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bonheur national. Dans les sections précédentes, qu'avons nous donc prouvé ? Que pour retirer de la richesse le plus grand bonheur qu'elle est capable de procurer à ceux qui la produisent : :- Première règle. Tout travail doit être libre et volontaire, soit quant à sa direction, soit quant à sa durée. (Nous supprimons le commentaire qu'ajoute l'auteur.)-Seconde règle. Tous les produits du travail doivent être assurés à leurs producteurs. Troisième règle. -Tous les échanges des produits de la richesse doivent être libres et volontaires. » Peu de gens probablement contesteront ces trois lois dans leur généralité; peu de gens aussi trouveront peut-être qu'elles dussent être présentées comme le seul résultat d'un long ouvrage. Cependant, l'auteur, après avoir consacré près du tiers de son livre à les établir, continue, dans un second tiers, d'une part, à développer les maux qui sont résultés pour la société de ce qu'on s'en est écarté; d'autre part, à indiquer les bienfaits que l'on pourrait attendre d'un retour entier à ces principes.

Il est vrai qu'aux yeux de l'auteur ces trois lois naturelles de la distribution, comme il les appelle, suffisent pour détruire tout l'édifice social que nous connaissons et pour en construire un nouveau. Il en avait d'abord détaillé les conséquences dans un long chapitre; mais il l'a supprimé pour en faire un ouvrage à part qu'il nous annonce comme devant suivre celui-ci. Dans ce nouvel ouvrage, on verra, entre autres, que l'on n'a pu sans injustice limiter par des lois le droit de tous à ce qui devrait appartenir à tous, comme la chasse, la pêche, le libre usage des élémens; qu'on n'a pu limiter la libre direction du travail, comme on l'a fait par les apprentissages, les maîtrises, les monopoles; qu'on n'a pu apporter d'empêchement à la libre direction du travail, sous prétexte de pourvoir à la défense nationale, intérieure ou extérieure, ou au revenu public; que l'on n'a pu par des lois changer le prix naturel du travail, soit qu'on ait sanctionné l'esclavage, ou ordonné un travail gratuit,

comme les corvées, ou un travail dont le salaire est fixé par l'autorité, ou enfin qu'on ait fait intervenir la force publique pour s'opposer aux combinaisons d'ouvriers qui veulent obtenir un plus haut salaire. Ce n'est pas tout. L'auteur destine un chapitre à attaquer toute hérédité de pouvoir, et toute institution destinée à perpétuer dans les mêmes familles la propriété sans travail. Plus loin il démontrera l'injustice de toute espèce de dîmes, de toute contribution en faveur de l'Église, autre que volontaire ; il attaque ensuite à leur tour tous les impôts soit directs, soit indirects, qui n'auront pas été formellement consentis par les contribuables; puis, tout contrôle sur la valeur courante du numéraire; toute loi, tout artifice destinés à faire passer aux capitalistes la valeur annuelle des produits du travail, ou à l'employer à payer ce que l'on nomme improprement l'intérêt des dettes publiques; enfin, tout avantage donné aux riches sur les pauvres dans leur éducation, de manière à faire pour eux un monopole des connaissances et des lumières. (Chap. ve, p. 363 et suiv.)

Certes, on ne pourra point reprocher à ce nouvel ouvrage qu'annonce notre auteur, de se renfermer dans des spéculations abstraites, dont on ne saurait entrevoir l'application; toutefois, si nous en jugeons d'après ce que nous connaissons déjà de lui, ceux dont il attaquera ainsi les intérêts et l'existence pourront dormir en paix, malgré la publication de son livre.

Aujourd'hui, au lieu de poursuivre cette attaque qui n'est qu'indiquée, M. Thompson expose, dans la seconde moitié de son ouvrage, un système d'organisation sociale qu'il voudrait voir substituer à celui sous lequel nous vivons. Il le nomme le système du travail par coopération, en opposition au système du travail par compétition individuelle. Au reste, il ne se donne point comme en étant l'inventeur: ce sont les projets de M. Owen, de New Lanark, qu'il développe, en s'efforçant d'en démontrer les avantages, et de répondre à toutes les objections. On

