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puissances européennes, toujours jalouses les unes des autres, pourront-elles souffrir la prépondérance que quelques-unes d'entre elles prendront chez ce peuple nouveau ? Hé! peuventelles empêcher la prépondérance que les unes ou les autres ne manqueront pas de prendre sur ces stupides Turcs dont la puissance ne peut se soutenir sans leur secours, et dont la dépouille fait envie à toutes? La Turquie est une pomme de discorde autour de laquelle les Européens verseront leur sang et dépenseront leurs trésors. L'Angleterre voudra avoir les Dardanelles pour être assurée d'aller trafiquer à Constantinople. La Russie ne voudra pas que son commerce de la mer Noire soit tenu sous clef par l'Angleterre. Si les deux Bosphores étaient ouverts pour tout le monde, sous la garantie de l'une et de l'autre puissance, ils ne seraient un sujet de querelle pour aucune des deux.

Et même, en flattant la vieille marotte de la diplomatie européenne, qui cherche toujours à augmenter ses domaines en étendue, plutôt qu'en prospérité, ne peut-on, dans l'affranchissement de la Grèce, réserver quelques gâteaux pour Cerbère ? Les Hellènes n'ont aucunement besoin des provinces situées àu delà du mont Hémus. Depuis long-tems la Russie convoite la Moldavie et la Valachie; l'Autriche médite de longue main la possession des rives méridionales de la Save et du Danube': Ne pourrait-on pas les satisfaire ? ou, si d'autres puissances moins voisines, voyaient un semblable agrandissement d'un œil jaloux, pourquoi ne formerait-on pas, des mêmes provinces, un état indépendant, sous la garantie de l'Autriche et de la Russie? Ce qui serait certainement beaucoup plus sage, beaucoup plus favorable à la prospérité de ces mêmes contrées, et au fond plus avantageux pour la Russie et pour l'Autriche ellesmêmes.

Quant aux Hellenes, ils ont conquis leur indépendance et ils la conserveront. Nul usurpateur ne saurait être pour eux plus T. XXIV. - Novembre 1824.

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sévère

que le Turc, et trois siècles de domination turque n'ont pu les dompter. J. B. SAY.

NOTICE

sur le nouveau régime adopté dans le bagne de

TOULON.

Chez la plupart des nations, la justice criminelle n'a eu longtems pour but que de prévenir les vengeances particulières, en forçant le coupable à composer avec les offensés. Plus tard, on a senti que le châtiment devait profiter à la société tout entière par la salutaire terreur de l'exemple. Enfin, dans ces derniers tems, une généreuse philosophie a conçu l'espoir de faire tourner la punition à l'avantage des criminels eux-mêmes, en l'employant à les instruire et à les corriger. Mais que d'obstacles à vaincre pour exécuter cette conception sublime!

Ce n'est pas que l'homme, une fois égaré, éprouve une invincible répugnance à revenir à une meilleure conduite. La société présente, au contraire, un grand nombre d'individus qui ont triomphé des conséquences d'une première faute. Cette faute est souvent le résultat du besoin, d'une éducation mal dirigée, de l'entraînement des passions, ou des mauvais conseils, plutôt que d'un penchant décidé vers le mal. Mais, si elle a excité l'animadversion de la justice, si le coupable, confondu long-tems parmi les autres détenus, s'est imbu des principes corrupteurs de cette société nouvelle, comment le ramener de ces principes à ceux du citoyen paisible? A l'exception d'un petit nombre d'esprits supérieurs, les hommes agissent rarement d'après eux-mêmes; presque toujours, leur conduite ne fait que traduire en actions les idées et les sentimens de ceux qui les entourent. Voilà sans doute pourquoi les princes, constamment environnés d'opinions corrom

pues par l'intérêt personnel, sont plus sujets à faillir que le commun des hommes. Une cause analogue agit, à l'autre extrémité de l'échelle sociale, sur le malheureux que les lois ont privé de la liberté : une opinion dépravée déplace pour lui le point de vue de toutes les actions. Le meilleur moyen peutêtre de rectifier les idées de ces hommes serait d'en former au loin une société nouvelle; mais ces établissemens coloniaux, qui offrent à la métropole un égoût si commode, coûtent des sommes immenses et ne conviennent guère qu'à une nation qui a l'empire des mers.

Tout autre mode de punition, bagnes, travaux publics, maisons de réclusion, ne présente sans doute à la société que des garanties imparfaites. Mais, s'ensuit-il que l'on doive négliger le bien que là même il est possible de faire ? N'est-il pas, au contraire, d'autant plus important de s'occuper de la correction des détenus que la société doit un jour les voir rentrer dans son sein ?

