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M. Doutrepont esquisse à grands traits la manière dont il faudrait commenter << Napoléon II» de Victor Hugo et « l'Homme » de Lamartine. Montrez, chez le premier, que pas une de ces idées historiques n'est exprimée d'une manière abstraite. Chaque souvenir évoque une ou plusieurs images, et de ces puissants tableaux une impression se dégage, qu'un historien aurait peine à produire par un exposé détaillé. Faites voir comment tel mot entraîne tet autre, comment telle image engendre, comme nécessairement, la suivante.

Lamartine nous plaira par des qualités fort différentes. Dans le morceau cité, on remarquera la hauteur de l'inspiration, le progrès continu de la pensée et la solidité, toute relative sans doute, de l'argumentation.

Ne cherchons pas, chez lui,le fini du détail, l'éclat extérieur de l'image qui brillent souvent chez Hugo, presque toujours chez Leconte de Lisle ou Hérédia. Mais ses négligences sont fort atténuées par l'élan soutenu de son inspiration, son développement facile et l'ampleur de ses œuvres. Il faut exiger beaucoup plus des poètes qui se bornent à ciseler une petite pièce d'orfèvrerie.

On pourrait comparer, chez ces deux grands poètes, l'expression particulière du romantisme. Et ceci suggère d'autres sujets d'études comparatives, qui permettent de varier l'interprétation des auteurs et d'en renouveler l'intérêt. La composition des « Modèles français » se prête bien à ce travail. Nous les complèterons en lisant des extraits,empruntés à des anthologies plus complètes. Voici quelques indications:

L'expression du sentiment chrétien dans les classiques (Boileau) et les romantiques (V. Hugo, Lamartine).

La conception de la poésie (Boileau, le XVIIIe siècle, les romantiques, les naturalistes, les Parnassiens).

Le sentiment de la nature et son expression:

Au XVIIe siècle la campagne apparaît comme le refuge contre les embarras de la ville et les traces d'une vie agitée (Racan, la Retraite. Boileau, à M. de Lamoignon. M. F. III).

J. J. Rousseau, au XVIII° siècle, introduit une conception nouvelle. La nature est une inspiratrice, une compagne. L'âme de l'écrivain veut s'unir à elle. De plus, ce qui était rare au siècle précédent, nous voyons la pensée de la divinité se fondre dans la contemplation de la nature. La campagne romantique, ce paysage pittoresque et mélancolique, devient un lieu commun de la littérature (J. J. Rousseau, L'Ile St-Pierre. M. F. III).

L'école romantique progresse encore. La nature plaît ou déplaît à ses adeptes pour autant qu'elle reflète ou contredit les sentiments de leur âme et c'est ce caractère, qu'ils décrivent avec prédilection (La

martine, L'automne. M. F. III). Bien éloignés des auteurs du MoyenAge, dont le printemps avait toutes les faveurs, les nouveaux écrivains trouvent à l'automne des charmes particuliers.

L'étude peut se poursuivre chez les naturalistes et les symbolistes (Cf. Revue française, 1910. Le sentiment de la nature chez les symbolistes).

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La poésie en prose offre un champ d'études variées dans Pascal, Bossuet, J. J. Rousseau, Chateaubriand, Michelet, L. Veuillot (dans certaines de ses lettres), A. Daudet, etc.

Certains auteurs se prêtent à des interprétations très variées. Ainsi La Fontaine peut être étudié sous cent aspects différents, d'après le degré d'instruction des élèves. Il a de quoi plaire à de jeunes enfants et à des hommes faits.

La Bruyère peut servir à montrer comment un écrivain original peut renouveler un genre, qui semble n'exiger qu'un talent ordinaire d'observation.

II est extraordinairement varié dans ses procédés de style, voire raffiné. Humoriste et spirituel, il exige une lecture attentive, car souvent sa pensée, légèrement ironique, cherche à se cacher sous une apparente candeur.

Tant pour la forme que pour le fond, c'est un écrivain de transition. Tout le XVIIIe siècle est en germe en lui et c'est là un point de vue intéressant, auquel on peut se mettre, pour l'étudier.

