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EXCURSUS

DE MURRHINIS POCULIS,

Ad lib. VII de Beneficiis, cap. IX, § 3, et quædam alia loca illustranda.

SÉNÈQUE parle plusieurs fois dans ses Lettres de ces vases murrhins (vasa murrhina). Si je ne pouvais rien dire ici d'exact et de précis sur la matière de ces vases, sur les causes de leur rareté et du prix excessif que le luxe des Romains y avait mis, j'aimerais mieux garder le silence; mais ayant fait des recherches sur ce point d'antiquité, je l'ai trouvé très-bien éclairci dans Pline. La première fois que je lus le passage de cet auteur où il est question de ces vases, je crus reconnaître, dans la description qu'il en fait, plusieurs caractères qui me paraissaient convenir parfaitement à la porcelaine, et même ne convenir qu'à elle seule. Je fus surtout frappé de la justesse et de la propriété de certaines expressions dont il s'est servi en parlant de plusieurs phénomènes que présentent ces vases; et j'ose dire qu'à beaucoup d'égards, Pline n'aurait guère mis plus d'exactitude et de précision dans sa description, s'il eût été profondément versé dans la théorie et dans le manuel de la fabrique de la porcelaine. Ce qui me confirme dans l'opinion où je suis sur la matière des vases murrhins, c'est qu'excepté la porcelaine, je ne connais aucune autre substance, soit parmi les terres, soit même parmi les pierres précieuses, à laquelle on puisse appliquer la description de Pline. D'ailleurs, l'époque où les Romains ont commencé à faire usage de ces vases, le pays d'où ils les tiraient, l'événement remarquable qui les introduisit à Rome, où ils avaientété inconnus jusqu'alors; toutes ces circonstances réunies fortifient ma conjecture, et lui donnent un grand degré de vraisem

:

blance mais, pour ne laisser à cet égard aucun doute dans l'esprit du lecteur, je vais rapporter ce qu'on trouve à ce sujet dans le Traité des Pierres gravées, de M. Mariette. Cet habile artiste a jeté un grand jour sur le passage de Pline; et ses observations, dont je n'avais aucune connaissance lorsque je crus entrevoir dans ce passage quelques-uns des principaux caractères de la porcelaine, in'ont été d'autant plus utiles, que la description de Pline, assez facile à entendre en général, ne l'est pas autant à expliquer en détail, quoiqu'elle soit d'ailleurs fort circonstanciée.

M. Mariette pense avec Cardan, Scaliger et Saumaise, que ces vases n'étaient autre chose que de la porcelaine, et qu'ils venaient de l'Inde; mais on peut dire que ce qui n'était dans leur tête qu'une simple opinion, puisqu'on n'avait pas de leur tems les connaissances nécessaires pour en constater la certitude ou la rejeter comme absolument fausse, est devenu, par le travail de M. Mariette sur cette matière, un fait très-vraisemblable: et j'espère le porter dans la suite de cette note à un degré d'évidence auquel il sera bien difficile de se refuser, si l'on veut examiner cette question avec cette impartialité si nécessaire dans la recherche de la vérité. En effet, Pline dit que la matière de ces vases, suivant le rapport qu'on lui en avait fait, est un suc, une liqueur (une pâte liquide), que le feu a épaissie, et à laquelle il a donné de la consistance dans la terre (humorem putant sub terra calore densari): M. Mariette entend, par ces mots sub terra, des fourneaux pratiqués sous terre, ou les fourneaux mêmes qui étaient de terre, et dans lesquels se faisait la cuite. Il appuie cette explication, qui est au fond trèsnaturelle, et qui ne fait aucune violence au texte de Pline, sur un vers de Properce, plus ancien que Pline de près d'un siècle, et qui dit expressément que les vases murrhins étaient cuits dans les fourneaux des Parthes, chez lesquels Pline reconnaît en effet que se trouvaient ces beaux ouvrages :

Murrheaque in Parthis pocula cocta focis.

PROPERT. Lib. IV, Eleg. v, vers. 26.

Martial vient encore à l'appui de cette conjecture, dans l'É

pigramme où il plaisante sur ce que ces vases n'étant pas transparens comme le verre, on ne pouvait pas juger de la qualité du vin qu'on y avait versé :

Nos bibimus vitro, tu murrha, Pontice; quare?

Prodat perspicuus ne duo vina calix.
Lib. IV, Epig. LXXXVI.

Dans une autre Épigramme les mêmes vases sont enrichis de peintures, et les couleurs y sont distribuées par plaques :

Surrentina bibis? nec murrhina picta, nec aurum

Sume.

Plorat Eros, quoties maculosa pocula murrhæ
Inspicit.

Lib. X, Epigr. LXXX, et lib. XIII, Epigr. cx.

Sur tous ces points, Pline s'accorde avec Martial, comme on va le voir par la description qu'il fait de ces vases.

