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w, y qui la suivent : n-dendele venant de n-lendele, ngwene, de n-wene ? On croit reconnaître dans le fouillis des exemples donnés un certain nombre de phénomènes d'assimilation et de dissimilation très différents les uns des autres et qui n'ont très vraisemblablement rien à voir avec le renforcement des consonnes suivant l'n.

D'après le P. Butaye, le kikongo possède un «g très guttural qui se rapproche du w ». Inversement, « dans certains mots, le w est très aspiré et se rapproche d'un g». De quel g s'agit-il? Du g français, qui n'a pas d'aspiration, ou bien du g flamand ?

Les deux sortes d'é, l'i, l'u ont-ils toujours la même quantité, et ces voyelles ne donnent-elles pas lieu à des distinctions analogues à celles formulées pour l'a?

Le « se prononce sans grasseyer ». Il faudrait s'entendre sur le sens accordé à ce mot; chacun de nous l'emploie à sa guise et s'en sert, ainsi que l'a dit finement M. Nyrop, pour désigner la prononciation de l'r qui n'est pas la nôtre et que nous considérons comme mauvaise.

L'accent, de l'avis de l'auteur, joue un grand rôle dans la prononciation du kikongo. Il y a donc lieu de s'y arrêter, et le P. Butaye donne les règles principales de la place de l'accent. Mais cet accent, quelle en est la nature? On cherche en vain un mot d'explication. S'agit-il du renforcement d'intensité qui caractérise les langues germaniques, ou bien faut-il élever le ton de la syllabe accentuée, à la façon présumée des anciens Grecs? Cette fois encore, le phonéticien devine que la seconde hypothèse est préférable, à la lumière d'une seule phrase ajoutée incidemment : « La diction élégante des beaux parleurs a quelque chose d'un chant. » Que nous sommes loin des notations qui illustrent à présent les petits traités des Rippmann et des Daniel Jones!

Ce sont là inconvénients assez graves, mais auxquels, en somme, on pourrait parer sans trop de peine, au prix d'observations plus nettes et d'une rédaction plus précise. Mais le malheur est plus grand. L'auteur, trop peu habitué aux détails phonétiques, n'a pu se soustraire à la tyrannie de l'écriture; il s'est laissé prendre au leurre des graphies conventionnelles et équivoques, et l'incapacité où il s'est trouvé de faire le départ entre l'orthographe et la prononciation va jeter le trouble à travers tout l'ouvrage.

P. 12. O a parfois « le son grave, long, comme dans le français hôpital. » C'est sans doute à la faveur de l'accent circonflexe que le P. Butaye attribue à l'o de hopital une longueur et un timbre qu'il n'a plus depuis longtemps?

P. 11. «N mouillé est généralement suivi de y et se prononce

comme ge dans le mot seigneur. » Mais alors pourquoi ne point écrire gn au lieu de ny, ou employer toute autre graphie adéquate? Ny est tout à fait fautif.

P. 12. « Au se prononce a-o, jamais o. » Pourquoi donc adopter une notation aussi étrange, et dans laquelle le son réel n'a rien qui le reflète ?

P. 12. Y se prononce comme dans type. Ex. : yandi, yindula; yunga. » Faut-il prendre l'auteur au mot? Dans ce cas, y i, valeur qu'il a dans type, et il faut dire : i-andi, i-indula, i-unga. Mais on se demande s'il n'y a pas erreur, et si dans ces mots y ne représente pas le y français des mots yatagan, yacht, autrement dit le jod germanique. C'est du moins ce qu'on se croit permis d'inférer d'un passage de la p. 14 «i devient y devant une voyelle autre que y ». Mais, encore une fois, rien n'est moins sûr, et le lecteur dérouté se demande si l'auteur a voulu parler de l'orthographe ou de la prononciation

N'avons-nous pas mauvaise grâce à insister sur ces détails? Nous pensons au contraire faire œuvre utile. La grammaire du P. Butaye, qui paraît excellente par ailleurs, pèche par un défaut : c'est celui qui vicie la plupart des livres analogues publiés jusqu'aujourd'hui par les missionnaires et par les voyageurs. Ni les uns ni les autres, sauf quelques exceptions, n'ont aucune connaissance des éléments de la phonétique. Or, on aura beau dire et beau faire quiconque s'avise d'esquisser l'image d'une langue vivante doit savoir ne point se tromper sur l'aspect phonétique de cette langue.

