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lui seul et beaucoup rêvé. Il était doué d'un véritable tempérament poétique et son esprit ne manquait pas de profondeur. Malheureusemeni, chez lui, le versificateur cheville sans vergogne. rime sans effort, disloque le rythme et méprise l'art... qui se venge; le prosateur ignore les lois de la composition et le travail du style ; le romancier ne sait pas animer ses personnages et le penseur enveloppe ses fréquentes utopies d'une forme nébuleuse.

Que restera-t-il du solitaire de l'Arguenon? Peut-être, son poème « A l'Enfant »; peut-être, encore, le souvenir de l'amitié qui l'unit, ainsi que sa femme, à Maurice de Guérin, et la mémoire de son admiration naïve et délirante pour La Mennais, qui l'avait converti.

A l'histoire du romantisme en Bretagne, les deux livres de l'abbé Fleury apportent une contribution touffue et précieuse. Cependant, en dépit du talent déployé par le biographe et malgré les espérances que le commentateur avoue, bien peu nombreux seront les amis inconnus », qui « éprouveront jamais le désir de feuilleter l'édition des œuvres complètes » d'Hippolyte de La Morvonnais, honnête homme, assurément, mais philosophe et artiste trop imparfaits.

LÉON DEBATTY.

294 Émile Faguet, La poésie française, depuis les origines jusqu'à nos jours. Paris, Librairie des Annales, 1911. XXIV et 572 p. in-16. fr. 50.

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Nous possédions d'excellentes anthologies des poètes français. Néanmoins, les cousins de Cousine Yvonne ont, paraît-il, réclamé à cor et à cri ce nouveau florilège, dont les dix premières éditions (1) se sont vendues en quelques mois. Voyons si ce succès est mérité. Quatre collaborateurs, dont un membre de l'Institut, ont désuni leurs efforts pour mener l'œuvre à bien. M. Émile Faguet, qui accorde au recueil le patronage de son nom, a bâclé une « introduction générale › qu'il intitule la poésie française des origines à 1900. Entendons par là qu'il ne sera nullement question des balbutiements de l'épopée et du théâtre, de la satire et de la littérature lyrique, mais que M. Faguet se contentera de prendre les différents genres au moment de leur formation achevée. Après avoir prêté au moyen âge une partie de l'attention informée qui lui est due, l'académicien trousse dans son style de hâte et de premier jet, un couplet en l'honneur de tous les grands noms de la poésie, Alfred de Musset excepté; juge que « Voltaire rend à son siècle cet immense service que sans lui, le xvIIe siècle,

(1) J'ai examiné l'exemplaire envoyé à l'un des souscripteurs de l'ouvrage.

non seulement serait prosaïque (1), mais serait prose à peu près tout entier »; accumule les épithètes sans toujours les peser; se garde d'énumérer les membres de la Pléiade, mais fait défiler avec com plaisance les versificateurs de 1760 à 1820; brouille les dates, lorsqu'il écrit : « pendant que les grands romantiques [Lamartine, Hugo et les autres] tenaient ainsi comme le devant et le milieu de la scène, Delille » [mort en 1813] « décrivait... à peu près tout ce qui peut être décrit »; oublie de Hérédia et Verlaine, mais se souvient de Mendès; ne souffle mot du symbolisme et termine ces pages inégales - elles contiennent des raccourcis heureux et des silhouettes enlevées mentionnant parmi les successeurs des Parnassiens les seuls Jean Richepin. Haraucourt. Edmond Rostand et Mme Hélène Picard.

en

M. Antoine Albalat s'est chargé d'exposer,en des préfaces copieuses, l'évolution des genres poétiques au moyen âge et pendant chacun des siècles suivants. Sauf en ce qui concerne la période médiévale, il l'a fait presque toujours (2) avec goût, érudition, méthode, et sans se préoccuper le moins du monde, de l'introduction générale. L'époque antérieure au xve siècle ne paraît pas familière à M. Albalat. Sinon, comment expliquer le mutisme qu'il affecte à l'égard de la poésie didactique et des fabliaux; son excès de sévérité; ses assertions hardies ou erronées; la traduction que fit Rutebeuf de la vie de sainte Élisabeth de Hongrie mentionnée comme œuvre dramatique; des identifications, partielles peut-être, mais, à tout prendre, périlleuses Chrétien de Troyes et Alexandre Dumas père; le Mystère des actes des apôtres et Michel Strogoff?

Que les écrivains, dont deux siècles se partagent l'existence et la

(1) Quelques lignes plus loin, M. Faguet parle de Buffon et de J. J. Rousseau « poètes en prose » qui «< suscitent [au xvIIe siècle] des poètes en vers >> (p. XVII. Peut-être serait-il piquant de rapprocher de ce jugement de M. Faguet, celui de Brunetière : « Dans la mesure où les vers ne sont que de la prose, Voltaire a été el demeure inimitable » (Études sur le XVIIIesiècle, 1911, p. 57).

