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qui présentait des imperfections trop graves. Il semble cependant que l'espéranto laisse encore à désirer; son fondateur, le Dr Zamenhof, avait lui-même reconnu la nécessité d'une réforme. Lors de l'Exposition universelle de Paris de 1900, un certain nombre de savants avaient fondé une Délégation pour l'adoption d'une langue auxiliaire internationale. Les travaux de cette délégation n'ont pas duré moins de sept ans et sa décision a été qu'aucun des systèmes présentés ne répond aux exigences d'une langue internationale; toutefois, l'espéranto, très répandu dans la pratique, pourrait servir de base à l'élaboration de la langue désirée, moyennant certaines modifications.

Ce sont ces changements apportés à l'espéranto par le comité de la délégation qu'on trouve incorporés à présent dans la grammaire et le dictionnaire indiqués ci-dessus. Ces manuels correspondent par conséquent à une phase nouvelle de l'histoire de l'espéranto; mais, comme on devait s'y attendre, les anciens partisans de cette langue n'ont pas tous consenti à son remaniement. En face des réformateurs s'est levée l'armée des « fundamentistes », qui veulent s'en tenir à la lettre stricte de l'espéranto classique Quant à la langue modifiée, les Espérantistes lui ont interdit de porter le nom d'espéranto. De là la nécessité d'adopter pour elle l'appellation conventionnelle d'Ido (qui signifie fils ou descendant).

Le volume très intéressant La langue internationale et la science contient entre autres les principales modifications apportées à la langue qui a servi de base à l'ido. On pourrait les ramener à un même principe formulé par un éminent linguiste, M. O. Jespersen : La meilleure langue internationale est celle qui présente la plus grande facilité pour le plus grand nombre d'hommes De là, par exemple, la suppression des règles grammaticales inutiles et parfois gênantes pour la plupart des peuples, surtout pour les personnes d'instruction primaire; la régularisation de la dérivation; l'enrichissement du vocabulaire par l'adoption de nouvelles racines « internationales >> soigneusement choisies; — surtout le choix des mots réglé de façon que chaque langue vivante soit représentée proportionnellement à son importance, etc. Tel qu'il est élaboré à l'heure actuelle, l'ido constitue, sous le rapport du vocabulaire, comme une de ces curieuses photographies que l'on obtient en fondant en une seule image les traits de personnages différents : tous s'y retrouvent dans la mesure de leur vigueur et de leur répétition. C'est ainsi que l'ido possède quarante pour cent de mots communs aux langues allemande, anglaise, française, italienne, russe, espagnole (et à beaucoup d'autres encore). En outre il en contient beaucoup d'autres qui sont communs à quatre ou cinq des langues principales.

Nous laisserons au lecteur le soin de choisir entre l'espéranto et l'ido. Néanmoins, nous ne cachons pas que nos préférences vont à ce dernier : on peut le considérer comme le premier projet réellement scientifique. La principale objection que les fundamentistes seraient en droit de lui faire est qu'une langue auxiliaire ne réussira qu'à la condition d'une unité, d'un accord absolu le succès est certain si tout le monde s'entend, et pour obtenir l'unanimité, il conviendrait de fermer les yeux sur les défauts éventuels. Mais, comme on l'a fait remarquer avec justesse, on ne peut oublier que, même pour la langue auxiliaire internationale, aucune organisation au monde ne peut empêcher un progrès nécessaire. Cela est vrai surtout quand il s'agit de tentatives encore récentes, qui ne peuvent prétendre à une perfection absolue ni même relative. Avant de consacrer une inven. tion aussi difficile qu'une langue internationale, il y a lieu de bien méditer sur la forme définitive qu'on lui donnera. La période des essais n'est pas encore close; il faut en profiter pour le plus grand bien de l'œuvre finale.

Un mot encore sur l'opportunité et la possibilité des langues internationales artificielles. Cette question est de celles que les hommes discutent suivant un parti pris, en obéissant à des sentiments plutôt qu'aux enseignements de la raison. Il y a des personnes qui ne veulent pas entendre parler de l'espéranto, de l'ido, de même qu'on rencontre des adversaires irréconciliables de la paix universelle, de la simplification de l'orthographe, etc. Ces personnes ont tort. Comme M. B. de Courtenay l'a fait remarquer, le langage n'est qu'un outil dont aucun élément n'est intangible, un instrument que les hommes ont le droit de modifier en vue de faciliter leurs communications et l'échange de leurs pensées. Et de fait, ils ne se font point faute de le transformer, consciemment ou inconsciemment. En principe, rien ne s'oppose à ce que nous adaptions à nos besoins les ressources linguistiques que possède la science actuelle. Il ne relève donc point du domaine d'Utopie, le problème indiqué par Descartes, par Leibnitz, étudié par Schleyer, Zamenhof et repris à présent par des linguistes tels que MM. Jespersen, B. de Courtenay, etc. Seulement, nous le répétons, ces illustres recommandations ne prévalent pas contre certaines résistances. On répugne en effet à apprendre un idiome sans réalité, sans vie, alors qu'il existe des langues achevées et parlées déjà par un nombre d'hommes considérable. Mais laquelle de ces langues faudrait-il choisir? A cette question, les Espérantistes et leurs émules triomphent Aucune langue ne s'impose de prime abord, et l'on prétend que nulle, fût-ce le français ou l'anglais, ne réunira l'assentiment général. Devons-nous désespérer à ce point de l'abnégation

