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phrases détachées ou des textes continus, l'auteur se livre à une analyse très fine et très pénétrante de phrases beaucoup plus compliquées. Il fait très bien ressortir, à ce propos, l'importance de cette grande loi du style qui est la gradation (gradation logique basée sur la force de conviction ou gradation esthétique basée sur l'intensité du sentiment) et l'élève en arrive ainsi à se convaincre que la construction des phrases n'a rien de conventionnel ni d'arbitraire, mais qu'elle doit se régler d'après le mouvement de la pensée ou la marche du raisonnement. La leçon de style devient ainsi une excellente leçon de logique ou de goût.

Dans un dernier chapitre d'un caractère plus spécialement technique, l'auteur étudie, parmi l'infinie variété de structures dont la phrase française est susceptible, un certain nombre de constructions, qui sous certain rapport peuvent être considérées comme des phrases types, parce qu'elles servent habituellement de moules à la pensée. Ces constructions ne sont proposées, cela va de soi, qu'à titre de specimens. Sous cette réserve, les exercices qui s'y rapporteront constituent un excellent moyen d'assouplissement, sans nuire en rien à l'originalité de l'élève, qui doit avoir toute liberté pour l'expression de sa pensée; ils lui assureront la facilité et la vivacité de la phrase française.

La composition. - Cette troisième partie est la plus importante. Elle est l'aboutissement, logique et pratique, des deux autres.

Sans exclure la narration, les exercices se rapportent surtout à la description, considérée à bon droit comme l'élément fondamental de toute composition littéraire. Quant aux lois de la description, l'auteur les ramène à deux : le point de vue, qui commande le développement, et le pittoresque, qui fait que le style peint, a de la ligne, de la couleur, de l'éclat.

Les exercices (au nombre de 150) sont rangés sous les rubriques suivantes la description technique, la lumière et les couleurs, la nature et les saisons, la morale et les sentiments, les actions successives (narration), les êtres vivants, exercices de récapitulation (la vie de l'élève, etc.).

Tels qu'ils sont combinés, ces exercices n'apprendront pas seulement à l'élève à bien écrire ou à bien décrire ; ils lui apprendront encore et avant tout à bien voir et à bien observer et par là ils contribueront tout autant à sa culture générale qu'à sa formation littéraire proprement dite.

Un dernier chapitre est consacré à la composition d'après l'image. Il est illustré d'une vingtaine de gravures qui sont la reproduction de tableaux de maîtres. L'auteur a choisi parmi les œuvres de valeur, celles qui par leur simplicité ou la nature du sujet traité sont les plus

à la portée des élèves, celles par conséquent dont l'observation et l'analyse seront les plus faciles.

Chaque reproduction est accompagnée d'un commentaire esthétique très précis et très suggestif.

Ce simple résumé montre toute l'importance et toute l'étendue de l'œuvre du P. Renaud.

L'auteur étale là sous nos yeux, dans leur infinie variété, toutes les ressources (ressources de mots, de tours, de constructions) dont la langue dispose pour l'expression de la pensée. Et ces ressources, il ne se borne pas à nous les montrer, il les analyse et les classe, les considérant non seulement en elles-mêmes, mais telles qu'elles apparaissent dans les œuvres des plus grands maîtres. Par là il enseigne l'art de s'en servir grammaire, dictionnaire, traité de littérature, de composition et analyse littéraire, l'ouvrage du Père Renaud est tout cela à la fois et l'on est réellement effrayé de la quantité de matière qu'il renferme dans ses 400 pages, comme aussi de la somme de travail, travail de recherche, d'appropriation et de composition, qu'il a coûtée.

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Il comporte plus de 300 exercices présentés sous les formes les plus diverses phrases détachées, textes suivis, textes d'auteurs choisis parmi les plus intéressants et les plus suggestifs. Et ces exercices, qui donnent lieu aux applications les plus variées, tendent toujours à provoquer l'effort personnel de l'élève en sollicitant sans cesse ses facultés d'observation et de raisonnement.

Chacun de ces exercices, d'ailleurs, est accompagné d'avertissements, de préceptes ou de conseils, qui constituent, à eux seuls, la méthodologie de l'enseignement du français la plus rationnelle et la plus pratique.

Par contre, cet ouvrage a un peu les défauts de ses qualités. Extrêmement compendieux, il laisse à certains moments l'impression assez pénible d'une accumulation exagérée. L'auteur cite 10 exemples alors qu'un ou deux suffiraient pour illustrer la règle ou le principe. Un grand nombre d'exercices font double emploi. Les redites abondent; mais de cela je me consolerais facilement, car de toutes les figures de style, la répétition est certainement celle dont nous autres pédagogues nous avons le moins sujet de médire !

