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Contre vous, contre moi, vainement je m'éprouve.
Présente je vous fuis, absente je vous trouve.
Dans le fond des forêts votre image me suit.
La lumière du jour, les ombres de la nuit,
Tout retrace à mes yeux les charmes que j'évite;
Tout vous livre à l'envi le rebelle Hippolyte.
Moi-même, pour tout fruit de mes soins superflus,
Maintenant je me cherche, et ne me trouve plus.
Mon arc, mes javelots, mon char, tout m'importune.
Je ne me souviens plus des leçons de Neptune.
Mes seuls gémissemens font retentir les bois,
Et mes coursiers oisifs ont oublié ma voix.
Peut-être le récit d'un amour si sauvage

Vous fait, en m'écoutant, rougir de votre ouvrage.
D'un cœur qui s'offre à vous, quel farouche entretien !
Quel étrange captif pour un si beau lien!

Mais l'offrande à vos yeux en doit être plus chère.
Songez que je vous parle une langue étrangère ;
Et ne rejetez pas des vœux mal exprimés,
Qu'Hippolyte, sans vous, n'aurait jamais formés.

SCÈNE III.

HIPPOLYTE, ARICIE,

THÉRAMÈNE,

ISMÈNE.

THÉRAMÈNE.

Seigneur, la Reine vient, et je l'ai devancée ;

Elle vous cherche.

HIPPOLYTE.

Moi ?

THÉRAMÈNE.

J'ignore sa pensée.

Mais on vous est venu demander de sa part.
Phèdre veut vous parler avant votre départ.

HIPPOLYTE.

Phèdre! Que lui dirai-je ? Et que peut-elle attendre?.....

ARICIE.

Seigneur, vous ne pouvez refuser de l'entendre.
Quoique trop convaincu de son inimitié,
Vous devez à ses pleurs quelque ombre de pitié.

HIPPOLYTE.

Cependant vous sortez. Et je pars; et j'ignore
Si je n'offense point les charmes que j'adore.
J'ignore si ce cœur que je laisse en vos mains...

ARICIE.

Partez, Prince, et suivez vos généreux desseins.

Rendez de mon pouvoir Athènes tributaire.
J'accepte tous les dons que vous me voulez faire.
Mais cet empire enfin, si grand, si glorieux,
N'est pas de vos présens le plus cher à mes yeux.

SCÈNE IV.

HIPPOLYTE, THÉRAMÈNE.

HIPPOLYTE.

Ami, tout est-il prêt? Mais la Reine s'avance.
Va, que pour le départ tout s'arme en diligence.
Fais donner le signal, cours, ordonne et revien
Me délivrer bientôt d'un fàcheux entretien.

SCÈNE V.

PHÈDRE, HIPPOLYTE,

OE NONE.

PHEDRE à Enone, dans le fond du théâtre. Le voici. Vers mon cœur tout mon sang se retire. J'oublie, en le voyant, ce que je viens lui dire.

OE NONE.

Souvenez-vous d'un fils qui n'espère qu'en vous.
PHÈDRE.

On dit qu'un prompt départ vous éloigne de nous,

Seigneur. A vos douleurs je viens joindre mes larmes;
Je vous viens pour un fils expliquer mes alarmes.
Mon fils n'a plus de père, et le jour n'est pas loin
Qui de ma mort encor doit le rendre témoin.
Déjà mille ennemis attaquent son enfance.
Vous seul pouvez contre eux embrasser sa défense.
Mais un secret remords agite mes esprits;
Je crains d'avoir fermé votre oreille à ses cris.
Je tremble que sur lui votre juste colère
Ne poursuive bientôt une odieuse mère.

HIPPOLYTE.

Madame, je n'ai point des sentimens si bas.

PHÈDRE.

Quand vous me haïriez, je ne m'en plaindrais pas,
Seigneur. Vous m'avez vue attachée à vous nuire;
Dans le fond de mon cœur vous ne pouviez pas lire.
A votre inimitié j'ai pris soin de m'offrir.

Aux bords que j'habitais je n'ai pu vous souffrir.
En public, en secret, contre vous déclarée,
J'ai voulu
par des mers en être séparée.
J'ai même défendu, par une expresse loi,
Qu'on osat prononcer votre nom devant moi.
Si pourtant à l'offense on mesure la peine
'Si la haine peut seule attirer votre haine,
Jamais femme ne fut plus digne de pitié,
Et moins digne, Seigneur, de votre inimitié.

4.

HIPPOLYTE.

Des droits de ses enfans une mère jalouse
Pardonne rarement au fils d'une autre épouse,
Madame ; je le sais : les soupçons importuns
Sont d'un second hymen les fruits les plus communs.
Tout autre aurait pour moi pris les mêmes ombrages,
Et j'en aurais peut-être essuyé plus d'outrages.

PHÈDRE.

Ah! Seigneur, que le ciel, j'ose ici l'attester,
De cette loi commune a voulu m'excepter!

Qu'un soin bien différent me trouble et me dévore!

HIPPOLYTE.

Madame, il n'est pas temps de vous troubler encore.
Peut-être votre époux voit encore le jour.
Le ciel peut à nos pleurs accorder son retour.
Neptune le protége, et ce dieu tutélaire

Ne sera pas en vain imploré par mon père.
PHÈDRE.

On ne voit point deux fois le rivage des morts,
Seigneur. Puisque Thésée a vu les sombres bords,
En vain vous espérez qu'un dieu vous le renvoie,
Et l'avare Acheron ne lâche point sa proie.
Que dis-je? Il n'est point mort, puisqu'il respire en vous.
Toujours devant mes yeux je crois voir mon époux.
Je le vois, je lui parle ; et mon cœur... Je m'égare,
Seigneur ; ma folle ardeur malgré moi se déclare.

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