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SCÈNE II.

HIPPOLYTE, THÉSÉE.

THÉSÉE.

Ah! le voici. Grand dieux! à ce noble maintien, Quel œil ne serait pas trompé comme le mien? Faut-il que sur le front d'un profane adultère

Brille de la vertu le sacré caractère ?

Et ne devrait-on pas, à des signes certains,
Reconnaître le cœur des perfides humains!

HIPPOLYTE.

Puis-je vous demander quel funeste nuage,
Seigneur, a pu troubler votre auguste visage?
N'osez-vous confier ce secret à ma foi ?

THÉSÉE.

Perfide, oses-tu bien te montrer devant moi ?
Monstre qu'a trop long-temps épargné le tonnerre,
Reste impur des brigands dont j'ai purgé la terre,
Après que
le transport d'un amour plein d'horreur,
Jusqu'au lit de ton père a porté sa fureur,
Tu m'oses présenter une tête ennemie !
Tu parais dans des lieux pleins de ton infamie!
Et ne vas pas chercher, sous un ciel inconnu,
Des pays où mon nom ne soit point parvenu!
Fuis, traître: ne viens point braver ici ma haine,

Et tenter un courroux que je retiens à peine.
C'est bien assez pour moi de l'opprobre éternel
D'avoir pu mettre au jour un fils si criminel,
Sans que ta mort encor, honteuse à ma mémoire,
De mes nobles travaux vienne souiller la gloire.
Fuis: et si tu ne veux qu'un châtiment soudain
T'ajoute aux scélérats qu'a punis cette main,
Prends garde que jamais l'astre qui nous éclaire
Ne te voie en ces lieux mettre un pied téméraire.
Fuis, dis-je ; et sans retour précipitant tes pas,
De ton horrible aspect purge tous mes
États.

Et toi, Neptune, et toi, si jadis mon courage
D'infàmes assassins nétoya ton rivage,
Souviens-toi que, pour prix de mes efforts heureux,
Tu promis d'exaucer le premier de mes vœux.
Dans les longues rigueurs d'une prison cruelle,
Je n'ai point imploré ta puissance immortelle.
Avare du secours que j'attends de tes soins,

Mes vœux t'ont reservé pour de plus grands besoins. Je t'implore aujourd'hui; venge un malheureux père : J'abandonne ce traître à toute ta colère.

Étouffe dans son sang ses désirs effrontés.

Thésée à tes fureurs connaîtra tes bontés.

HIPPOLYTE.

D'un amour criminel Phèdre accuse Hippolyte !
Un tel excès d'horreur rend mon âme interdite.
Tant de coups imprévus m'accablent à-la-fois,
Qu'ils m'ôtent la parole et m'étouffent la voix.

THÉSÉE.

Traître, tu prétendais qu'en un lâche silence
Phèdre ensevelirait ta brutale insolence:

Il fallait, en fuyant, ne pas abandonner

Le fer qui, dans ses mains, aide à te condamner.
Ou plutôt il fallait, comblant ta perfidie,
Lui ravir tout-d'un-coup la parole et la vie.

HIPPOLYTE.

D'un mensonge si noir justement irrité
Je devrais faire ici parler la vérité,

Seigneur ; mais je supprime un secret qui vous touche.
Approuvez le respect qui me ferme la bouche;
Et sans vouloir vous-même augmenter vos ennuis,
Examinez ma vie, et songez qui je suis.

Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes.

Quiconque a pu franchir les bornes légitimes,

Peut violer enfin les droits les plus sacrés.

Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés;
Et jamais on n'a vu la timide innocence
Passer subitement à l'extrême licence.

Un jour seul ne fait point d'un mortel vertueux
Un perfide assassin, un làche incestueux.
Élevé dans le sein d'une chaste héroïne,
Je n'ai point de son sang démenti l'origine.
Pitthée, estimé sage entre tous les humains,
Daigna m'instruire encore au sortir de ses mains.
Je ne veux point me peindre avec trop d'avantage:

Mais si quelque vertu m'est tombée en partage,
Seigneur, je crois sur-tout avoir fait éclater
La haine des forfaits qu'on ose m'imputer.
C'est par-là qu'Hippolyte est connu dans la Grèce.
J'ai poussé la vertu jusques à la rudesse :
On sait de mes chagrins l'inflexible rigueur.

Le jour n'est pas plus pur que le fond de mon cœur.
Et l'on veut qu'Hippolyte, épris d'un feu profane...
THÉSÉE.

Oui, c'est ce même orgueil, lâche! qui te condanine. Je vois de tes froideurs le principe odieux :

Phèdre seule charmait tes impudiques yeux ;

Et

pour tout autre objet ton âme indifférente Dédaignait de brûler d'une flamme innocente.

HIPPOLYTE.

Non, mon père; ce cœur (c'est trop vous le celer)
N'a point d'un chaste amour dédaigné de brûler.
Je confesse à vos pieds ma véritable offense.
J'aime... j'aime, il est vrai, malgré votre défense.
Aricie à ses lois tient mes vœux asservis,

La fille de Pallante a vaincu votre fils;

Je l'adore ; et mon âme à vos ordres rebelle,
Ne peut ni soupirer, ni brûler que pour elle.

THÉSÉE.

Tu l'aimes? Ciel! Mais non, l'artifice est grossier : Tu te feins criminel pour te justifier.

HIPPOLYTE.

Seigneur, depuis six mois je l'évite et je l'aime.
Je venais, en tremblant, vous le dire à vous même...
Hé quoi ! de votre erreur rien ne vous peut tirer ?
Par quel affreux serment faut-il vous rassurer?
Que la terre, le ciel, que toute la nature...
THÉSÉE.

Toujours les scélérats ont recours au parjure.
Cesse, cesse, et m'épargne un importun discours,
Si ta fausse vertu n'a point d'autre secours.

HIPPOLYTE.

Elle vous paraît fausse et pleine d'artifice :
Phèdre au fond de son cœur me rend plus de justice.
THÉSÉE.

Ah! que ton impudence excite mon courroux!

HIPPOLYTE.

Quel temps à mon exil, quel fieu prescrivez-vous?

THÉSÉE.

Fusses-tu par-delà les colonnes d'Alcide,
Je me croirais encor trop voisin d'un perfide.

HIPPOLYTE.

Chargé du crime affreux dont vous me soupçonnez, Quels amis me plaindront quand vous m'abandonnez ? THÉSÉE.

Va chercher des amis dont l'estime funeste

Honore l'adultère, applaudisse à l'inceste ;

Des traîtres, des ingrats, sans honneur et sans loi,

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