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le recueil, à la forme serrée, sentencieuse, amie de la mémoire, est resté le livre populaire de l'enfance à Athènes ». Y a-t-il lieu de s'étonner, après cela, que le Fénelon de la Réforme, Mélanchton, qui, dans les études classiques, voyait, avant tout, le côté pratique et moralisateur, l'ait édité et traduit en latin à l'usage des classes.

Mais nous trouvons encore ailleurs que chez les poètes moralistes des préceptes inappréciables pour la conduite de la vie. Les autres écrivains, quel que soit le genre traité par eux, offrent, sinon dans toutes leurs œuvres, du moins dans certains passages, un enseignement moral. Comme il n'est pas possible d'épuiser, ici, notre sujet, contentons-nous de citer les orateurs, Démosthène et Cicéron; les historiens, comme Thucydide et Salluste; les biographes, tel Plutarque; les dialogues d'outre-tombe de Lucien ; les tragiques et les comiques, les Euripide et les Térence; les poètes épiques, Homère et Virgile; et même l'épicurien Horace, dans ses satires, dans ses odes et dans ses épodes. N'est-ce pas lui qui, en des vers pathétiques, a glorifié l'homme juste et ferme ? N'est-ce pas lui qui a célébré, en une poésie si touchante, les travaux, les plaisirs innocents, la simplicité de la vie rustique :

<< Heureux qui, sans affaire et loin de toute usure,

Ainsi que les premiers mortels,

Avec des boeufs à lui dressés à la culture,
Laboure ses champs paternels! >>

Ce n'est pas exclusivement dans des opuscules, ce n'est pas que dans des fragments d'œuvres littéraires, ce n'est pas seulement par occasion, que les classiques grecs et latins moralisèrent leurs lecteurs en un style à la fois lumineux et esthétique. La morale fut encore enseignée dans des traités, qui n'ont rien de l'aspect rébarbatif de certains de nos manuels. Quiconque est un peu initié aux études philosophiques le sait, la philosophie moderne a pour source première, sinon principale. la philosophie ancienne, et surtout hellénique. Pour nous en tenir à notre point de vue, on peut certifier que l'Éthique d'Aristote est, pour beaucoup, le fondement intellectuel de la morale. Un grand nom domine, avec un éclat incomparable, l'histoire des idées chez les Hellènes : Socrate, dont la doctrine est reproduite avec une exactitude scrupuleuse, quant au fond et à la méthode, avec, en outre, tout le charme d'une élocution limpide et élégante, par deux de ses disciples les plus illustres, par Platon et Xénophon Le Père de la philosophie n'a lui-même rien écrit; mais son enseignement oral n'a pas été perdu l'admirable code de la morale socratique fut pieusement transmis à la postérité par les « Entretiens mémorables de Socrate »,

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œuvre due à la piété reconnaissante de Xénophon, qui a voulu réhabiliter la mémoire d'un maître vénéré, ainsi que par les dialogues du chef de l'École académique. Xénophon nous montre Socrate basant sur les merveilles de la nature sa croyance en Dieu, prouvant la nécessité de la culture de l'esprit, prêchant la justice, la tempérance, la modération, qui, soit dit en passant, est le principe fondamental de la mentalité hellénique. Rien de trop » était la devise nationale des Hellènes. Socrate énumère, par la plume de Xénophon, les devoirs de l'homme envers ses parents et ses amis, flétrit l'orgueil et la présomption, rend au travail manuel l'honneur qui lui est dù, stigmatise les délateurs, ordonne de venir en aide à l'ami indigent, et, ceci a plus de rapports qu'on ne le croirait avec la morale, le fondateur du spiritualisme en Grèce, vante les bienfaits de la gymnastique, qui donne force et santé. L'auteur des « Mémorables » conviendra surtout aux débutants; il leur révélera le côté pratique et familier de la doctrine de Socrate; il nous montre celui-ci avec sa sagesse, avec son bon sens. Platon sera le vade-mecum philosophique du rhétoricien ; il lui dévoilera, en une langue diaphane et charmeresse. la philosophie socratique et platonicienne dans toute sa profondeur; témoin ce petit chef d'œuvre intitulé « Criton ou les devoirs du citoyen », dans lequel l'auteur nous fait assister à un entretien sublime, qui emprunte son intérêt et à la noblesse des idées et à la situation tragique du personnage principal. Dans ce drame poignant. Socrate refuse, pour obéir aux lois de la patrie, de s'évader, et il convainc, par la puissance de sa dialectique, si logique et si simple à ia fois, l'ami dévoué qui l'exhorte à fuir en Thessalie Témoin encore le « Phédon », où Platon met dans la bouche du maître les preuves de l'immortalité de l'âme, conviction à laquelle Socrate aboutit grâce aux seules lumières de la raison.

