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SCÈNE IV.

THÉSÉE, seul.

Quelle est donc sa pensée? Et que cache un discours
Commencé tant de fois, interrompu toujours ?
Veulent-ils m'éblouir par une feinte vaine?
Sont-ils d'accord tous deux pour me mettre à la gene?
Mais moi-même, malgré ma sévère rigueur,
Quelle plaintive voix crie au fond de mon cœur ?
Une pitié secrète et m'afflige et m'étonne.
Une seconde fois interrogeons OEnone :
Je veux de tout le crime être mieux éclairci.
Gardes, qu'OEnone sorte et vienne seule ici.

SCÈNE V.

THÉSÉE, PANOPE.

PANOPE.

J'ignore le projet que la Reine médite,
Seigneur mais je crains tout du transport qui l'agite.
Un mortel désespoir sur son visage est peint.
La pâleur de la mort est déjà sur son teint.

Déjà, de sa présence avec honte chassée,

Dans la profonde mer OEnone s'est lancée.
On ne sait point d'où part ce dessein furieux;
Et les flots pour jamais l'ont ravie à nos yeux.

Qu'entends-je ?

THÉSÉE.

PANOPE.

Son trépas n'a point calmé la Reine : Le trouble semble croître en son âme incertaine. Quelquefois, pour flatter ses secrètes douleurs, Elle prend ses enfans et les baigne de pleurs; Et soudain, renonçant à l'amour maternelle, Sa main avec horreur les repousse loin d'elle. Elle porte au hasard ses pas irrésolus; Son œil tout égaré ne nous reconnaît plus. Elle a trois fois écrit ; et, changeant de pensée, Trois fois elle a rompu sa lettre commencée. Daignez la voir, Seigneur; daignez la secourir.

THÉSÉE.

O ciel! OEnone est morte, et Phèdre veut mourir !
Qu'on rappelle mon fils, qu'il vienne se défendre;
Qu'il vienne me parler, je suis prêt de l'entendre.
(seul.)

Ne précipite point tes funestes bienfaits,
Neptune : j'aime mieux n'être exaucé jamais;
J'ai peut-être trop cru des témoins peu fidèles,
Et j'ai trop tôt vers toi levé mes mains cruelles.
Ah! de quel désespoir mes vœux seraient suivis !

SCÈNE VI.

THÉSÉE, THÉRAMÈNE.

THÉSÉE.

Théramène, est-ce toi ? Qu'as-tu fait de mon fils? Je te l'ai confié dès l'âge le plus tendre...

Mais d'où naissent les pleurs que je te vois répandre? Que fait mon fils?

THÉRAMÈ NE.

O soins tardifs et superflus!

Inutile tendresse! Hippolyte n'est plus.

Dieux!

THÉSÉE,

THERA MÈNE,

J'ai vu des mortels périr le plus aimable;

Et j'ose dire encor, Seigneur, le moins coupable.

THÉSÉE.

Mon fils n'est plus! Hé quoi! quand je lui tends les bras, Les dieux impatiens ont hâté son trépas!

Quel coup me l'a ravi? Quelle foudre soudaine?

THÉRAMÈNE.

A peine nous sortions des portes de Trézène,
Il était sur son char. Ses gardes affligés
Imitaient son silence, autour de lui rangés.
Il suivait, tout pensif, le chemin de Mycène.

Sa main sur les chevaux laissait flotter les rênes.
Ses superbes coursiers qu'on voyait autrefois
Pleins d'une ardeur si noble obéir à sa voix,
L'œil morne maintenant et la tête baissée,
Semblaient se conformer à sa triste pensée.
Un effroyable cri sorti du fond des flots,
Des airs en ce moment a troublé le repos;
Et du sein de la terre une voix formidable
Répond en gémissant à ce cri redoutable.
Jusqu'au fond de nos cœurs notre sang s'est glacé.
Des coursiers attentifs le crin s'est hérissé.
Cependant, sur le dos de la plaine liquide,
S'élève à gros bouillons une montagne humide.
L'onde approche, se brise, et vomit à nos yeux,
Parmi des flots d'écume, un monstre furieux.
Son front large est armé de cornes menaçantes;
Tout son corps est couvert d'écailles jaunissantes.
Indomptable taureau, dragon impétueux,
Sa croupe se recourbe en replis tortueux,
Ses longs mugissemens font trembler le rivage;
Le ciel avec horreur voit ce monstre sauvage.
La terre s'en émeut, l'air en est infecté ;
Le flot qui l'apporta, recule épouvanté.
Tout fuit; et sans s'armer d'un courage inutile,
Dans le temple voisin chacun cherche un asile,
Hippolyte lui seul, digne fils d'un héros,
Arrête les coursiers, saisit ses javelots,

Pousse au monstre, et d'un dard lancé d'une main sûre,

Il lui fait dans le flanc une large blessure.
De rage et de douleur le monstre bondissant,
Vient aux pieds des chevaux tomber en mugissant,
Se roule, et leur présente une gueule enflammée,
Qui les couvre de feu, de sang et de fumée.
La frayeur les emporte; et, sourds à cette fois,
Ils ne connaissent plus ni le frein ni la voix.
En efforts impuissans leur maître se consume;
Ils rougissent le mords d'une sanglante écume ;
On dit qu'on a vu même, en ce désordre affreux,
Un dieu qui d'aiguillons pressait leur flanc poudreux.
A travers les rochers la peur les précipite;
L'essieu crie et se rompt. L'intrépide Hippolyte
Voit voler en éclats tout son char fracassé ;
Dans les rênes lui-même il tombe embarrassé.
Excusez ma douleur; cette image cruelle
Sera pour moi de pleurs une source éternelle.
J'ai vu, Seigneur, j'ai vu votre malheureux fils
Traîné par les chevaux que sa main a nourris.
Il veut les rappeler, et sa voix les effraie.

Ils courent. Tout son corps n'est bientôt qu'une plais.
De nos cris douloureux la plaine retentit.

Leur fougue impétueuse enfin se ralentit.
Ils s'arrêtent non loin de ces tombeaux antiques,
Où des rois ses aïeux sont les froides reliques.
Je cours en soupirant, et sa garde me suit;
De son généreux sang la trace nous conduit.

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