Déjà, sous la protection du gouvernement, des hommes généreux ont cherché à porter dans les prisons, avec les secours de la pitié, le bienfait plus précieux du travail, employé à la fois comme moyen de soulagement et de retour à la morale. Des améliorations de même nature ont été introduites, depuis six ans, au bagne de Toulon; et je m'occupais à en tracer l'exposé, lorsque des circonstances affligeantes ont appelé l'attention publique sur ce bagne. Des assassinats, des complots, tramés par les condamnés à vie, ont provoqué l'action de la force armée et les rigueurs de la justice. Aussitôt des personnes, qu'une malheureuse disposition d'esprit porte à considérer avec défaveur toute entreprise philanthropique, ont imputé ces événemens au nouveau système, et ont demandé, là comme ailleurs, le retour vers le passé. Jetons un coup d'œil sur les changemens opérés, sur les faits et sur les accusations.

L'institution des bagnes remonte à une époque très-reculée.

Dans le moyen âge, la grande navigation étant inconnue, les galères composaient seules les forces navales des peuples de l'Europe. Ne pouvant trouver des hommes libres pour le pénible emploi de rameur, on plaça pêle-mêle sur les banés, les condamnés, les vagabonds, les marins barbaresques que d'inhumaines représailles chargeaient de nos fers, et jusqu'aux prisonniers de guerre. Au milieu du xviie siècle, les progrès de la marine ayant fait renoncer aux bâtimens à rames, les galères furent placées à poste fixe dans les ports et converties en lieux de détention. Mais on fut long-tems sans changer le régime de ces établissemens; et les forçats, cessant d'être employés comme rameurs, restèrent sous l'autorité des cómes, leurs anciens chefs de manoeuvre, que l'on vit spéculer sur les travaux de ces malheureux et en recueillir presque tout le fruit.

On eut plus tard l'idée d'employer les galériens aux travaux des ports. Mais, par un autre abus, confondus, non-seulement entre eux, mais encore avec les ouvriers libres, ils devinrent pour ceux-ci une cause permanente de corruption. Ainsi, la détention des criminels dans les bagnes, loin de pouvoir être considérée comme un moyen de correction à leur égard, menaçait d'infecter de leurs vices une population industrieuse, et grevait le trésor d'une dépense considérable qui n'était nullement compensée par leurs travaux.

Telle était la situation des bagnes, lorsqu'en 1817 les administrateurs du port de Toulon exécutèrent le plan que nous allons exposer.

Ce port renferme environ 4,200 forçats (1). Logés sur d'anciens

(1) Une casaque renouvelée tous les deux ans, une capote servant de couverture, une chemise et un pantalon de toile, changés tous les six mois, composent l'habillement de chaque forçat. Le bonnet vert distingue les condamnés à vie des autres condamnés,

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navires ou dans des établissemens situés à terre, ils y forment des chambrées d'environ 300 hommes. Le premier soin de l'administration a été de les diviser entre eux, suivant le degré présumé de leur culpabilité. Les condamnés à vie ont d'abord été logés à part; on a senti que ces hommes, dont le nombre s'élève aujourd'hui au quart du nombre total des détenus au bagne, ne pourraient que détourner les autres d'un repentir dont ils n'espèrent eux-mêmes, aucun fruit. Dans la composition des autres chambrées, on a pris pour başé la durée de la peine encourue; ainsi, l'on a réuni dans une même salle les individus qui ont à subir vingt ans de fers; dans une autre, ceux dont la peine est de dix à quinze ans, etc.

Cette première opération a eu pour but d'empêcher autant que possible la corruption des condamnés entre eux. Restait encore une tâche plus difficile, celle de trouver des moyens de correction. On ne pouvait sans doute les chercher que dans le travail; mais, pour que son influence salutaire s'étendît sur l'avenir des condamnés, il ne fallait pas, comme par le passé, se borner à un emploi grossier de leurs forces physiques; il fallait qu'ils ne sortissent point du bagne sans avoir appris un métier, ou sans s'être perfectionnés dans celui qu'ils avaient antérieurement professé.

Pour obtenir ce résultat, on a choisi parmi eux les plus habiles dans un art mécanique quelconque, et on les a placés à la tête de divers ateliers, en mettant sous la direction de chacun d'eux un certain nombre d'individus moins instruits dans la même profession, ou n'en ayant aucune. La préférence a été donnée aux arts également pratiqués dans tous les pays, tels que ceux du maçon, du tailleur de pierre, du charpentier, du

qui portent un bonnet rouge-brun. La nourriture de ces hommes consiste en pain et en légumes. On ne leur donne du vin que lorsqu'ils travaillent.

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