Mais voici, peut être, un défaut plus grave. L'ouvrage ne semble pas écrit en vue d'une classe déterminée. La préface donne à croire que le deuxième volume est destiné à une deuxième année de fran çais, alors que le premier est au programme de la première année. Mais, outre qu'un grand nombre d'exercices sont trop difficiles pour des élèves de classes inférieures, il ne me paraît pas possible de faire

tenir en un ou deux ans un enseignement qui embrasse toute la langue française considérée dans ses modes d'expression les plus divers, depuis les plus concrets et les plus simples jusqu'aux plus abstraits et aux plus complexes. Un enseignement pareil devrait, par une répartition progressive et rationnelle, s'étendre à toutes les classes indistinctement.

L'auteur a prévu l'objection; « Il a, dit-il, multiplié les exercices pour que le professeur ait le choix » Il est de fait que celui-ci est le meilleur juge de ce qui convient à l'intelligence et au degré d'avancement de ses élèves. Mais il lui faudra pour cela, comme pour tout d'ailleurs, beaucoup de prudence et de discrétion. Quoi qu'il en soit, je considère l'ouvrage du Père Renaud comme le plus grand effort qui ait été fait depuis longtemps dans le domaine de la pratique, pour rendre l'enseignement de la langue française plus rationnel et plus fécond. Il ne peut manquer de rendre à nos élèves et à nos professeurs les plus grands services. GUSTAVE GÉRARD.

LANGUES ET LITTÉRATURES GERMANIQUES.

296. H. J. Eymael, C Huygens' Trijntje Cornelis. Klucht. Uitgegeven en van eene inleiding en aanteekeningen voorzien. Zutphen, W. J. Thieme et Cie, 1912. XXIV-104 pp. in-8°. 1 fl. 50. Tandis que le Warenar de Hooft et le Spaanse Brabander de Bredero, qui sont considérés comme les chefs d'œuvre du théâtre comique du xviie siècle, ont été édités à différentes reprises et étudiés à fond, la seule pièce de Huygens, Trijntje Cornelis, laquelle, d'après M. Eymael, peut être hardiment placée sur le même rang, avait été entièrement négligée. M. Eymael vient d'en publier la première édition moderne. Dans l'introduction développée qui précède le texte, il recherche d'abord, en vue de justifier son entreprise, les causes de ce dédain pour Trijntje Cornelis, puis examine la pièce sous tous ses aspects: la genèse, les sources, le mérite littéraire, la valeur que lui attribuait le poète lui-même, etc., enfin, il expose la façon dont il a compris sa tâche. Le commentaire est abondant et épuise pour ainsi dire la matière; M. Eymael ne laisse passer aucune difficulté, soit réelle, soit simplement apparente ou même possible, sans fournir aussitôt l'explication nécessaire. Il va de soi que, étant données les qualités de l'interprète, le commentaire répond de fait à toutes les exigences; bien rares sont les erreurs ou les méprises que l'on pourait relever. Je n'ai guère remarqué que l'explication de 't Casteel (aux vv. 130 et 279), laquelle me semble manifestement erronée. Le «< casteel » ne peut être le Steen, comme le prétend M. Eymael; c'est

tout simplement la citadelle, construite en 1567 et années suivantes; elle était située au sud de la ville et fut démolie dans les années 1870. En effet, pour aller de l'endroit où son mari avait abordé, le Bierhoofd (v. 232) (1), à la citadelle (v. 136), Trijntje devait nécessairement, ou à peu près, passer par la mal famée « Lepelstraat », comme Huygens le dit clairement (v. 132); au point de vue topographique, c'est tout à fait correct. Le Steen n'a rien à voir ici. Assez souvent et à bon droit, M. Eymael fait des rapprochements entre le néerlandais de Huygens et les dialectes actuels; il y avait moyen de les multiplier; ainsi par exemple au v. 1365 (doe je, vaer ?) il aurait pu relever l'emploi de doen, dans les cas analogues à celui-ci, dans le West-flamand de nos jours. Plezant (v. 163) est toujours en usage dans les provinces d'Anvers et du Brabant, etc. (2).