Oui, vraiment, Athènes fut l'un des berceaux de la sagesse, qui, de là, rayonna sur le monde antique et moderne. Ce don divin fut d'abord apporté aux farouches guerriers des bords du Tibre par un orateur éminent, doublé d'un ardent patriote, qui périt victime de son amour de la liberté. Tenu à l'écart de la politique, sa passion dominante, par le despotisme naissant, Cicéron, apparenté à Victor Cousin par son éclectism philosophique, mais disciple de Zénon par sa doctrine morale, assuma la tâche lourde et laborieuse d'initier ses rudes compatriotes aux travaux et aux résultats de la philosophie grecque. Ce rôle de vulgarisateur, il le remplit avec beaucoup de succ's ; il fut l'interprète, très souvent fidèle, des idées philosophiques de ces Hellènes, vainqueurs spirituels de ceux qui les avaient vaincus sur le champ de bataille. Il traduisit librement les textes originaux,

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ou les arrangea, les adapta au génie latin, en une langue éminemment littéraire, en des dialogues d'une suavité exquise. Nos philosophes modernes auraient souvent tout intérêt à étudier Platon, Xénophon et Cicéron, pour s'assimiler l'art de rendre l'abstraction aisément intelligible, et, pour ainsi dire, concrète. Nous puiserons dans les dialogues philosophiques de Cicéron de beaux préceptes, dont nous pourrons profiter, nous aussi, qui sommes si imbus de notre supériorité universelle; après la lecture de ces petits traités, nous reviendrons plus modestes de notre excursion dans le passé, ayant reconnu une foule d'idées pour lesquelles nous réclamons, chaque jour, des brevets d'invention. Dans son « De Senectute », l'auteur enseigne que ce qui atténue, au point de les annihiler, les incommodités et les ennuis inhérents à la dernière étape de l'existence, c'est la con science d'une vie bien remplie, passée dans l'accomplissement du devoir et dans la pratique des vertus; il y aborde franchement le problème de la destinée humaine. « Si, dit-il, nous sommes sur terre uniquement pour donner satisfaction à nos aspirations d'ordre physiologique, pour nous acharner à la poursuite du plaisir, et disparaître entièrement ensuite, le premier bonheur est de ne pas naître, le second est de mourir jeune. Eh bien! non, ajoute-t-il; à cela ne peut se borner notre mission; nous avons des devoirs à remplir; il y a un avenir au delà de la mort. Et, pour revenir au sujet propre du dialogue, quand on a accompli sa tâche en travaillant au bien de tous, en se dévouant à la patrie et à l'humanité, la vieillesse est douce, on pense sans regret au passé et l'on envisage l'avenir sans effroi ». Telle est l'idée maîtresse de cet intéressant opuscule. Et tout cela est développé avec clarté et simplicité; cette dissertation dialoguée est émaillée de charmantes digressions: tel le parallèle entre l'activité et la vigueur corporelle, tel encore l'épisode où l'athlète Milon verse de vaines larmes sur sa déchéance musculaire; telle enfin cette riante peinture de la vie champêtre, où le sentiment de la nature est exprimé d'une manière si touchante. Est-il possible de rendre la morale plus aimable, le devoir plus souriant?

