociales, politiques, de ces temps. éloignés. Sa résurrection de la vie communale à Liège n'est point une apothéose, un plaidoyer. Point du tout. L'auteur a voulu simplement nous montrer ce que fut la vie communale à Liège, nous en expliquer les causes et le fonctionnement.

Il y réussit supérieurement. Nous voyons pourquoi, aux XIe et XIIe siècles, la commune ne pouvait pas ne pas naître au sein de la ville; nous saisissons le pourquoi également de la réglementation étroite du travail dans les corporations de métiers, etc. Mais nous ne trouvons pas de la commune elle-même, ni de l'organisation du travail d'alors, une glorification pure et simple - une apothéose.

M. Kurth rend cependant justice, comme il convient, à l'une et à l'autre lorsqu'il s'agit de juger le régime économique du moyen âge dans les villes, il se rencontre avec des juristes comme Vanderkindere et des économistes comme Mahaim. De l'admiration, oui; de l'hyperbole, du plaidoyer, non. Nous comprenons qu'il y avait dans ces institutions médiévales des choses excellentes en soi pour l'époque, nous nous convainquons qu'elles répondaient alors à un réel moment du progrès, mais proclamons aussi qu'il n'y a, somme toute, pas lieu de regretter la disparition de l'état social d'alors.

Non, nous n'avons aucune raison de regretter la disparition de l'état social du moyen âge, mais nous n'avons pas non plus à rougir de cette époque médiévale, et les Liégeois moins que les autres telle est à notre avis, l'impression d'ensemble qui se dégage, irrésistible, du beau livre de M. Kurth. Cette époque médiévale méconnue et odieusement calomniée fut grande et généreuse; elle est la période de jeunesse active, féconde, progressive du monde moderne qui est né avec elle; elle a les qualités, mais aussi les défauts inhérents à toute jeunesse et sans elle nous ne serions pas ce que nous sommes. Il n'est aucun homme cultivé qui se puisse encore permettre aujourd'hui de méconnaître les titres de ces temps médiévaux au respect de la postérité le livre dont nous parlons ici en est un excellent garant.

Quelle plus belle satisfaction M. Kurth pourrait-il revendiquer, que d'avoir, par sa Cité de Liège au moyen âge, apporté une nouvelle et importante contribution à la grande cause de la vérité historique et de la réhabilitation légitime et nécessaire du moyen âge dans l'histoire des idées et des institutions humaines, à laquelle il a consacré sa vie ? Quant aux descendants d'Henri de Dinant, d'Andricas et d'autres glorieux tribuns, il ne leur déplaira pas que l'auteur leur dise qu'il souhaite que ses lecteurs liégeois trouvent dans la lecture de son livre

<< quelque trace de la sympathie sincère qu'il garde au peuple parmi lequel se sont écoulés quarante ans de sa vie. »>

Nous en acceptons l'augure. Mais, nous nous permettrons de le dire, M. Kurth nous a rendus exigeants. Pourquoi ne nous donneraitil pas quelque jour la suite de cette histoire liégeoise qu'il connaît mieux que personne? Pourquoi ne la conduirait-il pas jusqu'à cette année 1684, date où se termine virtuellement l'existence mouvementee de la Commune liégeoise? Nous osons espérer que notre attente ne sera pas déçue et qu'en dépit des soucis que lui créent ses absorbantes fonctions de directeur de l'Institut historique belge de Rome, il surmontera, comme il l'a fait jusqu'ici, la fatigue et les labeurs. La patrie liégeoise lui a une dette. Tous les amis de l'histoire locale lui crieront de grand cœur : Merci!

Les dimensions forcément restreintes de cet article ne nous ont pas permis d'insister, comme il aurait fallu, sur d'autres mérites de ce livre, à savoir, la simplicité, la clarté du style, relevé ça et là discrètement, fort à propos, par quelque note poétique. La description du site liégeois aux temps préhistoriques est de tous points charmante; délicates aussi les réflexions qui suivent le récit des démêlés des Liégeois et de Sainte Julienne de Cornillon (t. I, p. 151). Mais il faudrait tout citer.

Résumons. La Cité de Liège au moyen âge apparaît comme une contribution de premier ordre à l'histoire générale, à l'histoire de Belgique, à l'histoire liégeoise; nous croyons qu'on ne nous contredira pas si nous disons que ce livre est de ceux qu'il y aura toujours plaisir et profit à relire et à méditer. JULES CLOSON.

PARTIE BIBLIOGRAPHIQUE.

I.

ANTIQUITÉ CLASSIQUE.

1. — Fr. Preisigke, Girowesen im griechischen Aegypten. Enthaltend Korngiro, Geldgiro, Girobanknotariat mit Einschluss des Archiv wesens. Ein Beitrag zur Geschichte des Verwaltungsdienstes im Altertume. Strasbourg, Schlesier et Schweikhardt, 1910. 575 pp.

8°. 20 m.

M. F. Preisigke qui, outre une belle thèse de doctorat (Städtisches Beamtenwesen im roemischen Aegypten, 1905) et l'édition des Papyrus de l'Université de Strasbourg, a déjà à son actif toute une série d'études

importantes sur les institutions administratives de l'Égypte grécoromaine, vient de publier un travail d'une documentation inouïe sur un sujet bien ardu : les virements financiers dans l'Égypte ptolémaïque et romaine.

