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Un exercice bien utile, qui est comme la synthèse de toute l'interprétation d'un auteur, c'est la confection de la bonne traduction. C'est un labeur pénible, très utile par conséquent. Une bonne traduction doit être nuancée comme son original, par suite suppose l'intelligence complète du texte, elle doit prendre assez à l'original pour qu'elle l'exprime en perfection, mais pas tellement qu'elle fausse le génie de sa langue : ce sont deux exigences qui souvent paraîtront contradictoires, et l'on devine ce qu'il y faut de connaissance des deux langues en présence en lutte plutôt -, ce qu'il y faut de finesse et de doigté : on comprend qu'une bonne traduction suffise à la gloire d'un nom.

La difficulté se complique quand il s'agit de Démosthène. Ce n'est pas un auteur facile, il ne se révèle qu'à qui en fait une vraie et solide étude, mais pour celui-là il offre un intérêt puissant et toujours nouveau après vingt-cinq siècles. L'œuvre de l'orateur est vaste et très variée. Elle a toutes les nuances oratoires depuis l'ardeur toute juvénile de la première Philippique jusqu'à la pesante et vigoureuse dialectique du discours sur la Couronne. A cause même de la nature de cette éloquence qui pousse ses racines dans le cœur de la vie politique grecque et athénienne, une sérieuse introduction historique doit précéder la lecture proprement dite; l'œuvre elle-même donnera l'occasion d'achever le tableau.

Suivant les cas, l'interprétation sera plutôt grammaticale, ou réelle et historique, ou littéraire. Les matériaux sont d'une incomparable richesse et, à elle seule, la langue est une mine inépuisable. A part ceux dont la place est décidément ailleurs que dans nos classes d'humanités, tous les élèves prendront goût à ce labeur d'exploitation et de découverte, à condition évidemment qu'on leur signale les filons. Quels trésors dans l'argumentation, dans l'opposition et le développement des preuves, dans la peinture des caractères ! C'est un art accompli, une perfection de fond et de forme absolument finie.

Comme toujours, comme pour Xénophon, dont nous parlions tout à l'heure, il faut ménager des étapes dans la lecture d'une harangue ou réserver un peu de temps après l'interprétation pour des exercices de répétition C'est là surtout, dans ces moments laborieux, que l'élève apprend à juger les ensembles. Ne négligeons pas ces exercices. Bien conduits ce qui n'est pas facile ils sont ce qu'il y a de plus important dans la classe d'auteur, parce que c'est l'occasion pour l'élève de redire ce qu'il a compris, de ramasser et de grouper ses idées, de les mettre en gerbe. Des jeunes gens qui n'ont pas été habitués, dès le collège, à ces exercices d'ensemble. si l'on

peut dire, pourraient fort bien n'être jamais capables de faire une synthèse. Et pourtant, de pouvoir faire une synthèse solide n'est-ce pas le meilleur critère d'études bien faites et, en un sens, n'est-ce pas tout l'homme ?

L'ESPRIT D'OBSERVATION ET DE RÉFLEXION

DANS L'ÉTUDE DES AUTEURS LATINS

par Cн. CAEYMAEX, professeur au Grand Séminaire de Malines.

Il faut, pour de multiples raisons, développer chez l'élève, dès l'école primaire et au cours des études moyennes, l'esprit d'observation. Il existe heureusement des exercices spéciaux, au degré inférieur, en vue de réaliser ce desideratum très sensé de la pédagogie moderne ce sont les leçons d'intuition ou de choses; une de leurs raisons d'être est précisément d'affiner dans l'enfant le sens de l'observation et de le faire servir à la réflexion. Ce que les leçons de choses sont à cet égard aux débuts de l'enseignement, l'analyse d'une œuvre d'art plastique l'est au terme des études d'humanités. Mais dans l'intervalle, et même concurremment avec ces moyens particuliers, il est à la portée des maîtres cent occasions de faire l'éducation des élèves dans cette direction. C'est l'observation d'un paysage, d'un coin de ville, à titre de préparation d'une rédaction; c'est surtout, dès les classes inférieures, l'observation de l'orthographe absolue et de l'orthographe d'usage dans les livres de lecture et les auteurs. Le meilleur enseignement direct de l'orthographe se donne au moyen de cette observation constante des textes. De plus, l'observation intelligente des étudiants doit se porter sur les tours des phrases, sur les mille particularités que les manuels de grammaire ne peuvent et ne savent ni renseigner, ni résoudre, mais dont la connaissance et la pratique sont indispensables à quiconque ne veut se contenter de rester à la surface d'une langue.

