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La chassa de son trône, ainsi que de son lit.
Mais il ne put sitôt en bannir la pensée.
Vasthi régna long-temps dans son âme offensée.
Dans ses nombreux États il fallut donc chercher
Quelque nouvel objet qui l'en pût détacher.
De l'Inde à l'Hellespont ses esclaves coururent.
Les filles de l'Égypte à Suze
comparurent.
Celles même du Parthe et du Scythe indompté,
Y briguèrent le sceptre offert à la beauté.
On m'élevait alors, solitaire et cachée,
Sous les yeux vigilans du sage Mardochée.
Tu sais combien je dois à ses heureux secours.
La mort m'avait ravi les auteurs de mes jours;
Mais lui, voyant en moi la fille de son frère,
Me tint lieu, chère Élise, et de père et de mère.
Du triste état des Juifs jour et nuit agité,
Il me tira du sein de mon obscurité ;

Et sur mes faibles mains fondant leur délivrance,
Il me fit d'un Empire accepter l'espérance.
A ses desseins secrets tremblante j'obéis.
Je vins ; mais je cachai ma race et mon pays.
Qui pourrait cependant t'exprimer les cabales
Que formait en ces lieux ce peuple de rivales,
Qui toutes, disputant un si grand intérêt,
Des yeux d'Assuérus attendaient leur arrêt ?
Chacune avait sa brigue et de puissans suffrages.
L'une d'un sang fameux vantait les avantages.

4.

ΤΟ

L'autre, pour se parer de superbes atours,
Des plus adroites mains empruntait le secours.
Et moi, pour toute brigue et pour tout artifice,
De mes larmes au ciel j'offrais le sacrifice.

Enfin, on m'annonça l'ordre d'Assuérus ;
Devant ce fier monarque, Élise, je parus.

Dieu tient le cœur des rois entre ses mains puissantes;
Il fait
que tout prospère aux âmes innocentes,
Tandis qu'en ses projets l'orgueilleux est trompé.
De mes faibles attraits le Roi parut frappé.

Il m'observa long-temps dans un sombre silence;
Et le ciel, qui pour moi fit pencher la balance,
Dans ce temps-là sans doute agissait sur son cœur.
Enfin, avec des yeux où régnait la douceur :
Soyez reine, dit-il ; et, dès ce moment même,
De sa main sur mon front posa son diadême.
Pour mieux faire éclater sa joie et son amour,
Il combla de présens tous les grands de sa cour;
Et même ses bienfaits, dans toutes ses provinces,
Invitèrent le peuple aux noces de leurs princes.

Hélas! durant ces jours de joie et de festins,
Quelle était en secret ma honte et mes chagrins!
Esther, disais-je, Esther, dans la pourpre est assise !
La moitié de la terre à son sceptre est soumise!
Et de Jérusalem l'herbe cache les murs !

Sion, repaire affreux de reptiles impurs,

Voit de son temple saint les pierres dispersées;

Et du Dieu d'Israël les fêtes sont cessées!

ÉLISE.

N'avez-vous point au Roi confié vos ennuis?

ESTHER.

Le Roi jusqu'à ce jour ignore qui je suis.
Celui par qui le ciel règle ma destinée,

Sur ce secret encor tient ma langue enchaînée.
ÉLISE.

Mardochée ? Hé! peut-il approcher de ces lieux ?

ESTHER.

Son amitié pour moi le rend ingénieux.
Absent, je le consulte; et ses réponses sages,
Pour venir jusqu'à moi, trouvent mille passages.
Un père a moins de soin du salut de son fils.
Déjà même, déjà, par ses secrets avis,
J'ai découvert au Roi les sanglantes pratiques
Que formaient contre lui deux ingrats domestiques.
Cependant mon amour pour notre nation

A rempli ce palais de filles de Sion,
Jeunes et tendres fleurs, par le sort agitées,
Sous un ciel étranger comme moi transplantées.
Dans un lieu séparé de profanes témoins,
Je mets à les former mon étude et mes soins;

Et c'est là que, fuyant l'orgueil du diadême,

Lasse de vains honneurs, et me cherchant moi-même, Aux pieds de l'Éternel je viens m'humilier,

Et goûter le plaisir de me faire oublier.

Mais à tous les Persans je cache leurs familles.
Il faut les appeler. Venez, venez, mes filles,
Compagnes autrefois de ma captivité,
De l'antique Jacob jeune postérité.

SCÈNE II.

ESTHER, ÉLISE, LE CHOE U R.

UNE DES ISRAELITES, chantant derrière le théâtre. Ma sœur, quelle voix nous appelle?

UNE AUTRE.

J'en reconnais les agréables sons.

C'est la Reine.

TOUTES DEUX.

Courons, mes sœurs, obéissons;

La Reine nous appelle.

Allons, rangeons-nous auprès d'elle.

TOUT LE CHOEUR, entrant sur la scène par plusieurs endroits differens.

La Reine nous appelle.
Allons, rangeons-nous auprès d'elle.
ÉLISE.

Ciel! quel nombreux essaim d'innocentes beautés
S'offre à mes yeux en foule, et sort de tous côtés !
Quelle aimable pudeur sur leur visage est peinte
Prospérez, cher espoir d'une nation sainte,

Puissent jusques au ciel vos soupirs innocens
Monter comme l'odeur d'un agréable encens !
Que Dieu jette sur vous des regards pacifiques !

ESTHER.

Mes filles, chantez-nous quelqu'un de ces cantiques
Où vos voix, si souvent se mêlant à mes pleurs,
De la triste Sion célèbrent les malheurs.

UNE ISRAELITE chante seule.
Déplorable Sion, qu'as-tu fait de ta gloire ?
Tout l'univers admirait ta splendeur.
Tu n'es plus que poussière ; et de cette grandeur
Il ne nous reste plus que la triste mémoire.
Sion, jusques au ciel élevée autrefois,
Jusqu'aux enfers maintenant abaissée,
Puissé-je demeurer sans voix,

Si dans mes chants ta douleur retracée
Jusqu'au dernier soupir n'occupe ma pensée!

TOUT LE CHOEUR.

O rives du Jourdain ! ô champs aimés des cieux!
Sacrés monts, fertiles vallées

Par cent miracles signalées !
Du doux pays de nos aïeux
Serons-nous toujours exilées ?

UNF ISRAELITE, seule.

Quand verrai-je, ô Sion! relever tes remparts,
Et de tes tours les magnifiques faîtes?

Quand verrai-je, de toutes parts,

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