L'auteur, qui se trouve à la tête d'un grand service administratif de l'Alsace, était particulièrement en situation pour nous donner sur ce sujet spécial une étude détaillée grâce à sa grande expérience de la comptabilité administrative il a su, par des rapprochements fréquents avec nos institutions modernes. rendre fort claires des théories un peu déroutantes pour le philologue peu familiarisé avec les termes et les arcana de la comptabilité administrative.

L'ouvrage se divise en quatre parties et comprend cent chapitres. La première partie (pp. 1-62; chap. I-XII) constitue une sorte d'introduction où est retracée en détails l'organisation des magasins (@noaupoi), des caisses et des banques (τpáñeza). Ces connaissances indispensables à la compréhension des opérations pratiquées par ces services administratifs forment un tableau d'ensemble d'une grande clarté où, à côté de notions définitivement établies depuis longtemps, se trouvent parfois des rectifications importantes. Θησαυρός et τράπεζα sont des termes complexes qui désignent à la fois l'organisme privé et l'institution officielle et le grand mérite de Preisigke est d'avoir su, de la foule de détails obscurs et enchevêtrés que nous livrent les documents, dégager ce qui revient exactement à l'un et à l'autre. Après avoir décrit l'organisation des magasins comme organismes privés et organismes fiscaux, des трáñezαι comme institutions particulières et caisses ou banques officielles, il délimite leur sphère d'action et détermine les attributions de leur personnel.

L'auteur passe alors à son sujet proprement dit : l'étude des virements financiers et tout d'abord des virements basés sur les dépôts en nature dans les greniers d'État (Korngiroverkehr, IIe partie, pp. 62-183; chap. 13-41). La base des transactions est l'artabe de blé, qui, estimée uniquement d'après l'année de la récolte (révημa toû ἐνεστῶτος ἔτους récolte de l'année courante ; γένημα τοῦ διεληλυθότος ἔτους récolte de l'année précédente) avait une valeur d'un caractère suffisamment abstrait pour servir d'étalon initial in natura.

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Le cultivateur confiait aux thésauroi des dépôts en nature, comme on confie aux banques des dépôts en argent et moyennant une légère redevance, il assurait à sa fortune de blé une sécurité parfaite Ces greniers publics où s'entassaient pêle mêle les impôts de l'année et les produits des terres de l'État possédaient une organisation régulière et du jour où le cultivateur leur confia des dépôts, un service public vint simplement se greffer sur l'organisme fiscal préexistant.

Dès le moment du dépôt, le cultivateur s'ouvrait au grenier d'État un compte spécial et il lui était donné quittance de ses dépôts successifs (Ex. Oxyr., I, 90).

Le compte courant ouvert, il devenait facile au particulier d'effectuer tous les virements que la pratique des affaires nécessitait, par simple passation d'écritures et sans le moindre déplacement de blé. C'est ainsi que le cultivateur réglait le bail de ses terres et cette pratique était si répandue que la plupart des baux stipulent que le locataire devra verser chaque année le montant de sa location en artabes de blé dans le thésauros où le propriétaire a un compte ouvert (Ex. : Amh., HI, 88; Lond., III, 938 (p. 150); Amh., II; 89; 87; Lond., III, 1223 (p. 139); Oxyr., III, 640, etc.).

C'est également par le même procédé qu'il acquittait ses impôts et redevances (Ex.: Oxyr., I, 101). Bien plus, un simple virement suffisait même dans le cas où il aurait quitté son ancienne localité : par exemple, un contribuable X inscrit sur les listes d'impositions du village de A passe dans le village de B et doit dans le village de A les impôts de l'année courante. Le receveur du village de B perçoit les contributions de X et les emmagasine dans son thésauros de B, mais en inscrit le montant à son registre au profit du thésauros de A (Ex.: BGV., 835; Preisigke, p. 93).

On ne mobilisait pas pour cela le blé d'un village à l'autre et pour rétablir l'équilibre des virements entre thésauroi, les cours des comptes des métropoles placées sous la direction des basilicogrammates, faisaient simplement office de chambres de compensation (Ex. Fay., I, 87; Preisigke, p 95 sq.). Toutes ces opérations pouvaient se répéter entre deux particuliers: X consigne dans le thésauros de A un dépôt (Déua) avec ordre de le faire passer (diaoréλEIV) à Y, pourvu d'un compte courant dans le thésauros du village de B. Le directeur du thésauros (σITOλóɣoç) de A remet à X la quittance habituelle et rédige un chèque pour le sitologue de B (uéτpηoov... Ex. Fay, I, 16; Preisigke, p. 104). Le sitologue de B inscrit le dépôt au compte courant. de Y et l'informe de l'opération (Ex. Amh., II, 112). Enfin, il renvoie au sitologue de A un avis de réception déclarant l'opération effectuée (μeμetpýμeða (Ex. Lond., II, 315, p. 90; Preisigke, p. 106).

Et ce n'était pas seulement le particulier, mais encore les corporations (p. 80 sq.) et les receveurs d'impôts eux-mêmes (p. 82 sq.) qui transactionnaient ainsi par simple passation d'écriture; mais ce que nous en avons dit aura suffi sans doute pour montrer avec quelle facilité s'effectuaient les virements basés sur le dépôt en nature.

Le système de virements en banque basé sur les dépôts métalliques offrait naturellement plus de facilité encore, grâce surtout au déve

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