de la majorité des peuples, sinon de leur totalité ? Le temps n'aurat il pas de plus en plus raison des jalousies internationales? Notons en passant qu'un groupe nombreux de savants a proposé le français comme langue auxiliaire internationale au Congrès mondial des associations internationales.

Quoi qu'il en soit, nous croyons devoir adresser aux projets des langues internationales, la même objection que nous présentions il y a cinq ans en rendant compte d'une tentative de ce genre (1). Il s'agit de la façon de prononcer le nouvel idiome. Comment des personnes de nationalités diverses parviendront-elles à s'entendre ? Le comité de la Délégation n'aborde pas le problème; il n'en parle qu'incidemment. Nous lisons dans un appendice: L'expérience a prouvé

les différences de prononciation entre adeptes des pays les plus divers sont insignifiantes et nullement gênantes. Nous ne sommes pas assez documenté pour oser mettre en doute cette affirmation, mais on aimerait un récit plus détaillé des rencontres d'Idistes ou d'Espérantistes.

Il existe peut être une solution à la difficulté, et nous nous sommes permis de l'indiquer dans le compte rendu précité. Qui sait si la langue internationale future ne devra point se résigner à jouer le rôle de langue écrite? Dans ce cas, demandions-nous, ne serait il pas plus pratique de se contenter d'une sorte de dictionnaire télégra phique, analogue à ceux dont se sert déjà le grand commerce et où des chiffres et des formules convenues remplacent les mots les plus ordinaires? Tel nombre sera compris par tous les trafiquants du globe, parce qu'il représentera une même notion que chaque langue particulière exprime à sa façon. Un dictionnaire de ce genre n'est pas facile à rédiger. Mais l'entreprise vaut la peine d'être poursuivie et c'est peut-être dans ce sens que s'orienteront les tentatives futures. ANT. GRÉGOire.

LANGUES ET LITTÉRATURES ROMANES.

7. J. M.-B. Maréca, Grammaire espagnole. 5e édition entièrement refondue et considérablement augmentée par LOUIS DUBois. Toulouse, Édouard Privat, 1908. VIII-322 pp. in-12. 2 fr. 25.

Il est entendu que ceci est un traité à la fois pratique et empirique. Il est écrit pour les Français qui apprennent l'espagnol. « Livre de références, de consultation », dit la Préface. Mais aussi livre heureusement conçu, sobre, clair, et d'un maniement commode. Les

(1) Revue de l'Instruction publique en Belgique, 1905, p. 32 : Le latin commercial.

débutants ne pourraient mieux s'adresser, soit pour s'initier au méca nisme de la langue castillane, soit pour s'éclairer sur les difficultés rencontrées au cours de leurs lectures.

On s'attache avec plaisir à un bon manuel. Plus volontiers qu'ailleurs, on y ferait la chasse aux menues imperfections. Quelques remarques de détail que j'ai notées ainsi au courant de la lecture, sont ici consignées en note (1). Pour le surplus, je ne saurais formuler, à propos de cette grammaire, qu'un double desideratum. Peut être conviendrait-il d'y donner la terminologie grammaticale en espagnol, et non point seulement en français : cela aurait son utilité pour les cours où l'enseignement se fait par la méthode directe. Et, pour la même raison, les exemples devraient sans doute être choisis de préférence dans le cercle de la conversation courante et de la vie pratique ils se graveraient plus aisément dans la mémoire des élèves, tout en leur fournissant un bagage de formes et de mots dont ils pourraient immédiatement tirer parti. ALPHONSE BAYOT.

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8. Pierre Malvezin, Glossaire de la langue d'oc. Paris, 71, rue de Grenelle, 1908-1909, 278 pp. in-8°. 15 fr.