Mieux encore quand il s'agit d'idiomes dont la connaissance est relativement récente, et qui n'ont point derrière eux une longue tradition orthographique, comme celle qui pèse sur les langues européennes, il faut nous hâter de profiter de la latitude qui nous reste encore; nous devons doter les langues africaines d'une orthographe rationnelle, phonétique autant que possible, alliant l'exactitude à la clarté et à la simplicité

C'est la seule manière de mettre au jour des guides linguistiques sûrs et commodes et surtout d'obvier à l'anarchie qui envahit la littérature grammaticale africaine. Chacun des voyageurs transcrit à sa façon, et avec quel illogisme et quelle imprécision, les sons de la langue qu'il étudie.

En sont-ils responsables? Vraiment non : l'étude de la phonétique est si peu généralisée! On ne peut cependant demander à des explorateurs de s'improviser phonéticiens et, nouveaux Pascals, de trouver en eux-mêmes les principes de la science des sons. Il n'en est que plus vrai qu'une préparation phonétique élémentaire, reçue avant leur départ pour le continent noir, les armerait suffisamment

pour qu'ils pussent donner une idée très approximative des sons entendus et surtout pour répandre de l'unité dans les renseignements phonétiques qui nous viennent de là-bas. Il y a six ans, dans la première leçon de notre cours de phonétique (1), nous signalions la nécessité de cette initiation.

« Il n'est pas facile, disions-nous, de bien entendre un son inaccoutumé, et surtout de le caractériser avec exactitude et clarté : ce travail demande une finesse d'oreille ou tout au moins une éducation phonétique que tout le monde ne possède pas. Pour l'obtenir. il faudrait, outre quelque pratique, un certain nombre de notions très simples sur l'organisme vocal et sur son fonctionnement. Cela nous entraîne à formuler le vœu que, dans ce siècle de colonisation, les futurs voyageurs acquièrent, avant de partir, l'habitude des choses phonétiques. On y gagnerait tout d'abord des grammaires ou des vocabulaires bien faits des parlers locaux : les colons auraient moins de peine à prendre langue dans la région, et partant, à exciter la confiance des indigènes; par dessus le marché, nous linguistes, nous nous réjouirions de voir se multiplier les points de comparaison précieux pour l'étude de la parole. >>

Depuis, le savant africaniste M. C. Meinhof a formulé le même vou, en l'appuyant de son expérience incontestée, dans un petit volume qui mériterait d'être traduit: Die Sprachen des dunkeln Weltteils (2). Nous ne pouvons nous empêcher de résumer les remarques principales que l'auteur consacre au chapitre des sons. On verra combien elles concordent avec les critiques que nous nous sommes permises plus haut.

« Pour s'initier aux langues de l'Afrique, dit M. Meinhof, il faut posséder l'art d'apprendre la parole de la bouche d'hommes vivants: rien ne sert de feuilleter livres et manuels. En effet, les sons transcrits par les voyageurs ne peuvent être pris à la lettre; car il faudrait connaître chaque fois la nationalité exacte de l'auteur et le dialecte qu'il parle de naissance : un Saxon, qui confond d et t, b et p, etc., sera un bien mauvais guide lorsqu'il rencontrera ces sons dans une autre langue. Dire que w, k, y sont prononcés comme en allemand est une naïveté, étant donnée la multiplicité des prononciations attribuées à ces sons dans les diverses régions de la terre allemande. D'habitude, le voyageur part de l'alphabet latin, et contraint à entrer dans le cadre trop étroit de ces 25 lettres nombre de sons étrangers qui n'ont pas de correspondant: d'où une foule d'hésitations entre d, ✓ ou l, entre g et ; parfois le même mot se trouvera écrit de plusieurs

(1) Musée Belge, année 1906.

(2) Stuttgart, Greiner und Pfeiffer. Collection Gegenwartsfragen, no 10. —

1909.

façons par le même auteur qui n'aura pas su le reconnaître dans des groupes différents. Si l'on veut sortir de toutes ces difficultés, il n'y a qu'une ressource: apprendre à connaître exactement la manière de former les sons, et tout d'abord les sons de sa langue maternelle. »

M. Meinhof ne pouvait non plus passer sous silence l'importante question de l'orthographe. Le caprice personnel, dit-il en substance, règne en maître dans le domaine des transcriptions. La collection des signes différents que l'on a déjà inventés pour rendre les sons africains est une merveille de confusion.