Après la lecture des différentes œuvres d'un écrivain, les élèves eux-mêmes pourraient s'essayer à la critique raisonnée, en déterminant d'après les lectures faites :

1) Le caractère de l'auteur.

2) Ses idées morales. On pourra proposer le jugement d'un ou de plusieurs critiques et le faire apprécier par les élèves.

3) Son originalité, par la comparaison avec ses sources.

4) L'art de la composition, p. ex. l'art de dramatiser dans La Fontaine.

5) Le vocabulaire.

6) La versification ou l'art de la prose, surtout par comparaison avec des auteurs plus anciens ou plus modernes, etc. etc.

M. Doutrepont termina le cours par quelques brèves indications sur la manière d'interpréter Le sous préfet aux champs d'A. Daudet. Dans la courte notice biographique, on le situera dans son milieu littéraire, un peu réaliste... Son origine méridionale influe sur son talent. Sa jeunesse, assez triste, accentua la sensibilité de son caractère... Dites quelques mots de ses romans, mais insistez davantage sur ses contes.. Ce genre, fort cultivé au XIXe siècle, lui dut un regain de nouveauté.

Dans la lecture, que le manque de temps rendait trop rapide, M. le Professeur sut, par la variété du ton, faire saisir le caractère des personnages. Les mots « monsieur le sous-préfet » étaient soulignés d'une légère ironie, les reprises intimement rattachées à la fin des paragraphes précédents:

Le sujet. On ne résiste pas aux charmes d'une belle nature. Cette idée est développée dans un petit drame. Les détails, presque tous d'un caractère irréalisable, sont si bien présentés que le lecteur, charmé, est tenté de croire à la réalité de cette fiction. Expliquez le vocabulaire.

Le plan est des plus simples.

Trois strophes, car il faut parler ici de strophes, forment l'introduction. Le dénoûment commence à ces mots « Tout le petit bois conspire.. » ou, si l'on veut, à « M. le sous-préfet grisé.. »

Entre les deux se développe la scène, destinée à montrer la séduction, qu'exerce sur nous une belle nature.

L'auteur a employé bien des procédés poétiques. La répétition de termes ou d'épithètes fait songer à la chanson de geste. C'est moins elle pourtant que le rondeau ou le triolet, qui ont inspiré à Daudet cette répétition, aussi bien que celle des phrases.

En plusieurs endroits (5e, 7e, 10e alinéa) le balancement de la phrase est d'une remarquable mélodie.

Tout le morceau d'ailleurs est conduit comme une partition musicale.

L'impression générale ne peut s'exprimer que par le mot « charmant! » C'est le débordemnet d'une poésie, qui, jamais, ne s'écarte de la vérité. Nous sommes saisis également par la vie, qui circule dans ce petit drame. On y retrouve cette qualité propre à Daudet et qui, le séparant des naturalistes français, le rattache aux naturalistes anglais : la sympathie pour tous ses personnages, hommes ou choses... Sans doute il ne prend pas tout à fait au sérieux la majesté d'un souspréfet, mais sa douce ironie ne dégénère nulle part en sarcasme.

Que de choses à dire sur l'art de choisir et d'accoupler les mots, sur cette verve abondante et pourtant toujours contenue.

Enfin nous trouvons ici un admirable exemple de prose poétique. Toutes ces qualités font que Daudet plaît aux enfants comme aux stylistes les plus délicats. La facilité apparente de son style n'est pas la moindre preuve de son talent peu ordinaire.

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ÉLÉMENTS D'ÉTYMOLOGIE LATINE

par FRANZ SKUTSCH, professeur à l'Université de Breslau.

Quatrième partie. Mots empruntés

et mots étrangers. Etymologie populaire.

§ 88. Un peuple emprunte d'autant plus facilement et d'autant plus souvent des mots au vocabulaire d'un peuple voisin, que celui-ci est plus civilisé que lui ou qu'il l'emporte du moins en certains points tout à fait particuliers Les mots nouveaux sont ordinairement reçus avec les choses ou les idées nouvelles.