Une étude systématique de la langue et des formes employées dans cette « klucht » n'eût pas été superflue, même après les remarques que M. Smout a consacrées, dans sa monographie sur le patois d'Anvers, à la façon dont le poète hollandais a essayé de rendre le parler populaire de la cité commerçante. D'ailleurs, il n'y a pas que de l'anversois; le reste vaut tout autant cette étude. Il n'existe pas encore de grammaire de la langue de Huygens; personne mieux que M. Eymael, qui s'occupe depuis de longues années de cet auteur, le connaît à fond et doit disposer d'une immense documentation ne serait en état de l'écrire. C. LECOUTEre.

297. J. Van Herp, Lehrbuch für den ersten Unterricht im Deutschen zum Gebrauche für die Schüler der Belgischen Mittelschulen. Zweiter Teil. Lierre, Van In, 1912. 311 pp. in-8°. Broché, 2 fr. 25; cartonné, 2 fr. 50.

Cette seconde partie de l'ouvrage de M. Van Herp est essentiellement pratique. L'auteur s'est inspiré du principe qui a guidé MM. Meneau et Wolfromm dans la composition de leurs excellents manuels donner à l'enseignement de la langue étrangère une base solide et réelle par l'étude des choses, des gens, des coutumes du

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(1) Soit dit en passant, le Bierhoofd n'est pas le nom d'un quai, comme le croit M. Eymael, mais celui d'un embarcadère de bois, situé à gauche de la Porte Royale. (2) Quelques notes auraient pu être rédigées plus exactement, comme par exemple celle du v. 5. La note du v. 137 doit se rapporter au v. 141 et celle du v. 139 au V. 147; ce doivent être des transpositions dues à l'inadvertance du typographe. Quant à celle du v. 144, elle est complètement inintelligible, parce qu'elle ne se rapporte à rien du tout. Le texte présente ici une variante, dont M. Eymael n'a pas tenu compte en etablissant son éditior. La rédaction primitive des "v. 136-152, qu'il ne communique pas (on la trouvera dans l'édition de Worp, t. V, p. 53), contena:t les mots lustig (ou lastig ?) et camerspel, que vise le commentateur.

pays où on la parle ; créer artificiellemenl autour de l'élève le milieu qui lui fait défaut et qui est un agent d'assimilation si puissant. Ce souci constant de mettre l'élève en présence de la réalité pratique se manifeste à tout bout de champ dans ce volume; l'auteur reproduit des enseignes, des inscriptions de toute nature, des lettres de faire part, des menus de restaurant, etc. Il a en outre recours à une illustration abondante, croquée sur le vif, (il l'atteste) mais malheureusement peu esthétique. Détail intéressant : la longue série des chapitres très touffus (trop touffus peut-être) qui explorent successivement tous les coins et recoins de la vie allemande est présentée sous la forme d'un petit roman, dont le héros est un jeune Belge, accueilli dans une famille allemande. Ce procédé présente des avantages: il excite l'intérêt de l'élève, permet à l'auteur de recourir fréquemment à la forme de la conversation et lui fournit l'occasion d'introduire de temps en temps dans l'ensemble essentiellement positif et matériel une petite note sentimentale. Nous attachons une grande importance à ce dernier point, parce que l'orientation pratique qu'a prise l'enseignement des langues modernes, si fertile qu'elle soit en résultats directs, réduit à la portion congrue l'éducation morale et esthétique de l'élève. Cette dernière malheureusement a été un peu négligée par M. Van Herp ses illustrations, comme nous l'avons dit, n'ont qu'une valeur purement intuitive et le choix des morceaux littéraires dont il émaille son ouvrage, aurait dû être plus étendu.

Un recueil sommaire de lettres et de documents commerciaux pour la plupart écrits par les personnages mêmes du petit roman, un résumé des principales règles grammaticales et un recueil de quelques populaires chansons allemandes complètent cet ouvrage consciencieux et très recommandable. CH. VAN GORP.

HISTOIRE ET GÉOGRAPHIE.

298. G. Baril, Le droit de l'Évêque aux meubles des Intestats étudié en Normandie au moyen âge. Caen, E. Domin, 1912. 148 pp. in-8°.

Ce mémoire de M. Baril élève de M. Génestal étudie un point curieux et original des anciennes institutions normandes, à savoir la faculté qu'avaient, au moyen âge, les évêques de ce beau pays de disposer d'office des biens meubles des laïques morts avant d'avoir pu faire leur testament.

Pour comprendre la raison d'être de cette coutume, en apparence étrange, il faut se rappeler l'importance qu'avait, aux yeux des hommes de cette époque, l'acte testamentaire. Celui-ci était pour eux d'essence religieuse. Par le testament, le mourant complétait en quel

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