sait que ce philanthrope, après avoir, comme chef de manufactures, répandu le contentement et l'aisance autour de lui, s'est exalté l'imagination par ses succès, et qu'il a voulu persuader aux Anglais de renoncer à l'état de lutte dans lequel toutes les familles se trouvent les unes vis-à-vis des autres, pour former des communautés cultivatrices et manufacturières en même tems, qui mettraient en commun leurs récoltes et leurs produits industriels, qui élèveraient en commun leurs enfans, qui soumettraient leurs travaux et leurs plaisirs à une règle commune ; qui deviendraient enfin comme de grandes familles, d'où disparaîtraient toutes les passions individuelles avec tous les intérêts privés. Nous ne croyons point nécessaire de discuter ce rêve d'un homme de bien : nous dirons seulement que MM. Owen et Thompson, en le caressant, nous paraissent n'avoir pas connu la nature humaine. Le mouvement, la vie, la passion sont tout aussi nécessaires à notre bonheur que les jouissances matérielles. C'est tout au plus si des hommes dominés par la plus forte exaltation religieuse ont pu supporter la vie, après l'avoir ainsi dépouillée de tous les intérêts humains: l'espoir ou la crainte des frères Hernutes ou Moraves étaient dans le ciel, et ce n'était qu'en vue de l'éternité qu'ils pouvaient supporter avec résignation le calme et la monotonie de leurs communautés religieuses. Mais les sociétaires de MM. Owen et Thompson, sans propriétés, sans ambition, sans rivalités, sans familles, et de plus sans foi religieuse, regretteraient dans leur mortel ennui jusqu'aux privations, jusqu'aux dangers et aux souffrances dont les philanthropes voudraient les délivrer. Un moine sans vocation se regarde comme le plus malheureux des mortels; les cénobites du philosophe dont nous examinons la théorie, ne tarderaient pas à renoncer au travail pour lequel ils seraient associés, afim de voir finir plutôt la langueur de leur existence.

S.

× HISTOIRE CRITIQUE ET RAISONNÉE DE LA SITUATION De L'ANGLETERRE au 1er janvier 1816, sous les rapports de ses finances, de son agriculture, de ses manufactures, de son commerce et sa navigation, de sa constitution et ses lois, et de sa politique, extérieure; par M. DE MONTVÉRAN (1).

SECOND ARTICLE.

(Voyez tome XXII, p. 315-327.)

Après avoir exposé l'état financier, industriel et naval de l'Angleterre, M. de Montvéran s'occupe de son état politique, de sa constitution et de ses lois. Nous allons examiner avec lui les causes qui, depuis la révolution mémorable de 1688, ont altéré la pureté originelle de la constitution anglaise. M. de Montvéran ne les retrouve pas plus dans la lente dégradation du tems, raison banale des hommes irréfléchis, que dans l'irréligion et l'immoralité du peuple, accusation commode des écrivains salariés. Si le peuple anglais a en effet moins de moralité, il faut en accuser ceux qui l'ont appauvri et privé d'instruction. Sans doute la misère et l'ignorance peuvent présager des révolutions; sans doute elles semblent légitimer les mesures conservatrices de l'ordre établi, mais violatrices de tous les droits des citoyens, que réclame le pouvoir, dans les époques d'agitation et de crise; mais ces causes, avant d'exercer leur réaction inévitable et terrible, pe dérivent-elles pas d'un système suivi avec persévérance, malgré les avertissemens du passé et les menaces de l'avenir? Et si l'inégalité de la représentation dans les communes, la répartition vicieuse de l'impôt, les emprunts, la concentration des fortunes, la soumission de la

(1) Paris, 1820, 1821, 1822. 8 vol. in-8°, Barrois l'aîné, libraire, rue de Seine, no 1o. Prix 65 fr.

couronne à l'aristocratie, le système de corruption des ministres et la création d'emplois inutiles ont dénaturé les institutions, ont confondu tous les principes et transformé en république aristocratique l'admirable structure du gouvernement représentatif; la cause première de tant d'altérations n'est-elle pas tout entière dans ce malheureux penchant, si actif et si universel, qui entraîne les individus à s'approprier, lorsqu'ils le peuvent, les biens que devraient être appelés à partager tous les membres de la grande famille sociale?

Il est vrai que l'inégalité de la représentation qui a si puissamment aidé l'aristocratie anglaise semble être dans le vœu des chartres particulières qui ont consacré le droit d'élection. Mais le gouvernement représentatif n'est établi que pour corriger légalement les abus, à mesure qu'ils s'introduisent; il veille ainsi à tous les droits et prévient les secousses violentes, suites infaillibles de leur violation prolongée. L'esprit de la constitution ordonnait donc des réformes, dès que les bourgs qui possédaient le droit d'élection devenaient déserts et n'avaient plus d'intérêts à défendre. Cette vérité a servi de base à toutes les motions qui ont eu pour objet la réforme parlementaire. Pitt commença sa carrière politique par une motion de ce genre. Fox, alors ministre, l'appuya; l'aristocratie fut plus forte que ces deux hommes: elle triompha des membres de l'opposition et des créatures des ministres. Vingt voix seulement assurèrent sa victoire, et Pitt rentra bientôt au ministère, en renonçant à la réforme. On peut croire que, dès ce tems, l'œuvre était consommée, et que le peuple anglais était à la merci de ses riches privilégiés. Mais il est permis de penser que l'alliance de Fox et de Pitt aurait rendu à la nation britannique sa véritable constitution, et que, si ce dernier n'eût passé dans les rangs qu'il avait d'abord combattus, et n'eût consacré ses éminentes facultés à l'affermissement des usurpations aristocratiques, l'Angleterre ne serait point surchargée

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