Il est incontestable que les langues anciennes sont douées des caractères qui rendent leur observation fructueuse et utile, au point de vue de la discipline générale de l'esprit, et tout autant au point de vue particulier de la compréhension du latin et du grec.

Pour m'en tenir au latin, auquel, somme toute, nos humanistes sont mieux initiés qu'au grec, ne pourrait-on pas exiger, à partir d'un certain moment, quoique assez tôt, qu'ils observent attentivement la composition et la dérivation des mots? On ferait cela, avec une évidente utilité, dans l'exercice de préparation des auteurs.

Le vocabulaire de l'élève s'enrichirait inévitablement, et les traductions de l'auteur gagneraient en précision. Les ressources fournies à l'élève par cette inspection préalable des éléments constitutifs d'un mot, influenceraient en bonne part sa traduction qui serait ainsi, conformément aux exigences de la méthodologie, une reproduction plus fidèle de l'original. Ces exercices se feraient au bénéfice non seulement du latin, mais aussi du moins très souvent du français, à raison de la parenté entre les deux langues.

Ne pourrait-on pas, dans les deux ou trois classes supérieures, donner quelquefois pour devoir de rechercher dans un certain. nombre de paragraphes de l'auteur, les termes qui se rapportent à l'armée, à la flotte, à l'administration, etc., quitte à faire expliquer en guise de répétition ou de préparation de l'auteur ces termes au point de vue des realia? Ces devoirs ou dissertations ne doivent pas accuser des prétentions de thèses doctorales; elles n'en constitueraient pas moins des travaux intelligents. Les élèves ne s'intéresseraient-ils pas à relever, par exemple, les emprunts faits par les auteurs latins à la langue religieuse, à celle du droit ou à la vie des champs? Ils glaneraient dans leurs auteurs assez bien de termes ou de locutions ressortissant à ces rubriques. Ainsi, pour avoir compulsé pendant une demi-heure le Dictionnaire étymologique de Bréal et Bailly, j'ai pu réunir les notes que voici :

La langue religieuse.

La science des augures avait pris à Rome une si grande importance et avait tellement pénétré dans la vie de tous les jours, que nous trouvons le mot avis en tête d'un certain nombre de composés où on ne le soupçonnerait pas d'abord, et où sa présence est presque oubliée; tels sont aucupari, guetter (un présage), autumare, apprécier (un présage); dans augurium la seconde partie est formée d'un ancien verbe qui a donné le substantif gustus; augur celui qui essaye, éprouve les oiseaux.

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Le mot calare et ses dérivés : Calendae, Calendarium.
Les jours fastes et néfastes.

Abominor, écarter un mauvais présage, détester.

Le carré tracé dans le ciel par l'augure et à l'intérieur duquel

s'observent les présages s'appelle templum. De là le verbe contemplari. Dérivé du même ordre d'idées est considerare, observer les astres, d'où considérer, en général.

La langue du droit.

Arbiter, de ad et d'un dérivé de bacto ou beto, aller (Plaute, Merc., II, 3; Varr.) Cicéron pro Roscio Comoedo et Sénèque de Beneficentia, III, 7 définissent le rôle de l'arbitre.

La stipulatio, en langue judiciaire, est une interrogation par laquelle on demande ou propose quelque chose; la réponse s'appelle sponsio. Comme l'usage de rompre une paille en signe de promesse existait chez les anciens, l'étymologie par stipula, paille, est probable.

Emancipare, aliéner par la vente, se dit spécialement du fils qui est vendu par son père; comme, d'après la loi des XII Tables, le fils vendu trois fois devenait libre, on procédait à une vente fictive pour affranchir l'enfant de l'autorité paternelle.