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Ceci nous amène à caractériser brièvement son cours de morale, qui a pour titre De Officiis ». C'est le testament philosophique du parfait stoïcien. Voici quelle en est la synthèse : « ce qui n'est point honnête ne saurait être utile, et tout ce qui est honnête est utile ». Il y a lieu d'admirer spécialement des pages magnifiques sur l'inviolabilité de la propriété et sur la fidélité au serment. Qui ne connaît le trait sublime de Régulus retournant se livrer à ses cruels ennemis, après avoir conseillé au Sénat romain la guerre à outrance? Notons encore ce que dit Cicéron de l'impartialité et du désintéressement des

gouvernants, de la justice, de la grandeur d'âme, des relations sociales, d'où il faut bannir toute feinte et toute dissimulation.

C'est le moment de parler du dialogue si attachant sur l'amitié. Vae soli! Cependant l'horreur de la solitude ne doit pas nous enlever toute circonspection dans le choix de nos amis. C'est la vertu, et non l'intérêt, qui est le fondement inébranlable de la véritable amitié; pour durer, celle-ci exige de la confiance, de la sincérité, du dévoû· ment, de l'abnégation.

Nous terminerons par les « Tusculanes », où Cicéron, à la suite des stoïciens, étudie les redoutables problèmes de la douleur et de la mort.

D'autres écrivains, qui n'appartiennent pas à la période dite clas sique, nous fourniraient encore une foule de preuves pour étayer notre thèse. Mais il faut savoir se borner. Nous désirions démontrer que l'enseignement des langues mortes ou anciennes est un enseignement bien vivant, bien moderne, si l'on y a en vue les idées et les sentiments, et tout particulièrement, la façon de se conduire dans la vie, pour quiconque est soucieux de sa dignité et de son perfectionnement continuel. Ce qui précède nous autoriserait, croyons-nous, à appliquer aux moralistes grecs et latins les beaux vers d'André Chénier sur le chantre du Roland hellénique, après les avoir modifiés légèrement, cela va de soi :

Trois mille ans ont passé sur la cendre d'Homère,

Et depuis trois mille ans, Homère respecté

Est jeune encor de gloire et d'immortalité.

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Relations de voyage et de séjour au Pays de Liège.
(XVI-XVIIE SIÈCLE)

l'on

J'ai hâte d'arriver à notre ville de Liège. C'est d'elle surtout que a parlé et je suis persuadé qu'il ne vous est pas indifférent de savoir ce qu'on en pensait. (*)

Nous avons déjà dit que Guichardin était assez utilitaire. La destination de son ouvrage l'en excuse entièrement. Mais le caractère très objectif de sa description ne nous empêche pas de soupçonner son admiration pour Liège : « Son plant est merveilleux, dit-il, elle estant assise en une vallée très plaisante, et icelle ceinte de costaux et montaignes sur la Meuse, laquelle entre dedans, avec deux rameaux et y fait plusieurs islettes habitées » (Guichardin, p. 472). Et il insiste sur la belle étendue de la ville, sur les montagnes qui l'entourent, sur la grande abondance des ruisseaux et des fontaines et aussi sur les vignes qui étaient alors assez importantes. « Ce qui est cause, ajoute-t-il en parlant de l'aspect général de Liège, que le sieur d'Argenton, (non sans bonne considération) la compare à la cité de Rouen » (Guichardin, p. 472).

A Marguerite de Valois, Liège rappelle Lyon.— Vous remarquerez en passant que cette habitude de toujours comparer un lieu qu'on visite à un autre déjà vu, est une des caractéristiques du voyageur français, encore aujourd'hui. Voici l'appréciation générale de Marguerite « La ville est plus grande que Lion, et est presque en mesme assiète, la rivière de Meuse passant au milieu; très bien bastie, n'y ayant maison de chanoine qui ne paroisse un beau palais; les

(*) Ce John Mandeville dont j'ai cité le jugement sur Liège et à propos duque je renvoyais à l'ouvrage de Ward and Waller, n'est en définitive qu'un mystificateur liégeois du nom de Jean de Bourgogne (cf. G. KURTH, la cité de Liège au moyen âge, t. II, p. 291).

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