Un éminent conservateur de bibliothèque me disait un jour : « Pour le bibliothécaire conscient de son devoir, il n'y a pas des livres précieux et des livres de peu de valeur. Il y a des livres. Tous ont droit, de sa part, à la même sollicitude, au même respect. »>

S'il est permis, c'est en bon bibliothécaire que je parlerai du volume que j'ai là devant moi. Qu'on ne me demande point ce qu'il y a

(1) P. 4, on pourrait décrire plus objectivement la prononciation de ll. — P. 5, il serait bon d'indiquer également la prononciation du groupe cc. L'accent tonique,

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p. 6, n'obtient qu'une bien maigre définition. Et, dans ce même chapitre de l'accent tonique, qu'est-ce qui empêche les auteurs d'employer des termes, pourtant bien français, comme oxyton, paroxyton.....? — P. 7, il y a quelque inexactitude dans la phrase: << Portent l'accent écrit... les mots qui sont graves quoique terminés par deux voyelles pouvant former diphtongue. Lorsqu'il y a diphtongue, le mot est grave tout de même. La différence réside en ce que, dans le cas présent, les deux voyelles constituent des syllabes distinctes. Dans le chapitre de l'accentuation, on pourrait insérer une note sur l'emploi de aun avec ou sans l'accent écrit. - P. 10, mieux vaudrait éviter cette remarque : « En français, il n'y a pas de triphtongues >>. Elle laisse supposer qu'il y a des diphtongues. Les § 53 ss. et 62, traitant du genre des noms, sont sans utilité sérieuse; la pratique seule ou le dictionnaire peuvent enseigner ces distinctions. Les § 114-117 paraissent trop sommaires pour rendre compte de l'usage, en ce qui regarde le pronom personnel régime de la 3e pers. Dans l'exposé de la conjugaison, le double rôle assigné successivement aux caractères gras ne va pas sans quelque danger de confusion. L'élève n'aura pas toujours sous les yeux, pour le mettre en garde, l'observation de la p. 206. Il n'eût pas été si difficile d'utiliser des caractères différents dans la représentation des syllabes toniques et la notation des irrégularités qu'offrent les formes verbales.

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dedans. Je serais assez empêché de le dire. Mais voici, du moins, ce qui se lit dans la Note préliminaire : « Je me contente des mots patois du Midi, particulièrement de mon département, le Cantal, et dont le français n'a pas les formes correspondantes ou n'en a qu'altérées... Je laisse de côté les mots venus du latin et dont l'origine est visible; mais je rectifie les erreurs de mes devanciers ociens, come j'ai rectifié celles de mes devanciers français dans mon Dictionaire des racines celtiques, et je prouve ce qui est mon but que nos dialectes d'oc conservent beaucoup de mots de la vieille langue de Gaule, comme en conservent, de leur côté, le français et les dialectes d'oïl. »

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M. Malvezin a donc fait un Dictionaire des racines celtiques, qui a restitué à la langue gauloise nombre de vocables français. Je ne le savais pas. Réussira-t-il à convaincre le monde savant qu'il y a aussi beaucoup de racines celtiques dans les parlers du Midi? Je l'ignore. Ne me reprochez point cette ignorance. J'ai beau consulter les ouvrages que nous tenons pour officiels sur ces matières, ils sont muets là-dessus. Certes, les théories reprises dans ce livre ne sont point tout à fait neuves. Au xvIIIe siècle, on ne l'ignore pas, bien des érudits français furent celtomanes. Plus près de nous, Granier de Cassagnac voulait encore voir, dans le français, un mélange de gaulois et de latin. Et déjà, dès 1756, dans les dissertations qui accompagnent son recueil de Fabliaux et contes des poètes françois, Barbazan émettait, à ce propos, des observations qui gardent encore une certaine pertinence. Mais c'est égal. Le volume que voilà, est récréatif. Le président de la Société nationale de linguistique c'est le titre que porte l'auteur possède une terminologie philologique faite pour vous reposer de celle qui a pris place dans le vocabulaire scientifique international. Il n'a pas, je le veux bien, les scrupules de ceux qui, dans l'étude des langues romanes, s'attardent à la méthode historique et comparative. Puis, son clavier phonétique n'est pas celui auquel l'enseignement d'aujourd'hui nous a accoutumés. Mais il faut reconnaître que, sur ce clavier, il se meut avec une virtuosité toute méridionale. ALPHONSE BAYOT.

9.

Stefan Zweig, Emile Verhaeren, sa Vie, son Euvre. Traduit de l'allemand sur le manuscrit inédit par PAUL MORISSE et HENRI CHERVET. Paris, Mercure de France, 1910. 3 fr. 50.

Un vieil exemple de syntaxe latine félicitait Achille d'avoir trouvé dans Homère un chantre digne de ses exploits, nous pourrions aussi féliciter Verhaeren d'avoir rencontré en Stephan Zweig un magnifique commentateur. Car l'ouvrage que nous avons sous la main n'est pas une pâle monographie comme celle de C. Lemonnier que nous

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