Après avoir dit que les victoires de Pompée dans l'Orient introduisirent à Rome le goût des pierres précieuses, et que son triomphe fut orné d'une infinité de bijoux de toute espèce, et de vases d'or enrichis de pierres, en assez grande quantité pour en remplir neuf buffets (vasa ex auro et gemmis abacorum novem), il ajoute que parmi les riches dépouilles que ce vainqueur de Mithridate, ce maître d'une partie de l'Asie, fit voir alors à Rome, on admira pour la première fois plusieurs de ces beaux vases appelés murrhina, qu'il consacra à Jupiter Capitolin; que ces vases précieux étaient apportés des parties orientales de l'Asie, qu'on les y trouvait en plusieurs endroits, et qu'il en venait même de lieux peu connus ; mais que c'était cependant chez les Parthes, et encore plutôt dans la Carmanie' (province de la Perse, voisine de l'Inde), qu'on en faisait le principal commerce. Puis il ajoute :

Victoria tainen illa Pompeii primum ad margaritas gemmas

1 Aujourd'hui le Kerman. Les vaisseaux qui allaient faire le commerce dans les Indes relâchaient autrefois dans les ports de la Carmanie; ces ports se trouvaient sur leur route. (Voyez PLIN. Nat. Hist. lib. VI, cap. 23.) Cette note et les trois suivantes sont de M. Mariette.

que mores inclinavit....... Eadem victoria primum in Urbem murrhina invexit; primusque Pompeius lapides et pocula ex eo triumpho Capitolino Jovi dicavit : quæ protinus ad hominum usum transiere, abacis etiam escariisque vasis inde expetitis... Oriens murrhina mittit : inveniuntur enim ibi in pluribus locis, nec insignibus, maxime Parthici regni ; præcipue tamen in Carmania. Humorem putant sub terra calore densari. Amplitudine nusquam parvos excedunt abacos; crassitudine raro, quanta dictum est vasi potorio. Splendor his sine viribus, nitorque verius quam splendor. Sed in pretio varietas colorum subinde circumagentibus se maculis in purpuram' candoremque, et tertium ex utroque, ignescente, veluti per transitum coloris, purpura, aut rubescente lacteo. Sunt qui maxime in iis laudent extremitates, et quosdam colorum repercussus, quales in cælesti arcu spectantur. His macula pingues placent: translucere quidquam 3 aut pallere, vitium est. Item sales, verrucæque 4 non eminentes, sed ut in corpore etiam plerumque sessiles. Aliqua et in odore commendatio est. » (PLIN. Nat. Hist. lib. XXXVII, cap. 2.)

2

Toutes les parties de cette description conviennent parfaitement à la porcelaine, et la caractérisent, ce me semble, de manière à ne la pas méconnaître. Le P. Hardouin n'est pas de ce sentiment; mais ses objections sont très-faibles, et M. Mariette y répond solidement. (Voyez le Traité des Pierres gravées, pag. 218 et suiv.)

par

1 Le bleu très foncé, et tirant sur le violet, était souvent appelé purpura les anciens; et encore aujourd'hui c'est la pourpre de nos rois.

2 On ne pouvait mieux désigner les ornemens peints sur la porcelaine de la Chine, que par cette expression, macula pingues : ils sont gras et nourris, pour me servir des termes de l'art; les ornemens des Romains étaient, en comparaison, légers et maigres.

3 Voilà qui caractérise la porcelaine encore plus que tout le reste; elle doit avoir du corps, et n'être point transparente: autrement ce serait de l'émail semblable à ces ouvrages qui se font à Nevers (ou de la porcelaine frittée; et même, pour le dire en passant, la plupart de celles qu'on fait aujourd'hui en France pêchent toutes par cette excessive transparence. Addition de l'éditeur à la note de M. Mariette ).

4 C'est précisément, dit M. Mariette, ce que nous nommons des soufflures et des bouillons.

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« Les lieux d'où les Romains faisaient venir la porcelaine, ajoute-t-il, n'indiquent-ils pas le pays qui nous la fournit en>> core aujourd'hui ? On sait que les anciens qui n'avaient pas en» core pénétré au-delà du Gange, recevaient par la voie des peuples de l'Asie, qui étaient voisins de ce fleuve, et avec lesquels ils étaient en commerce, les marchandises que d'autres » nations plus éloignées apportaient à ceux-ci. Ne pouvant pas » être informés au juste du véritable endroit d'où on les tirait, » ce que les marchands ont toujours intérêt de cacher, pour » rendre leurs effets plus rares et d'un plus grand prix, ils se » contentaient d'avoir appris que ces vases venaient de l'Orient. » Avec plus de recherches, ils auraient sans doute été instruits » que c'était à la Chine que la fabrique en était établie, peut» être même depuis plusieurs siècles; car les peuples de cet empire datent de loin, et placent dans des tems fort reculés » l'invention de leur porcelaine. Tout ce qu'ils nous envoient est » presque toujours empreint d'une odeur de musc ou d'ambre; » et comme on ne les accuse pas d'être inconstans dans leur goût ni dans leurs usages, c'était peut-être encore cette odeur qui flattait les Romains voluptueux, et qui leur faisait tant ché>> rir les porcelaines. » (Voyez SAUMAISE, Exercitat. Plinian. in Solin. Polyhistor. cap. 15, pag. 143, edit. cil. ubi sup. Vossius, Etymolog. ling. lat. voce Murrhinis, opp. tom. I, pag. 387, edit. Amstel. 1701. CARDAN, de Subtil. lib. V, pag. 119; et Scaliger, in Cardan. Exercitat. 92, pag. 327.)

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On peut joindre à ces autorités celle du médecin Kampfer, homme très-instruit, et qui avait recueilli dans ses voyages au Japon, en Perse et dans tout l'Orient, une multitude de faits curieux, très-utiles aux progrès de la botanique, de l'histoire naturelle, et à la connaissance des mœurs, des usages, des arts et des antiquités des peuples de l'Orient.

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Japones annonam vulgaris theæ reservant conditam in ollis magnis fictilibus orificii angustioris; præstantiorem, quam sibi Caesar et principes vindicant, asservare amant in vasibus murrhinis, sive porcellanis, præsertim, si haberi possunt, pretiosis illis et antiquitatis fama insignibus urceolis quos vocant maats ubo...

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