(2) Mais non pas toujours. Témoin, une erreur chronologique : « Quinault est l'auteur d'une comédie de caractères, la Mère coquette (1654) qui est avec le Menteur de Corneille une des meilleures œuvres qu'on ait écrites avant Molière » (p. 179);

Deux passages qui semblent bien se contredire :

Il (Corneille) a créé la comédie vingt ans avant Molière (p. 177).

Malgré le Menteur, il (Molière) a véri tablement créé la comédie (p. 179);

ou encore l'entassement bizarre et désordonné des derniers poètes du xixe siècle. M. Albalat qui s'est proposé « de montrer la filiation des différentes écoles » et a pourtant passé sous silence les précieux et les burlesques, ignore, lui aussi, le symbolisme il place Jean Richepin entre Mallarmé et H. de Régnier; Mendès après Moréas et de Bornier; Verlaine à la suite de Samain et Guérin. S'il nomme Jean Aicard, il dédaigne Haraucourt, Mme Picard et... Verhaeren.

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gloire, soient attribués par M. Faguet au premier et par M. Albalat au second ou vice versa -; que des nuances parfois accentuées différencient les jugements des deux critiques, on le comprend, sans doute.. et on le déplore, dans une anthologie, qui aspire à l'honneur de devenir un manuel d'initiation littéraire ; mais ce que l'on ne peut absolument admettre, ce sont des oppositions diamétrales, telles que celles ci :

M. FAGUET

Sully Prudhomme...fut l'héritier direct d'Alfred de Vigny (p. xxi).

Marot est savant et il est philosophe et il n'a pas seulement pour lui « l'élégant badinage », du reste gracieux, ingénieux, d'une jolie sensibilité quelquefois et infiniment spirituel (p. x1).

M. ALBALAT

Sully Prudhomme fut plus particulièrement le descendant direct de la poésie lamartinienne (p. 493).

(Chez Marot) l'absence de toute espèce de sensibilité cause une véritable fatigue (p. 78).

Que doivent penser de ces divergences les petites Annales et à quelle opinion leurs esprits déconcertés se rallieront-ils ?

Heureusement inspirés, MM. E. Glorget et L. Larguier auraient borné leur zèle à la composition de substantielles notices biographiques et à l'élaboration des notes et traductions nécessaires à l'intelligence des textes médiévaux. Ils ne l'ont pas voulu. Se contentant de notes insuffisantes, d'une traduction parfois approximative, d'une documentation plutôt rapide et d'une mémoire sujette aux défaillances, iis n'ont pas résisté au plaisir de nous révéler, en toute indépendance, comment ils apprécient bon nombre de poètes français. Aussi, le lecteur n'échappe t il à l'ennui des choses trois fois dites, que pour être réduit à la constatation navrée de multiples contradictions, entre les préfaces et les notices, qu'il s'agisse du texte primitif du Roman de Renard, du bannissement de J.-B. Rousseau, du thème du Roman de la Rose, des poèmes philosophiques de Sully Prudhomme, du talent d'Alain Chartier; ou pour se voir enseigner que Marie de France « née en 1180 vécut à la cour de Henri III »; que Maître Pathelin est vraisemblablement l'oeuvre de plusieurs poètes, dont Anthoine de la Salle et Pierre Blanchet; que les Feuilles d'Automne parurent en 1813; que Sainte Beuve débuta, en 1829, dans la carrière littéraire, par la publication d'un recueil intitulé Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme; que Henri de Régnier est le seul des écri vains symbolistes qui ait tenu ses promesses; que Jean Richepin est entré à l'Académie française en 1901, etc., etc.

« Quant aux extraits eux-mêmes, écrit l'éditeur, nous avons voulu citer tous les poètes, qui ont conservé un nom devant la Postérité ou qui méritent d'être connus. » Il s'en faut de beaucoup. Et ici encore,

