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Vous n'aviez pas encore atteint l'âge où je touche,
Déjà plus d'un tyran, plus d'un monstre farouche
Avait de votre bras senti la pesanteur;
Déjà, de l'insolence heureux persécuteur,
Vous aviez des deux mers assuré les rivages;
Le libre voyageur ne craignait plus d'outrages.
Hercule, respirant sur le bruit de vos coups,
Déjà de son travail se reposait sur vous.
Et moi, fils inconnu d'un si glorieux père,

Je suis même encor loin des traces de ma mère.

Souffrez que mon courage ose enfin s'occuper.
Souffrez, si quelque monstre a pu vous échapper,
Que j'apporte à vos pieds sa dépouille honorable,
que d'un beau trépas la mémoire durable,
Éternisant des jours si noblement finis,

Ou

Prouve à tout l'univers que j'étais votre fils.
THÉSÉE.

Que vois-je ? Quelle horreur dans ces lieux répandue,
Fait fuir devant mes yeux ma famille éperdue?
Si je reviens si craint et si peu désiré,

O ciel! de ma prison pourquoi m'as-tu tiré ?
Je n'avais qu'un ami. Son imprudente flamme
Du tyran de l'Épire allait ravir la femme.
Je servais à regret ses desseins amoureux;
Mais le sort irrité nous aveuglait tous deux.
Le tyran m'a surpris sans défense et sans armes;
J'ai vu Pirithoüs, triste objet de mes larmes,
Livré par ce barbare à des monstres cruels

Qu'il nourrissait du sang des malheureux mortels.
Moi-même, il m'enferma dans des cavernes sombres,
Lieux profonds et voisins de l'Empire des ombres.
Les dieux, après six mois, enfin m'ont regardé.
J'ai su tromper les yeux par qui j'étais gardé.
D'un perfide ennemi j'ai purgé la nature :

A ses monstres lui-même a servi de pâture.
Et lorsqu'avec transport je pense m'approcher
De tout ce que les dieux m'ont laissé de plus cher;
Que dis-je? quand mon âme, à soi-même rendue,
Vient se rassasier d'une si chère vue,

Je n'ai pour tout accueil que des frémissemens.
Tout fuit: tout se refuse à mes embrassemens.
Et moi-même, éprouvant la terreur que j'inspire,
Je voudrais être encor dans les prisons d'Épire.
Parlez: Phèdre se plaint que je suis outragé.
Qui m'a trahi? Pourquoi ne suis-je pas vengé ?
La Grèce, à qui mon bras fut tant de fois utile,
A-t-elle au criminel accordé quelque asile ?...
Vous ne répondez point! Mon fils, mon propre fils
Est-il d'intelligence avec mes ennemis ?
Entrons: c'est trop garder une doute qui m'accable.
Connaissons à-la-fois le crime et le coupable:
Que Phèdre explique enfin le trouble où je la voi,

SCÈNE VI.

HIPPOLYTE, seul.

Où tendait ce discours qui m'a glacé d'effroi ?
Phèdre, toujours en proie à sa fureur extrême,
Vent-elle s'accuser et se perdre elle-même ?
Dieux ! que dira le Roi? Quel funeste poison
L'amour a répandu sur toute sa maison !
Moi-même, plein d'un feu que sa haine réprouve,
Quel il m'a vu jadis, et quel il

me retrouve !

De noirs pressentimens viennent m'épouvanter.
Mais l'innocence enfin n'a rien à redouter.

Allons: cherchons ailleurs par quelle heureuse adresse
Je pourrai de mon père émouvoir la tendresse,

Et lui dire un amour qu'il peut vouloir troubler,

Mais

que tout son pouvoir ne saurait ébranler.

FIN DU TROISIÈME ACTE.

ACTE QUATRIÈME.

SCÈNE PREMIÈRE.

An qu'e

THÉSÉE, OEN ONE.

THÉSÉE.

H! qu'est-ce que j'entends? untraître, un téméraire, Préparait cet outrage à l'honneur de son père!

Avec quelle rigueur, Destin, tu me poursuis!
Je ne sais où je vais, je ne sais où je suis.
O tendresse ! ô bonté trop mal recompensée!
Projet audacieux ! détestable pensée !
Pour parvenir au but de ses noires amours',
L'insolent de la force empruntait le secours.
J'ai reconnu le fer, instrument de sa rage,
Ce fer dont je l'armai pour un plus noble usage.
Tous les liens du sang n'ont pu le retenir!
Et Phèdre différait à le faire punir !
Le silence de Phèdre épargnait le coupable!

OE NONE.

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Phèdre épargnait toujours un père déplorable.
Honteuse du dessein d'un amant furieux,

Et du feu criminel qu'il a pris dans ses yeux,
Phèdre mourait, Seigneur, et sa main meurtrière
Éteignait de ses yeux l'innocente lumière.
J'ai vu lever le bras, j'ai voulu la sauver ;
Moi seule à votre amour j'ai su la conserver.
Et plaignant à-la-fois son trouble et vos alarmes,
J'ai servi, malgré moi, d'interprète à ses larmes.
THÉSÉE.

Le perfide! Il n'a pu s'empêcher de pâlir.
De crainte, en m'abordant, je l'ai vu tressaillir.
Je me suis étonné de son peu d'alégresse;

Ses froids embrassemens ont glacé

ma tendresse.

Mais ce coupable amour dont il est dévoré,
Dans Athènes déjà s'était-il déclaré ?

OE NONE.

Seigneur, souvenez-vous des plaintes de la Reine.
Un amour criminel causa toute sa haine.

THÉS É E.

Et ce feu dans Trézène a donc recommencé ?

OE NONE.

Je vous ai dit, Seigneur, tout ce qui s'est passé. (en voyant Hippolyte. )

C'est trop laisser la Reine à sa douleur mortelle.

Souffrez que je vous quitte, et me range auprès d'elle.

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