Immagini della pagina
PDF
ePub

Six frères: quel espoir d'une illustre maison!
Le fer moissonna tout ; et la terre humectée
But à regret le sang des neveux d'Érechtée.
Tu sais, depuis leur mort, quelle sévère loi
Défend à tous les Grecs de soupirer pour moi.
On craint que de la sœur les flammes téméraires
Ne raniment un jour la cendre de ses frères.
Mais tu sais bien aussi de quel œil dédaigneux
Je regardais ce soin d'un vainqueur soupçonneux.
Tu sais que,
de tout temps à l'amour opposée,
Je rendais souvent grâce à l'injuste Thésée,
Dont l'heureuse rigueur secondait mes mépris.
Mes yeux alors, mes yeux n'avaient pas vu son fils.

Non que, par les yeux seuls lâchement enchantée,

J'aime en lui sa beauté, sa grâce tant vantée,
Présens dont la nature a voulu l'honorer,
Qu'il méprise lui-même, et qu'il semble ignorer.
J'aime, je prise en lui de plus nobles richesses,
Les vertus de son père, et non point les faiblesses.
J'aime, je l'avoûrai, cet orgueil généreux
Qui jamais n'a fléchi sous le joug amoureux.
Phèdre en vain s'honorait des soupirs de Thésée.
Pour moi, je suis plus fière, et fuis la gloire aisée
D'arracher un hommage à mille autres offert,
Et d'entrer dans un cœur de toutes parts ouvert.
Mais de faire fléchir un courage inflexible,
De porter la douleur dans une âme insensible,
D'enchaîner un captif de ses fers étonné,

Contre un joug qui lui plaît vainement mutiné ;
C'est-là ce que je veux, c'est-là ce qui m'irrite.
Hercule à désarmer coûtait moins qu'Hippolyte;
Et vaincu plus souvent, et plutôt surmonté,
Préparait moins de gloire aux yeux qui l'ont dompté.
Mais, chère Ismène, hélas ! quelle est mon imprudence!
On ne m'opposera que trop de résistance.

Tu m'entendras peut-être, humble dans mon ennui,
Gémir du même orgueil que j'admire aujourd'hui.
Hippolyte aimerait !... Par quel bonheur extrême
Aurais-je pu fléchir ?...

ISMÈNE

Vous l'entendrez lui-même ;

Il vient à vous.

SCÈNE II.

HIPPOLYTE, ARICIE, ISMÈNE.

HIPPOLYTE.

Madame, avant que de partir,

J'ai cru de votre sort devoir vous avertir.

Mon père ne vit plus. Ma juste défiance
Présageait les raisons de sa trop longue absence.
La mort seule, bornant ses travaux éclatans,
Pouvait à l'univers le cacher si long-temps.
Les dieux livrent enfin à la parque homicide
L'ami, le compagnon, le successeur d'Alcide.

Je crois que votre haine, épargnant ses vertus,
Écoute sans regret ces noms qui lui sont dus.
Un espoir adoucit ma tristesse mortelle:
Je puis vous affranchir d'une austère tutelle ;
Je révoque des lois dont j'ai plaint la rigueur.
Vous pouvez disposer de vous, de votre cœur ;
Et dans cette Trézène, aujourd'hui mon partage,
De mon aïeul Pitthée autrefois l'héritage,
Qui m'a, sans balancer, reconnu pour son roi,
Je vous laisse aussi libre, et plus libre que moi.

ARICIE.

Modérez des bontés dont l'excès m'embarrasse.
D'un soin si généreux honorer ma disgrâce,
Seigneur, c'est me ranger, plus que vous ne pensez,
Sous ces austères lois dont vous me dispensez.

HIPPOLYTE.

Du choix d'un successeur Athènes incertaine
Parle de vous, me nomme, et le fils de la Reine.

De moi, Seigneur?

ARICIE.

HIPPOLYTE.

Je sais, sans vouloir me flatter,

Qu'une superbe loi semble me rejeter:

La Grèce me reproche une mère étrangère.

Mais si pour concurrent je n'avais que mon frère, Madame, j'ai sur lui de véritables droits

Que je saurais sauver du caprice des lois.

Un frein plus légitime arrête mon audace:

que

Je vous cède, ou plutôt je vous rends une place,
Un sceptre que jadis vos aïeux ont reçu
De ce fameux mortel la Terre a conçu.
L'adoption le mit entre les mains d'Égée.
Athènes, par mon père accrue et protégée,
Reconnut avec joie un roi si généreux,

Et laissa dans l'oubli vos frères malheureux.
Athènes dans ses murs maintenant vous rappelle.

Assez elle a gémi d'une longue querelle ;
Assez dans ses sillons votre sang englouti

A fait fumer le champ dont il était sorti.
Trézène m'obéit. Les campagnes de Crète
Offrent au fils de Phèdre une riche retraite.
L'Attique est votre bien. Je pars, et vais pour vous
Réunir tous les vœux partagés entre nous.

ARICIE.

De tout ce que j'entends étonnée et confuse,
Je crains presque, je crains qu'un songe ne m'abuse.
Veillé-je? Puis-je croire un semblable dessein ?
Quel dieu, Seigneur, quel dieu l'a mis dans votre sein?
Qu'à bon droit votre gloire en tous lieux est semée !
la renommée !

Et

que

la vérité

passe

Vous-même en ma faveur vous voulez vous trahir!

N'était-ce pas assez de ne me point haïr,

Et d'avoir si long-temps pu défendre votre âme
De cette inimitié ?.....

HIPPOLYTE.

Moi, vous haïr, Madame!

Avec quelques couleurs qu'on ait peint ma fierté,
Croit-on que dans ses flancs un monstre n'ait porté ?
Quelles sauvages mœurs, quelle haine endurcie
Pourrait, en vous voyant, n'être point adoucie?
Ai-je pu résister au charme décevant?...

ARICIE.

Quoi, Seigneur ?

Je vois

HIPPOLYTE.

Je me suis engagé trop avant.

que la raison cède à la violence. Puisque j'ai commencé de rompre le silence, Madame, il faut poursuivre ; il faut vous informer D'un secret que mon cœur ne peut plus renfermer. Vous voyez devant vous un prince déplorable, D'un téméraire orgueil exemple mémorable. Moi qui, contre l'amour fièrement révolté, Aux fers de ses captifs ai long-temps insulté ; Qui, des faibles mortels déplorant les naufrages, Pensais toujours du bord contempler les orages; Asservi maintenant sous la commune loi, Par quel trouble me vois-je emporté loin de moi! Un moment a vaincu mon audace imprudente ; Cette âme si superbe est enfin dépendante. Depuis près de six mois, honteux, désespéré, Portant partout le trait dont je suis déchiré,

« IndietroContinua »