se manifeste, sans retenue, l'incohérence, qui a présidé à la préparation du manuel. Si le moyen âge est naturellement sacrifié et si, de la mort de Roland à la tirade du nez de Cyrano, la plupart des pièces reproduites se lisent dans tous les florilèges (Rondel du Printemps; Ode à Du Perrier; les Embarras de Paris; la Jeune Tarentine; la Chute des Feuilles; le Lac et combien d'autres !) plus d'un écrivain mentionné par MM. Faguet et Albalat n'est pas honoré de la moindre citation, tandis que d'autres, écartés de l'introduction et des préfaces, trouvent une place hospitalière dans le recueil. Qu'on laisse de côté un Colomby exhumé par M. Faguet, on ne sait au juste pour quel motif, fort bien; mais pourquoi préférer aux Hardy, Mairet, Sarrazin, Thomas Corneille, Crébillon, etc., les Vion, Colletet, Panard, Rulhière ou ce Pierre Motin qui a laissé un nom sans gloire »? (p. 159). Et voici qui est plus grave encore l'éditeur s'est vu refuser par ses confrères l'autorisation de reproduire la moindre pièce complète de plusieurs poètes contemporains: pas un dizain de Coppée, pas un sonnet de Hérédia, pas un poème de Leconte de Lisle ou de Verlaine. Comment le lecteur pourra-t-il à l'aide de fragments parcimonieux, avoir une idée exacte de l'œuvre, qu'on prétend lui faire connaître ?

Quand j'aurai montré l'ordre divers dans lequel se suivent les auteurs des extraits ils sont disposés, tantôt d'après l'année de leur naissance, tantôt d'après la date de leur mort, tantôt au petit bonheur; quand j'aurai signalé les omissions de la table des matières (Alain Chartier, Charles d'Orléans, Maître Pathelin) et les erreurs de la table alphabétique (aucun des renvois à l'introduction n'est exact; le Daurat — ou Dorat du xvie siècle et le Dorat du XVIII ne forment plus qu'un seul et même écrivain; en revanche, une distinction déconcertante est établie entre Lamotte-Houdar et Lamotte); quand j'aurai ajouté que les noms de certains poètes (Bodel, Rutebeuf, Montchrétien, Pierre Lebrun, etc.) ne sont même pas gratifiés d'une orthographe uniforme, on me permettra sans doute de conclure que la réclame faite en faveur de cet ouvrage unique » (no des Annales du 2 juin 1912) ne manque point de candeur, de complaisance ou d'audace (1). LÉON DEBATTY.

(1) Tout porte à croire ce volume destiné à la jeunesse. On y lit cependant, à propos d'Alfred de Musset, la phrase suivante : « Sa vie était à lui. Il pouvait la gaspiller » (p. 492). Faut-il voir en ceci l'un des préceptes de la philosophie maternelle de Cousine Yvonne?

295. E. Renaud, S. J. Exercices français. Le vocabulaire. La phrase. La composition. 2e vol. Charleroi, H. Gobbe, 1912.

Il y a un an, en présentant aux lecteurs du Bulletin bibliographique le r‹r volume de cette série, j'ai dit tout le bien que je pensais de l'œuvre du P. Renaud. Cette œuvre a obtenu tout le succès que je lui avais prédit.

C'est qu'en ces dernières années les idées ont singulièrement changé. On ne conteste plus aujourd'hui que l'art d'écrire est un art comme les autres, comme la peinture ou le dessin, un art qui s'apprend et qui s'enseigne, que la composition et la critique littéraire elle même sont basées sur une connaissance approfondie de la langue et de toutes les ressources dont elle dispose, que cette connaissance enfin ne peut être que le résultat d'une étude continue et systéma tique.

Ce deuxième volume est conçu d'après les mêmes idées que le premier et construit sur le même plan.

Il se compose de trois parties : le vocabulaire, la phrase, la composition. Toutefois l'auteur nous avertit que l'étude de ces trois parties doit être simultanée.

Le vocabulaire. Dans cette partie les mots nous apparaissent rangés en différentes catégories: 1o ceux qui ont le même suffixe (dérivation); 2o ceux qui ont le même préfixe (composition); 3° ceux qui ont la même origine ou la même racine (famille de mots).

On pourrait reprocher à l'auteur d'allonger un peu trop la liste des mots qui n'ont de commun que l'affixe ou le suffixe et présentent, pour le surplus, un sens absolument différent. Ces divers groupements n'ont d'autre base que la formation lexigraphique. Beaucoup plus intéressants et plus suggestifs sont ceux qui sont basés sur les affinités de sens ou sur les analogies de la pensée (ils sont rangés sous les rubriques suivantes : la grammaire, la littérature, la géographie physique, la géographie politique, l'histoire, les institutions, la marine, l'armée, la justice, l'art, etc.).

Ici les leçons de mots deviennent des leçons de choses. Car les élèves apprendront à connaître les institutions politiques, militaires, judiciaires, ce qui caractérise les différentes carrières ou professions, etc..., en même temps que les termes particuliers qui s'y rapportent.

Tous ces exercices (il n'y en a pas moins de 118) tendent au même but assurer la propriété des termes, qualité essentielle, aussi nécessaire à l'art de penser qu'à l'art d'écrire.

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La phrase. - Après avoir étudié successivement l'ordre de la coordination (ordre chronologique, ordre de gradation, inversion) sur des

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