Il faudra certes longtemps avant qu'on s'arrête à choisir un système unique. On n'y éprouvera peut-être pas moins de difficulté qu'à rallier tous les suffrages à la paix universelle. En attendant, on aurait tort de jeter le manche après la cognée. On peut encore tolérer dans une certaine mesure la multiplicité des notations, pourvu qu'elles soient employées à bon escient et que le lecteur soit fixé avec précision sur leur valeur.

Au moment où le continent noir s'ouvre à l'exploration linguistique, nous avons cru devoir attirer sur l'importance de la phonétique l'attention des personnes dévouées qui, comme le P. Butaye, ont le courage de s'abstraire de leurs occupations absorbantes et parfois périlleuses, pour faire œuvre utile à leurs compatriotes et aux savants. Faute d'un cours d'initiation à l'usage des explorateurs, il ne manque pas de manuels phonétiques excellents où l'on puisera les notions indispensables. Pour ne citer qu'un exemple, M. C. Meinhof dans son Grundriss einer Lautlehre der Bantusprachen (1) a consacré un chapitre à la phonétique et à l'orthographe; les amateurs y trouveront les éléments de phonétique qui les aideront à rédiger leurs monographies des parlers africains. Au préalable, suivant le conseil de M. Meinhof, ils étudieront les sons de leur propre langage dans les livres des Sweet, des Jespersen, des Viëtor, des Roorda, dans les études que les Leuvensche Bijdragen ont publiées sur les dialectes flamands, enfin en ce qui concerne le français, surtout dans le Manuel phonétique du français parlé, de M. Kr. Nyrop. A. GRÉGOIRE.

(1) Deuxième édition. Berlin, 1910.

PARTIE BIBLIOGRAPHIQUE.

ANTIQUITÉ CLASSIQUE

213-214. W. Windelband, Geschichte der antiken Philosophie. 3te Aufl. von Prof. Dr ADOLF BONHOEFFER. Munich, C. H. Beck, 1912. 6 m., relié 7 m. 80. (Handbuch der klass. Altertumswissenschaft, hrsg. von Iwan v. Müller, V, 1.)

G. Wissowa, Religion und Kultus der Roemer. 2te Aufl. Munich, C. H. Beck, 1912. 11 m., relié 13 m. (Même manuel, V, 4.)

Ces deux volumes sont des éditions nouvelles de deux fascicules du grand manuel d'Iwan von Müller. L'histoire de la philosophie ancienne a paru pour la première fois en 1888; la seconde édition est de 1893. L'une et l'autre était accompagnée d'une histoire des sciences dans l'antiquité par S. Günther; désormais celle-ci formera un volume séparé.

Dans la première édition, l'histoire de la philosophie ancienne comprenait 220 pages; suivant l'habitude familière aux auteurs de ce manuel ou plutôt de cette encyclopédie, Windelband et Bonhoeffer ont développé leur sujet, si bien que le nombre des pages est monté à 344. Vingt ans s'étaient écoulés depuis la publication de la deuxième édition. M. Bonhoeffer, prié par l'auteur et par l'éditeur de procurer la troisième, s'est trouvé devant une quantité énorme de travaux nouveaux à utiliser, mais il n'a pu naturellement rien changer au plan général ni aux idées de l'auteur. Il ne s'est pourtant pas borné à compléter et à développer; plus d'un chapitre a été fortement remanié. Citons les philosophes présocratiques, Platon, la philosophie hellénistique et romaine. Windelband avait donné une vue générale des dialogues de Platon; Bonhoeffer donne de chacun une analyse sommaire. C'est ce que Christ et Schmid avaient déjà fait en se plaçant au point de vue littéraire; Bonhoeffer se place au point de vue philosophique et prépare par ces résumés son étude sur l'évo lution de la pensée platonicienne. Dans ce chapitre, comme dans le chapitre consacré au stoïcisme, Bonhoeffer a introduit dans le texte des vues différentes de celles de Windelband. Ailleurs, il s'est borné à indiquer son opinion dans les notes mises entre crochets.

Ainsi mise au courant et quoique plus développée, l'histoire de la philosophie ancienne de Windelband-Bonhoeffer constituera l'un des manuels les plus pratiques par sa concision, qui n'a pas empêché les auteurs d'aborder toutes les questions et de donner une bibliographie abondante.

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