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NOTICE

SUR L'EXPOSITION DES TABLEAUX EN 1824.

QUATRIÈME Article.

(Voy. tome xxIII, p. 551-560, et ci-dessus, p. 18-40 et 287-304.)

Depuis l'ouverture du Salon, on a fait, chaque mois, un changement presque général de tous les tableaux, et, à chacun de ces changemens, on a toujours exposé de nouveaux ouvrages. Je suis donc obligé, avant de passer aux genres dont il me reste à parler, de revenir sur mes pas.

Je commencerai par le tableau représentant le vœu de Louis XIII, que M. INGRES a apporté de Florence où il l'a exécuté. On sait que ce prince mit sa personne, sa couronne et la France sous la protection de la Vierge, le 15 août 1638. Les historiens ne sont pas d'accord sur le motif de cet hommage votif. Quoi qu'il en soit, il faut convenir que choisir pour sujet d'un tableau le vœu de Louis XIII, c'était bien mal connaître les ressources de la peinture; mais le peintre qui avait à remplir ce programme est un homme habile, et voici comment il s'est acquitté de sa tâche. Louis XIII est à genoux devant un autel consacré à la Vierge; il prie avec ferveur; il implore la protection de la reine des cieux. Tout à coup, deux anges écartent, de droite et de gauche, des rideanx qui laissent voir la Vierge tenant dans ses bras le Sauveur, et qui vient recevoir elle-même les vœux et les hommages du monarque. Louis, transporté à cette vue, élève ses bras et présente à la Vierge son sceptre et sa couronne, insignes du pouvoir.

Il règne dans cette composition un sentiment religieux trèsbien exprimé. M. Ingres n'a pas craint, et il a eu raison, de rappeler les anciens maîtres; en les imitant dans quelques parties, il n'est pas moins resté original par le caractère de l'exécution, qui est d'une beauté remarquable. Le style et l'ordonnance de ce tableau sont sévères, et contrastent singulièrement

avec les autres sujets de sainteté exposés, où l'on s'est plutôt occupé de faire de la grâce, si je puis m'exprimer ainsi, que de remplir la condition principale : l'accord du but et des moyens. - M. Ingres a placé devant l'autel, deux petits anges portant une inscription qui fait connaître la date et la nature du sujet représenté; en cela il a imité Raphaël : il me semble difficile de faire mieux. Je ne saurais donner trop d'éloges à ce tableau, qui a présenté un phénomène assez extraordinaire; c'est qu'il a été loué avec autant de vivacité par la nouvelle que par l'ancienne École. Il ne reste plus qu'un vœu à former : c'est que M. Ingres mette souvent un pareil modèle sous les yeux des jeunes peintres. Ce sera sans doute un bon moyen de les ramener aux études fortes et aux productions d'uu caractère élevé.

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Ce même artiste a exposé plusieurs petits tableaux sur lesquels l'admiration s'est épuisée en effet, il n'y a rien d'aussi parfait à l'exposition. Henri IV jouant avec ses enfans ; François 1er recevant les derniers soupirs de Léonard de Vinci; l'intérieur de la chapelle Sixtine, au moment où le pape y sa bénédiction à un capucin ; deux sujets tirés de la vie de l'Arétin et du Tintoret; Maillard, Pastourel et Alphonse allant à la rencontre du régent, depuis Charles V, auquel ils ont ouvert les portes de Paris: tels sont les divers sujets qu'il a traités. Il règne dans tous ces ouvrages une délicatesse de pinceau admirable et un goût exquis: tout est fini avec un soin qui ne se dément nulle part; chaque personnage a bien l'expression qui lui est propre; on peut remarquer aussi, dans chacun de ces tableaux, combien M. Ingres met de fidélité à reproduire les costumes du tems, ainsi que les traits des personnages qu'il met en scène. Henri IV, Marie de Médicis, François Ier, l'Arétin et le Tintoret sont conformes aux portraits les plus authentiques.

On assure que cet artiste, cédant aux vœux de ses amis, va quitter enfin l'Italie pour revenir en France. Je ne doute pas qu'il n'y ait promptement une école nombreuse, et qu'il n'exerce

sur la direction que le goût des arts prend en France, une influence qui me paraît devoir être extrêmement heureuse.

M. COUPIN DE LA COUPRIE a enfin envoyé à l'exposition un des tableaux qu'il a annoncés: celui dans lequel il a mis sous les yeux du spectateur Raphaël coiffant la Fornarina, avant de la peindre. C'est un sujet gracieux et heureux; lors même que le lieu et les costumes ne diraient pas quels sont les personnages représentés, il resterait encore à l'action un caractère de passion qui ne peut manquer d'intéresser. M. Coupin, a exécuté cet ouvrage, comme tout ce qui sort de ses mains, avec un soin, un goût et une précision dont il a déjà donné des preuves nombreuses.