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Aucun peuple ne pouvait apprendre et n'a réellement appris aux Romains autant que les Grecs; cependant leurs voisins italiques, les Étrusques qui n'appartenaient pas à la famille indo-européenne, les Gaulois de la Cisalpine et les proches parents des Romains, les Ombriens et les Osques (Samnites) ne laissèrent pas d'exercer une certaine influence sur leur culture et par conséquent sur leur vocabulaire. Les Étrusques ne leur ont pas seulement fourni une multitude de noms propres Roma n'est que le nom d'une famille étrusque mais aussi une série de noms communs. D'après Tite-Live (VII, 2), le théâtre romain doit ses progrès à l'Étrurie et le nom même de l'acteur (histrio) serait un mot (ister) emprunté aux Étrusques et l'on peut ajouter que persona « le masque » a, selon toute vraisemblance, la même origine (étrusque persu). C'est dans des sphères moins élevées que se fit sentir l'influence des autres peuples précités. Les Gaulois ont fourni une série de mots relatifs au charriage (par exemple carrus, serracum), mais peut-être aussi basium « le baiser ». Chez les Ombriens et les autres Italiques, l'élevage du bétail était en honneur ; voilà pourquoi le boeuf et le porc ne s'appellent pas en latin vos et

*scroba, comme l'exigerait le vocalisme latin, mais ils ont la forme osco-ombrienne bos et scrofa (cf. §§ 2, 7 et 18).

§ 89. L'influence de la civilisation et de la langue grecques fut beaucoup plus grande et le nombre des mots grecs en latin est légion. Tout d'abord, ce furent les relations avec les Grecs de l'Italie méridionale qui communiquèrent aux Latins des idées et des mots; puis les rapports avec la Grèce propre et avec l'Orient firent grandir cette influence et depuis le temps où la littérature grecque fut étudiée avec ardeur à Rome même, c'est-à-dire depuis le IIIe siècle avant J.-C., une multitude de mots relatifs aux sciences, à l'art, à la technique, etc, que les gens instruits empruntèrent avec réflexion, vinrent s'ajouter à ceux que le grand public avait accueillis pour ainsi dire inconsciem ment au cours des relations directes avec les Grecs. Les gens instruits cherchaient à conserver le modèle grec intact quant au son et quant à l'écriture. Les autres mots grecs, ceux qui servaient à un usage pratique, furent le plus souvent empruntés par l'audition et adaptés sans aucun ménagement à l'oreille et à la bouche romaines. Aussi, beaucoup de mots de cette dernière catégorie portent le cachet latin au point que la linguistique doit intervenir pour nous y faire reconnaître des mots grecs De même les Allemands ne sentent plus que les mots Tisch, Mauer, Kampf. Pferd viennent des mots latins discus murus, campus, paravedus. Telle est la différence entre les mots empruntés et les mots étrangers en employant un mot étranger, nous avons la conscience qu'il est étranger; au contraire, nous regardons les mots empruntés comme notre bien propre. quoiqu'en réalité ils ne nous appartiennent pas.

§ 90. Si l'on veut donc reconnaître les mots grecs en latin, il faut étudier les modifications phonétiques et formelles qu'ils ont subies, chez les Romains, dans la bouche du peuple. Il est vrai que la forme attique de ces mots a parfois subi d'autres changements que ceux que lui infligèrent les Latins. En effet, un grand nombre de ces mots est venu à Rome par l'intermédiaire des Doriens de la Grande Grèce et voilà pourquoi ils ont souvent un a long à la place de l'n attique. Ainsi, machinador. uaxavá, att, unxavn; plaga dor. laɣá alt., πληγή пληη; Latona = dor. Aatú, att. Antw; Aesculapius dor. AioklamóÇ,

att. 'Aokλnmiós (cf. § 37). De même, une fontaine ornée de masques de Silène s'appelle silanus, du dorien Elavós et non de l'attique Cuŋvós. Il est certain que la forme Ulixes ne dérive pas directement de 'Oduσσeus; on connaissait déjà en pays grec des formes accessoires ayant un λ (1).

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(1) Il ne faut donc pas comparer ici le remplacement de 8 grec par 7 latin dans olere, à côté de odor, ŏdwda, ŎZeiv; lacrima dáкpu, lingua pour dingua, en allemand Zunge (§ 12); levir δαήρ.

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