Dans la langue du droit, cieo et cio signifiaient « appeler à comparaître, citer ».

La vie des champs.

Recidivus, dérivé de cado, signifie « qui renaît ». C'est une métaphore empruntée à l'agriculture. On appelait semina recidiva les semences qui, en tombant, produisaient une seconde, une troisième moisson. (Pomponius Mela, III, 6, 2; Virg. Aen., IV, 344).

Calamitas est un terme emprunté à la langue des agriculteurs. C'est une maladie qui détruit les tiges calamus du blé. (Serv, ad

Georg., I, 151; Ter. Eun., I, 1; Cic. Verr., III, 16.)

La métaphore calleo, avoir des callosités aux mains à force de travail, pour signifier « savoir », est empruntée à la langue des labou-. reurs. Le verbe est encore employé dans son sens propre vers 260 avant J.-C.

Propagare s'est dit d'abord des marcottes ou branches tenant à l'arbre et couchées en terre pour produire des racines; puis il a signifié en général : multiplier, propager.

Pagina, comme le précédent, dérive de pango, ficher; pagina a commencé par être un terme d'agriculture: il désignait une treille. (Plin. H. N., XVII, 22.) De là, au figuré une colonne d'écriture, une page ». Cfr. la métaphore exarare, écrire.

D'autres ordres d'idées amèneraient de nouvelles constatations. Par exemple: Percontatio, recherche; de contus, i, (m.) croc, perche,

L'image est empruntée aux bateliers qui sondent l'eau avec des gaffes. Encore Deliberare, de libra, livre, poids, balance, présente la même métaphore que expendere ou que le français « penser » : les premiers payements se faisaient en monnaie non frappée (aes grave), au moyen d'une balance; de là les deux sens : peser, payer, qu'ont les composés de pendere. Aestimare se compose du substantif neutre aes, dans le sens de monnaie, et de timo, ancien verbe, apprécier. Le verbe a pris ensuite une signification plus générale, et il a fini par marquer une appréciation morale.

A ce propos, on pourrait encore faire rechercher quel rapport unit le sens étymologique d'un mot à sa signification morale. Considérons, par exemple, le mot ira qui signifie la colère, mais avant tout les entrailles. Il signifie sans doute la colère, parce que cette passion nous remue jusqu'au fond de notre être. Le mot lira signifie la ligne droite et nous fait comprendre la significatipn de deliro, je m'écarte de la ligne droite, je délire. Collusio, de ludo, nous fait saisir le sens de << connivence », attaché à ce mot; du reste, « connivence » est lui-même très expressif; c'est une locution très imagée, très observée, pour exprimer l'accord: c'est du regard, au moyen d'un clin d'œil connivere que les complices se comprennent. Le mot subtilis nous permet encore de vérifier le caractère pittoresque du langage, en même temps que le fait de l'emprunt des métaphores aux fonctions et métiers. Subtilis est dérivé de tela : c'est le fil qui court sous la

trame.

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On pourrait multiplier les exemples, sans même devoir rappeler ces innombrables métaphores tellement fondues dans le langage courant qu'on aperçoit à peine qu'elles sont des métaphores. Ainsi, en latin comme en français, on dira avec une égale facilité : une réplique acerbe et un fruit acerbe, un cri perçant et une pointe perçante, une réponse âcre et une saveur âcre, l'aile d'une armée et l'aile d'une volaille.

Quelquefois la comparaison ne cera pas aussi transparente : ce sont de bonnes occasions d'application pour l'élève. Il est, je suppose, en présence du mot decrepitus. Il aura bientôt trouvé que ce mot se rattache à crepo. Or ce verbe signifie primitivement « éclater ». Cfr. le français << crever » ; la vieillesse décrépite est comparée à un mur qui se lézarde ou à un arbre qui se fend.

Désire-t-on faire remarquer dans la langue le jeu de l'imagination populaire ? Qu'on arrête l'élève sur des mots comme mus ou lacertus. Le diminutif musculus désigne à la fois la souris et le muscle. Ce double sens se retrouve dans le grec uûç. Die Maus, de muis désigne

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