M. Ducis a puisé dans l'histoire de Bianca Capello, noble vénitienne passablement dissolue, et qui, cependant, a fini par monter sur le trône des Médicis, les sujets de deux tableaux. Cet artiste est en possession de plaire au public, surtout par le choix de ses compositions, qui ont été presque toutes reproduites par la gravure; on s'est arrêté, comme à l'ordinaire, devant ces deux derniers ouvrages, où l'on trouve du goût dans l'agencement des sujets, de la facilité dans l'exécution, et un beau sentiment de couleur; on a peut-être fait moins d'attention à un autre tableau de ce même artiste, représentant la famille royale et la cour entourant le roi, devant lequel défile l'armée revenant d'Espagne. Cependant, je n'hésite pas à dire que ce tableau est d'une exécution plus forte que les deux autres; mais les costumes modernes sont si pauvres et si mesquins, qu'ils s'opposent à tout effet pittoresque. Je pourrais en donner encore pour preuves les tableaux que la ville de Paris a fait exécuter à l'occasion de la fète donnée à son A. R. le duc d'Angoulême, et dont les sujets ont été fournis, tant par les divers. événemens de la guerre d'Espagne, que par le voyage que Mme la Dauphine a fait dans le Midi. Certes, on ne peut reprocher à

la ville d'avoir employé des artistes médiocres ; ce sont MM. CAMINADE, COGNIET, Granger, Grenier, ROUGET et autres qui ont été chargés d'exécuter ces tableaux; mais, à l'exception de ceux qui retracent des actions militaires, il est impossible d'y arrêter long-tems ses regards, parce que le mérite que l'on y rencontre n'est pas assez soutenu par l'intérêt pittoresque. Les sujets, d'ailleurs, ne sont vraiment pas de nature à former des tableaux; ce serait une grande erreur de croire que tout peut être peint; il faut, au contraire, pour former une scène pittoresque, beaucoup de conditions données qui ne se rencontrent que rarement.

Deux étrangers, M. NAVEZ, de Bruxelles, et M. SEQUEIRA, peintre portugais, ont exposé des ouvrages qui méritent d'être distingués. Une sainte famille et le portrait d'une Bruxelloise, prouvent que M. Navez réunit à un dessin ferme et pur un éclat de couleur remarquable. Il règne dans les deux tableaux de M. Sequeira, le Camoëns mourant à l'hôpital, auquel un de ses amis vient annoncer la perte de la bataille d'Alcacer, et une Fuite en Egypte, une naïveté et une simplicité d'expression qui ne sont pas sans charmes. Ces deux ouvrages se recommandent aussi par la finesse de la couleur.

Je terminerai cette revue supplémentaire par MM. MARIGNY et ORSEL, qui ont exposé deux grands tableaux représentant l'un: le Christ au pied de la croix, et l'autre : Adam et Ève auprès du corps d'Abel, dont je regrettais de n'avoir point parlé. On trouve, dans le premier de ces deux ouvrages, des figures d'un beau mouvement, des effets de lumière bien entendus, enfin, plusieurs parties importantes bien traitées; le second est peut-être moins complet, mais la couleur et le caractère de la tête d'Abel, l'expression de celle d'Adam, sont dignes d'éloges. Ces deux tableaux me paraissent donner une idée très-avantageuse du talent des deux artistes qui les ont exécutés.

Portraits.

Dans les productions de ce genre, il en est qui appartiennent à ce que l'art a de plus élevé : ce sont les portraits en pied et les portraits équestres; l'exposition actuelle en contient un grand nombre. Je commencerai par ceux que M.. Girodet a récemment envoyés.

Bonaparte disait, en parlant de la guerre civile qui a réduit la Vendée en cendres, que c'était une guerre de géans; et, quoiqu'ils eussent été vaincus, il témoignait une grande estime pour les chefs qui avaient souvent conduit des paysans mal armés à la victoire. M. Girodet a été chargé de faire les portraits de deux de ces chefs: Bonchamp et Cathelineau. Le premier était un homme d'une naissance distinguée et de mœurs très-douces, quoique brave au plus haut degré; le second, simple paysan, marchand de laine, au moment où il excita et dirigea le soulèvement de l'Anjou, montra dans sa détermination et dans sa conduite une énergie extraordinaire et finit par se trouver, du choix de tous les autres chefs, à la tête de quatre-vingt mille hommes, avec lesquels il entreprit le siége de Nantes où il fut tué.

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Il était impossible qu'un artiste comme M. Girodet ne donpas à chacun de ces deux portraits, le caractère qui constitue l'individualité. En considérant ces deux personnages, on les a bientôt reconnus. Le peintre était dans un grand embarrasil ne reste de M. Bonchamp qu'une miniature très-médiocre; quant à Cathelineau, il est facile de comprendre qu'il n'entrait pas dans les habitudes de la classe à laquelle il appartenait de se faire peindre; mais il a laissé un fils qui lui ressemble beaucoup. M. Girodet s'est emparé de cette ressemblance et de la miniature de M. Bonchamp, et il a créé les deux portraits que l'on voit au Salon. Le peintre les a transportés sur le théâtre même de leur gloire, Cathelineau est dans l'action T. XXIV. - Décembre 1824. 38

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